
PRÉCÉDENTES PUBLICATIONS DE METAHODOS :
metahodoshttps://metahodos.fr › la-poesie-resisteVIVRE EN LITTÉRATURE ET POÉSIE : RÉSISTANCE. ÉMISSION La poésie résiste Dimanche 5 mars 2023 FRANCE INTER La … Pierre Seghers y accueillait ses amis Aragon, Desnos et René Char, …
https://metahodos.fr › 2022/05/14VIVRE EN POIËSIS : ELLE « CRÉE, PRODUIT, FAIT ŒUVRE ». 14 mai 2022 — https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du- … Prenons par exemple un poème de
L’écrivain se dévoile, plus attachant que jamais
Surgis lors d’une vente aux enchères, des poèmes inédits, écrits entre 1936 et 1940, viennent de paraître. L’écrivain hs’y dévoile, plus attachant que jamais.
« Poèmes de minuit. Inédits 1936-1040 », de Robert Desnos, préface de Thierry Clermont, Seghers, « Poésie », 172 p.
ARTICLE
« Poèmes de minuit » : le petit trésor de Robert Desnos
Bonne nouvelle : Robert Desnos est vivant. Plus de sept décennies après être mort d’épuisement, le 8 juin 1945, dans le camp de concentration de Theresienstadt tout juste déserté par les nazis, le grand poète et résistant se trouve de nouveau en pleine lumière. Pas moins de quatre-vingt-six textes inédits viennent de surgir de l’ombre, publiés sous le titre Poèmes de minuit. Revoici soudain Desnos drôle, inventif, engagé, exalté, émerveillé.
« Et bien que demain matin/ La mort soit plus proche qu’aujourd’hui/ Je serai demain matin/ Plus vivant plus vivant qu’aujourd’hui »,
écrit-il dans l’un de ces poèmes, daté du 27 mars 1936. Comme s’il avait lui-même pressenti cette improbable résurrection.
Ces textes, Robert Desnos les avait écrits pour l’essentiel en 1936 et 1937. A l’époque, le poète, né en 1900, passe l’essentiel de ses journées à créer des émissions et des publicités pour Radio Luxembourg et le Poste parisien. La nuit venue, il s’est fixé une règle : ne pas dormir avant d’avoir rédigé un poème. Entre minuit et 1 heure du matin, le voici donc qui, dans son appartement encombré de Saint-Germain-des-Prés, ouvre un cahier d’écolier et aligne quelques vers, une ébauche de chanson, ajoute parfois un dessin. « Avec ou sans sujet, fatigué ou non, j’observai fidèlement cette discipline », rapportera-t-il plus tard. « Un exercice oulipien avant l’heure », souligne dans sa préface Thierry Clermont, journaliste au Figaro et membre de l’Association des amis de Robert Desnos.
En 1940, Desnos relit le fruit de ces exercices nocturnes et recopie dans quatre nouveaux cahiers cent vingt-trois de ces « poèmes forcés », selon sa propre formule. Il en sélectionne dix-neuf et les intègre dans les recueils Fortunes (Gallimard, 1942) et Etat de veille (1943), parfois après les avoir largement réécrits. Grâce à un autre manuscrit, dix-huit poèmes supplémentaires resurgissent dans l’épais volume des Œuvres, publié par Gallimard en 1999. Les quatre-vingt-six autres restent totalement ignorés jusqu’à la dispersion aux enchères, à Drouot, en octobre 2020, de la bibliothèque de Geneviève et Jean-Paul Kahn, un couple de collectionneurs. Parmi bien des raretés signées Apollinaire, Aragon, Breton, Dali, Eluard ou Picabia, les quatre précieux cahiers de Desnos sont proposés à la vente. Comment étaient-ils devenus propriété des Kahn ? Nul ne le sait. Pour 13 000 euros, ils passent en tout cas aux mains d’un autre grand bibliophile, Jacques Letertre.
Au rythme de l’histoire en marche
C’est ce petit trésor qui, après la publication d’une première sélection de vingt poèmes dans une revue spécialisée, en 2021, est présenté intégralement aujourd’hui. Tout n’est pas exceptionnel, mais Desnos s’y dévoile plus attachant que jamais. Un soir, le surréaliste trousse quelques joyeux couplets sur les poils : « Du poil au nez/ Du poil aux yeux/ Du poil partout » (janvier 1936). Un autre, il danse avec les mots : « Je rêve à la maison des souterrains/ Rêve révélateur/ Rêve Révélation Revolver » (mars 1938). Avant de s’endormir, voici qu’il imagine « un animal étrange/ Qui tient de l’arbre et de l’éponge » (janvier 1936), dépeint une curieuse « pêcheuse d’ablette » avinée aux dents rouges (février 1936), ou invente une chanson sur un malfaiteur de l’époque, Louis Lemessier, alias P’tit Louis Saucisson, « cœur si tendre et sensible » et « vraie terreur terrible » (mars 1936).
A de nombreuses reprises, Robert Desnos vibre aussi au rythme de l’histoire en marche, du Front populaire qui se profile puis s’impose. Il croit à l’avènement de jours heureux. « Nous briserons la serrure et la clé/ Et encore la porte/ Et tout sera simple et facile/ Et si nous ne réalisons pas ces projets/ D’autres hommes dans les années futures les réaliseront », note-t-il, un soir de février 1936. « Je sens encore beaucoup d’années à venir/ Et beaucoup de choses à faire/ Devant moi », clame-t-il en mai, plein d’espoir. « On s’est payé de la joie et de la gaieté/ Et ça ne fait que commencer », veut-il croire trois jours plus tard.
Les derniers poèmes, en 1938, sont d’une autre tonalité. « Moi, incapable de reculer/ Capable de me faire tuer/ Plutôt que de céder un pouce/ Pouce pouce/ Je ne joue plus depuis longtemps/ Je vis/ J’ai vu, compris, choisi/ Et je serai avec les amis quand il faudra », écrit-il, le 27 mars 1938, alors que Hitler vient de proclamer l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne. Cruellement prémonitoire.
Denis Cosnard