
Second tome : Occupation et Libération, les « œuvres collectives de l’esprit »
Gallimard publie les cours de poétique que le grand écrivain donna au Collège de France entre 1937 et 1945. Un monument littéraire annonçant les années 1960.
« Plus qu’une rumeur, écrit François-Guillaume Lorrain dans LE POINT, c’était un fantasme. Un objet littéraire vaguement identifié, désiré, dont l’aura était d’autant plus forte que le mystère planait sur son contenu. Les spécialistes en parlaient comme du magnum opus de cet éminent esprit qui, avouons-le, nous intimide par son intelligence. «
Le chef-d’œuvre retrouvé de Paul Valéry
« Qui lit encore Valéry et ses Cahiers, journal hermétique d’une pensée ? Qui sait que, après qu’il se fut remis à la poésie pendant la Grande Guerre sur les conseils de son ami Gide, La Jeune Parque et « Le Cimetière marin » (publié dans son recueil Charmes) lui ont valu le statut de plus grand poète français ? «
« Nous autres, civilisations, nous savons dés…
« De lui, on ne retient souvent que la première phrase de sa conférence « La Crise de l’esprit », prononcée au lendemain de l’apocalypse de 14-18 : « Nous autres, civilisations, nous savons dés… »
1. PARUTION PROCHAINE
Cours de poétique Tome II : Le langage, la société, l’histoire (1940-1945)
Édition de William Marx – Collection Bibliothèque des Idées, Gallimard. Parution : 05-01-2023
Paul Valéry occupa de 1937 à sa mort en 1945 la chaire de Poétique créée pour lui au Collège de France. Connu jusqu’à présent par de rares témoignages d’auditeurs, cet enseignement a pris dans l’histoire de la critique littéraire la dimension d’un mythe.
Sous le nom de poétique, l’écrivain élabore en effet pour la première fois la synthèse du « Système » total de l’acte créateur dont il rêvait depuis sa jeunesse. Son originalité : situer la genèse de l’œuvre littéraire et artistique non seulement dans l’ordre de la création individuelle, mais également dans un vaste horizon social.
Véritable laboratoire de pensée, ce cours expérimental contient en germe une psychologie de la création, une sociologie de l’art et une esthétique de la réception, tout en croisant les interrogations actuelles de la phénoménologie, de la philosophie du langage et des neurosciences. Avec une curiosité sans limites, cet essai d’une anthropologie de la vie de l’esprit se révèle un monument de la pensée du XXe siècle.
Paul Valéry et Gaston Gallimard avaient souhaité publier le cours de poétique. Près de quatre-vingts ans après la mort de l’écrivain, voici son vœu exaucé et sa dernière grande œuvre dévoilée.
Dans ce second tome, couvrant les années d’Occupation et la Libération, la réflexion s’élargit aux « œuvres collectives de l’esprit ». Comment le langage organise-t-il la vie psychique ? Comment fonde-t-il aussi l’existence sociale ?
Tandis que les méditations sur la société et sur l’histoire prennent une importance croissante, Valéry livre, la dernière année, son testament intellectuel sur la responsabilité de l’écrivain et sur l’idéal de la littérature.
2. ARTICLE
Des cours inédits montrent un Paul Valéry philosophe que l’on ne connaissait pas
La publication des « Cours de poétique » inédits, donnés au Collège de France, entre 1937 et 1945, par le poète et essayiste, révèle une surprenante pensée de l’acte créatif, aussi originale que jubilatoire.

« Cours de poétique. I. Le corps et l’esprit (1937-1940) » ; « II. Le langage, la société, l’histoire (1940-1945) », de Paul Valéry, édité et présenté par William Marx, avec Andrei Minzetanu et Céline Surprenant, Gallimard, « Bibliothèque des idées », 686 p., 28 €, numérique 20 € ; et 740 p., 29 €, numérique 20 €.
Le poète et prosateur Paul Valéry (1871-1945) fait partie de ces écrivains immenses dont on croyait tout connaître. Mais ses archives, tombées depuis peu dans le domaine public, réservaient encore la colossale surprise d’un système philosophique en bonne et due forme. Le lecteur d’aujourd’hui le découvre avec étonnement et plaisir, grâce à l’événement − le mot n’est pas ici exagéré – que constitue la publication des cours qu’il donna au Collège de France, après une élection difficile, entre le Front populaire et la Libération (1937-1945).
Bien sûr l’existence de ces séances, auxquelles assistèrent notamment Maurice Blanchot, Roland Barthes ou Yves Bonnefoy, loin d’être inconnue, avait auprès des chercheurs le statut d’origine légendaire de certaines des grandes tendances de la littérature contemporaine : la « mort de l’auteur », la filiation mallarméenne du poème ne renvoyant qu’à lui-même, etc. Mais la lettre en était demeurée méconnue et le souvenir des improvisations géniales dues à l’auteur du Cimetière marin paraissait voué à disparaître avec les derniers auditeurs. Réparties entre plusieurs fonds, les notes préparatoires aux 197 séances que Paul Valéry assura, deux fois par semaine, dans les salles bondées du Collège, semblaient aussi fragmentaires que le sont parfois ses Cahiers, tenus de 1894 à 1910 (publiés en treize tomes, chez Gallimard).
La découverte, en 2021, par l’historien de la littérature William Marx, lui-même professeur au Collège de France, et son équipe, de la transcription sténographique intégrale des seize premières leçons dans les archives de Gallimard, l’éditeur de Valéry, en a décidé autrement. S’ajoutant au matériel disponible, elle a permis une reconstitution complète de trente-sept d’entre elles qui projette, grâce aux autres documents destinés au cours du « professeur Valéry », comme ironisait la presse du temps, un éclairage suffisant sur l’ensemble des réflexions tardives menées dans ces sombres temps, dont elle conserve un écho.
Une interprétation originale de la sensibilité
Comme le souligne William Marx, éditeur de ces deux volumes, Paul Valéry n’avait alors plus rien à prouver. Il n’en a pas moins rempli sa mission avec minutie en déployant, au soir de son existence, un système théorique accessible à son public. Mais alors que celui-ci s’attendait à l’entendre discourir sur tel ou tel auteur, tel ou tel roman ou poème, le voici qui se penche principalement sur l’étude de la poïétique (du grec poiein, « faire »), c’est-à-dire la production des « œuvres de l’esprit » en général, entendue au sens physiologique, anthropologique et social.
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