
NOTRE PRÉCÉDENTE PUBLICATION :
ET SI L’AFFAIRE DE LA TAXATION DES SURPROFITS NE FAISAIT QUE COMMENCER ? (1) https://metahodos.fr/2022/10/31/et-si-laffaire-de-la-taxation-des-surprofits-ne-faisait-que-commencer/
« Taxe sur les superprofits : TotalEnergies ne va (presque) rien payer »
TITRE L’OBSERVATOIRE DES MILTINATIONALES qui poursuit :
« Emmanuel Macron et son gouvernement ne voulaient pas de taxe sur les superprofits. Ils ont finalement dû accepter la « contribution temporaire de solidarité » voulue par la Commission européenne, mais seulement en limitant sa portée, et en s’assurant que les montants prélevés seraient faibles. Résultat : alors que TotalEnergies vient d’annoncer à nouveau des profits conséquents pour le troisième trimestre 2022, le groupe ne va presque rien payer en France.
« « Les superprofits, je ne sais pas ce que c’est. » Le 30 août dernier, devant le Medef, Bruno Le Maire niait l’existence même des superprofits, ces profits d’aubaine réalisés par des grands groupes du fait de la guerre en Ukraine et de ses conséquences, notamment dans le secteur énergétique. Moins de deux mois plus tard, le ministre de l’Économie et des Finances se retrouve chargé de collecter en France la taxe sur les superprofits proposée par la Commission européenne et entérinée par le Conseil de l’UE le 30 septembre dernier. L’amendement gouvernemental qui transcrit en droit français cette « contribution temporaire de solidarité » a même survécu au 49.3 exécuté sur le projet de loi de finances 2023. Il fait partie des rares amendements repêchés par l’exécutif.
Grâce à cette réglementation européenne, nous avons désormais une définition institutionnelle et quantifiée des superprofits : sont considérés comme tels les profits 2022 réalisés sur le sol européen qui sont de 20% supérieurs à une moyenne des profits calculée sur les exercices 2018, 2019, 2020 et 2021. Si cette définition peut être discutée, elle permet dans l’absolu d’évaluer, pour chaque entreprise, si les profits réalisés en 2022 doivent être considérés comme des superprofits ou comme des profits normaux. Dans sa communication initiale, la Commission laissait d’ailleurs la possibilité aux États membres d’appliquer sa proposition de taxe à d’autres secteurs que le seul secteur de l’énergie.
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Ponctionner les bénéfices exceptionnels sans freiner l’investissement dans les énergies renouvelables
Ponctionner les bénéfices exceptionnels de certaines entreprises pour financer les mesures de protection du pouvoir d’achat ? Oui, à condition de ne pas freiner l’investissement dans les énergies renouvelables selon Mireille Chiroleu-Assouline*, professeure de sciences économiques.
ARTICLE
Taxer les superprofits, un juste retour aux citoyens
Par Mireille Chiroleu-Assouline Publié le 28/10/2022 CAPITAL
Comme toutes les grandes compagnies pétrolières et gazières, TotalEnergies a vu ses profits croître de façon exponentielle depuis le niveau relativement faible, mais positif, de 2020. La multinationale a ainsi annoncé cet été un bénéfice mondial consolidé de 18 milliards d’euros au premier semestre 2022, égal à celui de l’année 2021, qui était lui-même supérieur d’environ 50% aux bénéfices annuels réalisés de 2017 à 2019. De tels niveaux de profits ont suscité un débat sur leur légitimité et la nécessité de taxer les superprofits, tous secteurs confondus. Au-delà de TotalEnergies, d’autres entreprises sont visées, comme CMA CGM, compagnie de fret maritime, ou les producteurs d’électricité.
Mais qu’est-ce qu’un superprofit ? Le Larousse le définit comme un « profit considérable, au-dessus des profits habituels », ce qui est suffisamment flou pour s’appliquer à de nombreux cas. Tandis que le ministre de l’Economie avait d’abord affirmé ne pas savoir identifier les superprofits, une entreprise devant être a priori profitable, le président Macron a finalement choisi le terme de « profits indus » qui, certes, n’insiste pas sur leur niveau mais se place bien dans la logique du questionnement de leur légitimité.
Le terme « superprofit », auquel les économistes préfèrent celui de « rente », recouvre en fait une réalité multiforme. Plutôt que leur niveau, c’est la source des profits qui peut leur donner un caractère problématique et justifier un éventuel écrêtement. Les superprofits considérés comme indus sont les profits extraordinaires liés à des circonstances exceptionnelles, et non à la clairvoyance particulière ou à l’habileté stratégique des dirigeants de l’entreprise.
Dans le secteur des énergies fossiles, les prix ont été dopés par la pénurie anticipée de gaz et des tensions sur le marché pétrolier depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les producteurs de pétrole et de gaz, dont les coûts de production n’ont pas augmenté, enregistrent des bénéfices faramineux sans avoir rien fait pour cela. Ces profits indus ont été obtenus aux dépens des consommateurs, qui ont payé un prix plus élevé pour leurs achats. Il serait juste de le leur rendre, notamment en l’absence de garantie que ces profits seront réinvestis dans les énergies décarbonées.À LIRE AUSSIÉnergie : contribution ou taxe sur les superprofits, voici ce qui les différencie
C’est ce qu’ont décidé les ministres européens de l’Energie le 30 septembre. Les entreprises qui commercialisent ou raffinent des énergies fossiles acquitteront une contribution exceptionnelle de solidarité de 33% du surplus de bénéfice par rapport à la moyenne des quatre dernières années. Les recettes ainsi récoltées financeront les boucliers tarifaires et autres mesures de protection des consommateurs. Du côté des producteurs d’électricité, qui ont profité d’une flambée du prix de gros alors que leurs coûts de production sont restés stables, la mesure adoptée les obligera à reverser le trop-perçu, au-delà d’un prix plafond de 180 euros par mégawattheure. Le super profit restant retrouve sa légitimité s’il finance les investissements dans les énergies renouvelables.
CMA CGM, enfin, affiche des bénéfices exceptionnels depuis 2021, en raison de la flambée du prix du conteneur due à la reprise de la demande, combinée à la désorganisation de l’offre mondiale de transport. Le mécanisme est similaire, le profit indu caractérisé et l’impact considérable sur le pouvoir d’achat des consommateurs, même si l’entreprise a consenti aux importateurs français une ristourne sur les conteneurs.
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Imposer une contribution exceptionnelle de solidarité à CMA CGM se justifierait d’autant plus que, en vertu d’un régime fiscal spécifique instauré en 2003, l’impôt sur les sociétés du secteur n’est pas calculé sur leurs bénéfices, mais relève d’une taxe dégressive au tonnage de chaque navire, ce qui est très favorable à l’entreprise lorsque les prix du fret sont élevés. L’activité du transport de marchandises est totalement liée au commerce international, et peut toutefois se retrouver déficitaire en période de récession. Mieux vaudrait réformer ce régime fiscal en limitant l’avantage en cas de superprofits et la charge fiscale en cas de déficit.
*Mireille Chiroleu-Assouline est professeure de sciences économiques à Paris1 et à Paris School of Economics.
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