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BRAS D’HONNEUR – DUPOND-MORETTI : DÉLIT D’OUTRAGE ET PRINCIPE D’ÉGALITÉ DES CiTOYENS DEVANT LA JUSTICE – MISE À JOUR

En complément de notre publication de ce jour, une de nos lectrices nous propose de publier La Tribune ci contre:

BRAS D’HONNEUR : IL MENACE DE DÉMISSIONNER, LA 1ere MINISTRE LE CONTRAINT À S’EXCUSER https://metahodos.fr/2023/03/09/bras-dhonneur-il-menace-de-demissionner-la-1ere-ministre-le-contraint-a-sexcuser/

UN, DEUX, TROIS GESTES CONSTITUANT UN OUTRAGE PUBLIC ADRESSÉS À UNE PERSONNE PUBLIQUE EN EXERCICE…

Les images de ces gestes insultants du ministre de la Justice au sein de l’hémicycle mardi soir n’avaient jusqu’à présent pas été diffusées. Ce jeudi matin, les médias sociaux publient la vidéo d’Éric Dupond-Moretti faisant des bras d’honneur à Olivier Marleix, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale.

Et contrairement au premier bras d’honneur signalé dans l’hémicycle, puis aux «deux» bras d’honneur évoqués a posteriori par le Garde des Sceaux, on voit ce dernier en réaliser un troisième.

Lien vers le tweet de FRANCEINFO

LA PRÉSIDENTE DE L’ASSEMBLÉE DEMANDE – PAR LETTRE – À BORNE DE RECADRER LES MINISTRES

Évoquant les gestes d’Eric Dupond-Moretti, Yaël Braun-Pivet évoque notamment un « comportement » qui n’est « pas acceptable », et achève plus loin: « Je vous saurai gré de bien vouloir les rappeler (ces exigences d’exemplarité) fermement à l’ensemble des membres du gouvernement pour que de tels incidents ne se reproduisent plus ».

La présidente de l’Assemblée nationale récapitule les faits reprochés à Eric Dupond-Moretti. Yaël Braun-Pivet déplore les deux bras d’honneur, mais regrette également que le garde des Sceaux ait « levé les yeux au ciel » durant le rappel à l’ordre formulée à son encontre par la vice-présidente, Elodie Jacquier-Laforge, qui assurait alors l’intérim au « perchoir ».

Un rappel à l’ordre

« Les vidéos de la séance attestent de la matérialité de ces gestes en direction de la droite de l’hémicycle », pose Yaël Braun-Pivet, qui ajoute:

« Les ministres ont le devoir de faire preuve du plus strict respect envers notre Assemblée et chacun des membres qui la compose. Vous savez que j’exige des députés qu’ils soient eux-mêmes exemplaires à l’égard de l’institution et du gouvernement. J’attends en retour une même exemplarité de la part des ministres. »

La présidente de l’Assemblée nationale estime que de cette bonne conduite dépendent le « bon fonctionnement de nos institutions démocratiques, nos principes républicains et l’image que nos concitoyens ont de leurs dirigeants. »

« En Conseil des ministres, Borne et Dupond-Moretti étalent leurs tensions »

TITRE LE FIGARO QUI POURSUIT :

(Alors que l’outrage à l’Assemblée Nationale n’a pas été évoqué)

« Au lendemain des bras d’honneur du ministre de la Justice, publiquement condamnés par la chef du gouvernement, un autre épisode a illustré mercredi la dégradation des relations entre le Garde des sceaux et la première ministre.

« Le Conseil des ministres touchait à sa fin, ce mercredi 8 mars. Il restait un sujet à l’ordre du jour : la présentation du «Plan égalité 2027 entre les femmes et les hommes» par Isabelle Rome, ministre déléguée en charge du sujet. Sur les violences faites aux femmes, est notamment évoqué un cumul idéal d’infractions pouvant conduire à un cumul de peines pour un même crime commis plusieurs fois, ou encore l’imprescriptibilité du crime de viol. Éric Dupond-Moretti prend alors la parole.

« L’ancien avocat conteste certaines propositions de l’ex-magistrate. «Je n’ai pas été associé à cette réflexion», déplore le ministre de la Justice, selon plusieurs de ses collègues. Avant qu’Élisabeth Borne intervienne. Pour lui rappeler que l’ensemble des dispositions de ce plan avaient été examinées en réunion interministérielle, donc en présence de membres du cabinet du cabinet du Garde des Sceaux. »

…/…

TRIBUNE

Bras d’honneur d’Eric Dupond-Moretti : « Le délit d’outrage pourrait être caractérisé à l’encontre du garde des sceaux »

Benjamin Fiorini. Juriste Le Monde 9 mars 2023 Benjamin Fiorini est maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’université Paris-VIII et juge assesseur à la Cour nationale du droit d’asile.

Les gestes du ministre de la justice ayant été commis dans l’exercice de ses fonctions, ces faits pourraient être portés devant la Cour de justice de la République, démontre le juriste Benjamin Fiorini dans une tribune au « Monde ». Si aucune poursuite ne devait avoir lieu, le principe d’égalité des citoyens devant la justice s’en trouverait malmené.

« Les parlementaires et les élus locaux sont, par leur engagement et le mandat qu’ils détiennent, les représentants de la démocratie nationale et locale. Ils occupent une place fondamentale dans le fonctionnement de nos institutions et toute atteinte à leur encontre constitue également une atteinte au pacte républicain » : c’est par ces mots vibrants qu’Eric Dupond-Moretti, en sa qualité de garde des sceaux, commence sa circulaire du 7 décembre 2020 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif.

Lire aussi : Eric Dupond-Moretti, deux bras d’honneur qui tombent mal pour un ministre fragilisé

Ironie du sort : un peu plus de deux années plus tard, le ministre de la justice s’est mis en situation d’être rattrapé par sa propre circulaire. En effet, en reconnaissant avoir effectué, en plein Hémicycle, deux bras d’honneur en réaction aux propos d’Olivier Marleix, président du groupe des députés Les Républicains (LR), le garde des sceaux pourrait s’exposer à des poursuites pour outrage devant la Cour de justice de la République. D’un point de vue juridique, la démonstration en est très simple.

Pour commencer, l’article 433-5 du code pénal prévoit que « constituent un outrage puni de 7 500 euros d’amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie ».

Ainsi, pour que l’infraction d’outrage soit caractérisée par un geste, plusieurs conditions doivent être réunies : le caractère public de ce geste ; le fait que ce geste soit adressé à une personne chargée d’une mission de service public ; le fait que ce geste soit de nature à atteindre la dignité ou le respect attaché à la fonction de celui qui le reçoit ; le fait que la qualité de la victime soit connue de l’auteur du geste ; et le fait que l’auteur ait conscience du caractère outrageant de son geste.

En public

En l’occurrence, les doigts d’honneur ou bras d’honneur, gestes dont la nature ne laisse aucun doute quant à leur caractère outrageant et à la conscience de ce caractère par leur auteur, ont été commis en public à l’occasion d’une session de questions au gouvernement.

En outre, ces gestes auraient été adressés à un député dans l’exercice de ses fonctions, lesquelles sont évidemment connues du ministre. Ces fonctions sont rattachables à la catégorie de « personne chargée d’une mission de service public », que le magistrat Vincent Delbos définit dans le répertoire Dalloz consacré à l’outrage comme « la personne qui, sans avoir reçu un pouvoir de décision ou de commandement découlant de l’autorité publique, est chargée d’accomplir des actes ou d’exercer une fonction dont la finalité est de satisfaire à un intérêt général », ce qui épouse parfaitement la situation des parlementaires.

Si, selon le ministre de la justice, ses gestes ne visaient pas Olivier Marleix mais « la présomption d’innocence » que ce dernier aurait bafouée à travers ses propos, il est difficile d’envisager que ce point puisse avoir une incidence sur la caractérisation de l’infraction d’outrage, n’étant que son mobile ; de même, on se figure mal un individu adressant un doigt d’honneur à des policiers échapper à la condamnation de ce chef, au motif qu’il ne visait pas les policiers mais l’autorité de l’Etat…

De plus, la jurisprudence considère de façon constante que la provocation invoquée par la personne poursuivie pour outrage ne constitue pas une excuse légale (Cass. crim., 20 mars 1963). Ainsi, de nombreux éléments portent à croire que le délit d’outrage pourrait être caractérisé à l’encontre du garde des sceaux.

Archives de 2020 : Le gouvernement souhaite que les insultes visant les maires soient qualifiées d’outrages

Or, l’article 68-1 de la Constitution prévoit que « les membres du gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis », ceux-ci étant alors jugés par la Cour de justice de la République. Dans la mesure où, d’une part, l’outrage constitue un délit et où, d’autre part, les gestes imputés au garde des sceaux ont de toute évidence été commis dans l’exercice de ses fonctions, il s’ensuit que la Cour de justice de la République aurait compétence pour connaître ces faits.

Olivier Marleix ou François Molins

Toutefois, une question subsidiaire se pose : qui est susceptible d’entamer une procédure judiciaire devant la Cour de justice de la République ? La réponse à cette question se trouve dans la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République. L’article 13 de cette loi prévoit que la commission des requêtes près la Cour de justice de la République peut être saisie d’une plainte déposée par la personne qui se prétend lésée par le délit, tandis que son article 17 prévoit que le procureur général près la Cour de cassation peut également agir d’office, après avoir recueilli l’avis conforme de la commission des requêtes.

Consécutivement, pour que la Cour de justice de la République soit finalement saisie des faits d’outrage qui pourraient être reprochés à Eric Dupond-Moretti, il faudrait soit qu’Olivier Marleix dépose une plainte à son encontre devant la commission des requêtes, soit que le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, agisse d’office, après avoir récolté l’aval de ladite commission.

Lire aussi : « Une seule solution s’impose : Eric Dupond-Moretti doit démissionner »

Ainsi, l’initiation d’une procédure pénale pour outrage à l’encontre du garde des sceaux reste suspendue à la décision de ces deux personnages-clés.

Si aucune poursuite ne devait avoir lieu, on retiendra que, chaque année, plusieurs de nos concitoyens sont condamnés pour avoir adressé des doigts d’honneur à des personnes chargées d’une mission de service public ou dépositaires de l’autorité publique, sans bénéficier d’un tel traitement de faveur, et parfois en s’appuyant sur une circulaire émanant du garde des sceaux lui-même…

En plus de faire mal à la République, cette affaire serait aussi un bras d’honneur au principe d’égalité des citoyens devant la justice.

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