
PUBLICATION PRECEDENTE :
INSTITUTIONS (1) : RÉFORMER POUR RÉFORMER ? – LA MÉTHODE DES « PETITS BOUTS », PLUTÔT CELLE DE LA CONSTRUCTION DÉMOCRATIQUE D’UNE VISION ?https://metahodos.fr/2023/02/06/institutions-reformer-pour-reformer-hors-de-toute-vision/
ARTICLE 1
François Hollande propose une ample réforme des institutions
Corinne Laurent le 22/10/2019 LA CROIX
Dans le livre Répondre à la crise démocratique publié mercredi 23 octobre par Fayard, l’ancien président de la République plaide pour un « véritable régime présidentiel ».Il propose l’élection du chef de l’État pour six ans et des députés pour quatre, ainsi que la suppression du poste de premier ministre.
Quand il était président de la République, François Hollande était inquiet de l’état de la démocratie dans le monde. Depuis qu’il a quitté l’Élysée en mai 2017, cette inquiétude s’est renforcée sous la montée du populisme. Alors, il cherche à jouer un « rôle d’alerte ».
Le livre Répondre à la crise démocratique, publié mercredi chez Fayard, est une tentative de réponse aux dysfonctionnements de la Ve République et à la remise en cause de la relation entre les citoyens et le pouvoir. Selon lui, le quinquennat « a une part de responsabilité dans cette décomposition ».
Après la défense de son bilan dans un précédent ouvrage, Les Leçons du pouvoir(Stock), l’ancien chef de l’État dessine cette fois, sous la forme d’entretiens avec le think tank Terra Nova, les contours, non pas d’une VIe République parlementaire « qui serait un retour à la IVe », mais d’une « République nouvelle ». Une réécriture de la Constitution marquerait l’instauration d’un « véritable régime présidentiel ».
Fin du droit de dissolution
Septennat trop long, quinquennat trop court : François Hollande tranche pour un « sextennat » présidentiel renouvelable et prône « une discordance des calendriers électoraux », alors que la présidentielle est immédiatement suivie des législatives dans la temporalité actuelle. « Le chef de l’État serait élu pour six ans et l’Assemblée nationale pour quatre », écrit-il. Le président ne nommerait « plus un premier ministre, mais une équipe » dont il serait le chef direct.
En parallèle, François Hollande veut accroître le rôle du Parlement, sur le plan législatif et budgétaire. Dans cette logique, il propose de mettre fin au droit de dissolution de l’Assemblée nationale par le président, comme à l’article 49-3 de la Constitution permettant d’adopter une loi sans vote – auquel son gouvernement a pourtant eu recours –, aux ordonnances et à l’article 16 sur les pouvoirs exceptionnels du président.
Les élections locales le même jour
Il complète le dispositif par « un référendum d’initiative exclusivement parlementaire, faisant le pendant avec celui dont dispose le chef de l’État, avec pour condition d’enclenchement, la réunion d’une majorité »de députés. Favorable à une délibération du Parlement sur « une pétition comportant plus d’un million de signatures », il juge par ailleurs « opportun, sur certains textes, sans qu’il soit nécessaire de le préciser dans la Constitution, de convoquer une assemblée de citoyens tirés au sort, pour un temps limité ». Mais attention, précise-t-il, de ne pas « réinventer une démocratie représentative sans la légitimité de l’élection ».
En conclusion, François Hollande estime que « la question de la stabilité est centrale » dans le fonctionnement des institutions. Pas question donc d’introduire une dose de proportionnelle, à laquelle il était pourtant favorable en 2012. Il reste par ailleurs attaché au scrutin majoritaire à deux tours pour les législatives et propose de « regrouper le même jour toutes les élections locales (commune, département, région) ».
ARTICLE 2
Les « piques » d’Édouard Balladur ..,
L’ex-Premier ministre est sorti de son silence pour se confier sur la « bonne gouvernance » devant l’Académie des sciences morales et politiques.
Par Jérôme Cordelier LE POINT 24/01/2023
Sa parole est devenue rarissime, mais, à bientôt 94 ans – il les aura le 2 mai –, Édouard Balladur garde un esprit aiguisé, teinté d’ironie piquante. Il l’a prouvé en livrant ses réflexions sur la Ve République lundi 23 janvier devant les sages de l’Académie des sciences morales et politiques, sous la présidence de Jean-Claude Trichet. Secrétaire général de la présidence de la République sous Georges Pompidou – de 1973 à 1974 –, ministre d’État lors de la première cohabitation Mitterrand-Chirac, entre 1986 et 1988, puis Premier ministre sous la seconde, de 1993 à 1995, et enfin président du comité ayant conduit à la révision constitutionnelle de Nicolas Sarkozy en 2008, Édouard Balladur a été partie prenante de l’évolution de la pratique institutionnelle. Non sans malice, il soulignera au cours de son exposé que le nombre de réformes constitutionnelles fut égal à trois au cours de la IIIe République, à une seule durant la IVe et… à vingt et une pendant la Ve, « championne toutes catégories des innovations constitutionnelles, qui, pour autant, n’ont pas résolu les problèmes ». « Une espèce de jeu, de loterie, s’est mis en place : que ne veut-on changer la Constitution selon la mode du moment ? » a notamment lancé l’ex-Premier ministre.
Au catalogue de cette « fièvre innovatrice », Édouard Balladur a pointé plusieurs réformes qu’il eut à connaître au plus près. Il rappelle que le quinquennat, à l’origine, fut une idée de Georges Pompidou, dont il fut le collaborateur à l’Élysée, sans que celui-ci souhaite se l’appliquer à lui-même – « de toute façon, son état de santé ne l’aurait pas permis », souligne-t-il sous le regard attentif du biographe du président, Éric Roussel. Pour le président Pompidou, affirme Édouard Balladur, en instaurant le quinquennat, « il n’était pas question d’instituer une continuité entre l’élection du président de la République et celle de l’Assemblée nationale ». Ce fut l’objectif de la réforme mise en place en 2002, mais, en 2022, « il a été démontré que la simultanéité était un leurre », constate l’ancien secrétaire général de l’Élysée, partisan d’un retour au septennat.
Une révision constitutionnelle est toujours possible avant terme… Mais notre pays marcherait sur les traces de l’Azerbaïdjan, du Venezuela, du Tchad, du Cameroun.
À propos du mandat présidentiel, Édouard Balladur conteste la limitation de celui-ci à deux mandats successifs, règle inscrite dans la Constitution en 2008. « Cette novation ne me paraît pas heureuse », a-t-il dit, soulignant qu’elle peut être l’objet de « bien des détournements ». Sans céder aux conjectures sur le sort de l’actuel hôte de l’Élysée, avec le style sibyllin mais décapant qu’il affectionne, l’ex-candidat malheureux à la présidentielle de 1995 a mis en garde : « Une révision constitutionnelle est toujours possible avant terme… Mais notre pays marcherait sur les traces de l’Azerbaïdjan, du Venezuela, du Tchad, du Cameroun. » Et l’orateur, déclenchant les rires, de faire une allusion au tour de passe-passe institutionnel russe, qui conduisit Poutine à céder son fauteuil à Medvedev pour mieux le récupérer ensuite : « Chacun de nous appréciera s’il s’agit d’une référence flatteuse. »
Le gaulliste s’est rallié au régime « mixte » créé par la Ve. « J’ai été un temps partisan d’un système présidentiel, j’ai eu tort, concède-t-il. Le régime de la Ve tel que l’a voulu le Général est un bon système. » D’autant qu’il a résisté aux gouvernements de cohabitation, qui « ne furent pas les plus mauvais », constate le chef de droite qui servit deux fois sous le socialiste François Mitterrand.
Cependant, celui qui a présidé le comité de réforme constitutionnelle de 2008 s’inquiète d’un certain dévoiement contemporain du parlementarisme, conduisant à l’embouteillage des séances publiques dans les hémicycles parlementaires par les discussions d’amendements, normalement réservées aux commissions préparatoires. « Le Parlement aujourd’hui, déplore Édouard Balladur, se borne à amender ou sous-amender les projets du gouvernement, bien que celui-ci ait une majorité relative à l’Assemblée et un Sénat hostile. »
Sa majesté le juge constitutionnel
Mais ce qui préoccupe surtout l’homme d’État, c’est la judiciarisation de la vie politique. Édouard Balladur pointe ainsi l’inflation de questions prioritaires de constitutionnalité, novation mise en place dans la réforme de 2008 qui permet au Conseil constitutionnel de contrôler a posteriori des lois promulguées. Ce qui a « mis en majesté le juge constitutionnel, et chacun y voit la marque d’un recul de la démocratie représentative ». Le nombre d’affaires traitées par le Conseil présidé par Laurent Fabius a triplé, et celui-ci, note l’ancien chef du gouvernement Balladur, « est devenu une véritable juridiction avec séances publiques et plaidoiries ». Conséquence, « ce sont des pans entiers du droit positif qui sont remis en cause », « ce qui confère au Conseil constitutionnel un rôle central ». « La démocratie représentative est-elle en train d’être supplantée par une démocratie du droit ? » interroge Édouard Balladur, laissant la question en suspens mais en formant le vœu que le Conseil d’État, dont il est membre, « exerce une vigilance accrue sur la constitutionnalité des textes ».
Ne choisir que des personnes de second ordre pour être sûr de les dominer est la marque d’un complexe d’infériorité.
Intervenant dans le cadre d’un cycle de l’Académie des sciences morales et politiques sur « la bonne gouvernance », Édouard Balladur a délivré quelques conseils sur le sujet. Pour lutter contre « la peur du grand déclassement » qui hante nombre de Français, de bas en haut de la société, il exhorte les gouvernants à définir un projet « ambitieux » et à se montrer décidés « à l’appliquer en excluant toute démagogie, le véritable cancer de la démocratie ». Afin de servir cet objectif, il faut « composer un bon gouvernement ».
« Ne choisir que des personnes de second ordre pour être sûr de les dominer est la marque d’un complexe d’infériorité », considère l’ex-Premier ministre. Un ange passe dans la salle du Quai Conti… L’ex poursuit : « Quand il y a une multitude de ministres, ceux-là n’ont autorité que sur une sous-commission, voire le bureau d’un ministère ». Pour bien gouverner, dira-t-il plus loin, « il faut parler à la France et non à ses partisans », « se montrer moins soucieux de ses droits que consacrer à ses devoirs ».
Le pouvoir de la rue
Et Édouard Balladur de se lancer dans un plaidoyer pour la puissance de l’État : « C’est la permanence d’administrations fortes qui a permis à la France de survivre ». Foi de Balladur, « il n’existe pas d’administration frondeuse face à un gouvernement qui sait ce qu’il veut ». L’ancien énarque s’indigne alors de la suppression de l’école et de corps de l’État, s’élevant contre les idées répandues : « L’administration n’est pas repliée sur elle-même et ses membres ont des origines diverses. »
Interpellé sur le pouvoir de la rue, l’ancien négociateur des accords de Grenelle en 68 admet un « droit démocratique à la contestation », mais s’inquiète d’un « état moral et psychologique tendu de notre pays, ce qui rend les choses difficiles ».
L’ancien ministre des privatisations plaidera au cours de cette séance pour un libéralisme « ordonné et partagé », qui permettrait de libérer les forces vives « paralysées dans un pays embourbé ». Au pouvoir, raconte-t-il, il voulut développer les intéressements, les participations, l’actionnariat salarié, mais il se heurta, à l’époque, aux syndicats, « qui voyaient dans ce libéralisme partagé la fin de la lutte des classes ». Les rapports de force n’ont pas vraiment changé.
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