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RÉFORME DE LA POLICE : TECHNOCRATIE ET POLITIQUE CONTRE JUDICIAIRE ?

ARTICLE

La police judiciaire mise en danger par la technocratie

5 novembre 2022 CONREPOINTS Élodie Messéant Un article de l’IREF Europe.

La réforme de départementalisation de la police suscite de grandes inquiétudes, si ce n’est une opposition quasi unanime des principaux acteurs du monde judiciaire – magistrats, policiers et avocats.

Une séparation des pouvoirs limitée, entachée, voire bannie. La réforme de départementalisation de la police suscite de grandes inquiétudes, si ce n’est une opposition quasi unanime des principaux acteurs du monde judiciaire – magistrats, policiers et avocats. Un fait rare dans cette institution.

Prévue en 2023, la réforme vise à créer des directions départementales regroupant les quatre grands métiers de la police : sécurité publique, police judiciaire, renseignement territorial et police aux frontières. L’ensemble de ces services serait placé sous l’autorité d’un directeur départemental de la police nationale (DDPN) qui dépendrait directement du préfet.

Cette réforme chamboulerait l’organisation actuelle : la criminalité, a fortiori la grande criminalité, s’arrêtant rarement aux frontières d’un seul département, les affaires sont réparties entre une direction centrale (basée à Nanterre), et six directions zonales (ouest, sud-ouest, sud, sud-est, est et les Antilles).

Une dépendance accrue à l’égard du politique

Parmi les critiques adressées à ce projet de loi figure celle de ne pas suffisamment prendre en compte les spécificités de la police judiciaire. L’autorité du préfet se trouverait considérablement renforcée avec une extension du périmètre d’intervention du ministère de l’Intérieur. Or, celui-ci est préoccupé prioritairement par la baisse de la délinquance du quotidien. La plus visible et donc la plus rentable électoralement. Il pourrait donc être tenté de négliger les besoins de lutte contre la grande criminalité.

Un véritable gâchis de compétences :

« On peut légitimement supposer que des officiers de PJ seront mobilisés pour travailler sur des rodéos urbains ou des violences conjugales, au détriment de leurs investigations de fond » craint Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature.

La place Beauvau est également suspectée de vouloir influencer le choix des affaires traitées. Le préfet sera désormais compétent pour saisir un service spécialisé, et non plus le procureur. Une difficulté majeure dans la résolution d’affaires sensibles, comme la corruption politique.

Une technocratie qui impose ses réformes par le haut

Comme toujours en France, la technocratie impose ses réformes par le haut, sans concertation avec les principaux intéressés ni ceux qui connaissent la réalité du terrain.

On se rappellera les conséquences désastreuses de la réforme de 2008. Imposée par Nicolas Sarkozy, la fusion des Renseignements généraux (RG) et de la Direction de la surveillance du territoire (DST) aura débouché sur une entité bureaucratique : la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur). « Une erreur profonde », selon une ancienne des Renseignements. Quelques années plus tard, des failles importantes apparaîtront avec l’affaire Merah.

La réforme actuelle n’est pas uniquement dangereuse pour l’indépendance de la police judiciaire. Parce qu’elle fait fi de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire, elle est dangereuse pour une institution entière. Dans un contexte d’interférence croissante du politique dans la justice, cette réforme ne présage rien de bon.

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