
L’OUVRAGE DE Nicolas Bouzou
Présentation
Bureaucratie, droit à la paresse, conformisme, fin de la méritocratie… l’économiste Nicolas Bouzou dénonce le nivellement par le bas de notre société de « l’à-peu-près » et appelle à renouer avec le génie français.
Pourquoi les salaires sont-ils si bas?
Pourquoi doit-on attendre plusieurs semaines pour consulter un médecin?
Pourquoi risque-t-on des coupures d’électricité?
Pourquoi ne pouvons-nous rentrer chez nous la nuit en toute sécurité?
Pourquoi les écoles de certains villages ferment-elles des classes?
Les Français veulent des réponses à leurs questionnements, bien légitimes dans un pays où la sphère publique est si développée et les prélèvements obligatoires si lourds. Exigeants, ils demandent le meilleur en matière de pouvoir d’achat, de santé, d’écologie, d’éducation, de sécurité.
Pourtant, nous explique Nicolas Bouzou, notre pays ne se donne pas les moyens de cette excellence : nous sommes victimes du syndrome de « l’a-peu-près ».
La France ne tombe pas mais elle se laisse aller. Des solutions existent ! Il est temps de retrouver la voie de la créativité, de l’investissement et de l’excellence, la seule qui soit conforme à l’idée que l’on devrait se faire du «génie français».
Essayiste spécialisé dans l’économie, Nicolas Bouzou
a fondé Asterès, une société d’analyse économique et de conseil. Il est notamment l’auteur, à l’Observatoire, de La Comédie (in)humaine, avec Julia de Funès (2018 ; J’ai lu, 2020) et de Pour un libéralisme (2022).
1. ENTRETIEN
Nicolas Bouzou en appelle au génie français
Robert Lafont 14/11/2022 ENTREPRENDRE
Dans cette époque de déconstruction, entendre un discours à tonalité ambitieuse ne peut que faire du bien. C‘est peut être la bonne voie à emprunter.
Malmené par des années de crises successives tout aussi douloureuses les unes que les autres : terrorisme islamiste, Gilets jaunes, Covid et maintenant guerre en Ukraine : notre peuple qui plus est paralysé par des médias plutôt myopes dans leur ensemble, c’est à dire incapables de regarder l’avenir en face et de dénoncer par exemple les méfaits d‘une immigration hors-contrôle, ou les impuissances d‘ un État toujours plus coûteux, inopérant, et inapte à se réformer.
Et comme si cela ne suffisait pas, voilà maintenant qu‘on cherche à nous abreuver d‘une théorie nouvelle selon laquelle nos compatriotes seraient saisis d‘une nouvelle maladie : celle de la flemme. Notre confrère conservateur Le Figaro magazine (12 novembre 2022) se permettant de titrer en une : « La grande flemme : comment la France perd le goût de l’effort ! ». Certes les confinements, l‘essor du télétravail, l‘envie de changer de vie a-t-il pu pousser certains d’entre nous à envisager autrement leur existence.
Aux États-Unis, la grande démission aurait même toucher plus de 40 millions de salariés. On n‘en est pas là. Il n’en reste pas moins que notre pays reste profondément travailleur et ingénieux. Malgré les 35 heures, et la démagogie des théories d’extrême gauche et de LFI, La France qui bosse résiste bien face aux assauts assénés et portés par un assistanat généralisé et souvent sans contrôle, sans parler d’une fiscalité et de charges souvent dissuasives.
Sans négliger les effets délétères du discours général souvent démagogique et
égalitariste (porté par nos médias et universités). À force de confondre égalité et justice, beaucoup en finissent par oublier la notion même de mérite. C’est dommage.
Face à ce conformisme ambiant, un économiste, Nicolas Bouzou, fondateur du cabinet Asteres a le mérite de tirer la sonnette d‘alerte. Pour lui : « il y a trop de morale dans nos débats économiques » et d’en appeler au sursaut. Pour Bouzou : « Notre pays finit toujours par se redresser. Et nos figures politiques doivent reprendre l’idée du génie français de la Belle Époque, où des Trente Glorieuses. Non pas le droit à la paresse mais le culte du travail bien fait, non pas l‘à peu près mais l‘excellence, non pas le protectionnisme mais la conquête, non pas la simple consommation d‘innovations mais la maîtrise des sciences et la production d‘innovations dans la santé, l’énergie, l’aéronautique… »
Cela fait du bien, je signe !
Robert Lafont
2. ARTICLE
JEAN-LUC DEMARTY Le 17 mars 2023 CULTURE TOPS
THÈME
Le modèle social français, très coûteux, n’est soutenable qu’à la condition de travailler plus et mieux, d’innover et d’investir davantage, et de débureaucratiser massivement afin de générer une croissance équilibrée et suffisante. La terminologie de l’à-peu-près est utilisée pour qualifier l’état d’esprit du pays qui irait dans la bonne direction, mais avec une intensité, une exécution et un rythme insuffisants.
L’industrie, la défense, le réchauffement climatique, la dépense et la dette publique, la police, la justice, le marché du travail, l’immigration, le logement, la recherche et l’innovation, l’énergie et l’éducation sont passés au tamis d’une grille d’analyse à la fois simple et féconde. Les fausses solutions des populismes de droite et de gauche extrêmes sont démontées avant la conclusion du livre sur un plaidoyer en faveur de l’excellence.
POINTS FORTS
L’analyse et les solutions de Nicolas Bouzou relèvent du bon sens économique pour quiconque dispose d’une culture économique et internationale de base, une des qualités les moins partagées en France, pays de l’idéologie et du nombrilisme.
L’importance de la puissance technologique au service d’une industrie performante est soulignée à raison. Elle suppose une politique ambitieuse de recherche et d’innovation. La Chine et les Etats-Unis l’ont bien compris, la France pas assez.
La médiocre qualité de la dépense publique est pointée à juste titre. Elle réside davantage dans son contenu que dans ses excès, trop pour le présent des transferts sociaux, pas assez pour le régalien et l’investissement dans l’avenir. En outre les progrès, encore insuffisants, en matière de gestion du marché du travail, d’indemnisation du chômage, de taux d’activité, d’immigration choisie, sont bien mis en évidence.
Par contre le désastre des politiques de l’énergie, de la santé et de l’éducation, longtemps des fleurons français, est décrit en détail de manière convaincante. A cet égard quelques constats inquiétants méritent d’être cités : le taux de disponibilité des centrales nucléaires passant de 83 à 73% en 15 ans ; l’enseignement des mathématiques où la France est une des dernières en Europe après avoir été longtemps parmi les premiers ; la bureaucratisation et le rationnement effrénés à l’hôpital public conduisant à la maltraitance des patients, à la démotivation des soignants et au retard coûteux dans les innovations.
L’auteur fait preuve d’un optimisme mesuré pour l’avenir si la France sort des demi-mesures et fait le choix de l’excellence. A cet égard, quelques comparaisons internationales sont bienvenues, notamment sur les conséquences du choix du populisme. Ainsi l’Argentine, où le populisme a régné en maître pendant trois quarts de siècle, est passée en un siècle d’un des pays plus riches du monde à un revenu par tête égal à la moitié de celui des pays développés.
Le livre est bien écrit, synthétique et facile à comprendre par les non spécialistes.
QUELQUES RÉSERVES
Paradoxalement ce livre sans concessions pècherait plutôt par excès d’optimisme devant tant d’occasions perdues de réformer la France depuis trente ans et la montée des populismes. Les comparaisons internationales, déjà raisonnablement développées, auraient pu l’être davantage sur le taux d’activité, la durée annuelle moyenne du travail, l’âge de la retraite, le déficit commercial ou le déclin de l’industrie, systématiquement au désavantage de la France.
Quelques raisonnements macroéconomiques de base auraient pu être mieux expliqués. Par exemple, travailler plus signifie produire plus, avoir de meilleurs salaires, exporter plus et réduire le déficit commercial et des comptes publics (voir la remarquable chronique de Patrick Artus dans Le Monde du 19 et 20 février 2023). C’est ce qui devrait être à la base de la pédagogie sur la réforme des retraites et non le seul équilibre financier. Il est également dommage de ne pas mentionner qu’avec un taux de chômage à 7% de la population active, les entreprises n’arrivent pas à recruter. C’est le chiffre le plus parlant sur l’insuffisance de l’écart entre la rémunération du travail et l’indemnisation du chômage, soulignée, il est vrai par Nicolas Bouzou.
ENCORE UN MOT…
Le livre est excellent et débouche sur des recommandations pratiques. Il devrait être un des livres de chevet des décideurs politiques et des hauts fonctionnaires. Il pourrait également être utile aux élites intellectuelles françaises, aux enseignants et aux simples citoyens dont l’inculture économique est souvent abyssale.
Il donne des raisons d’espérer dans l’avenir de la France si elle fait collectivement le choix de l’excellence et de l’effort. Il est vrai que l’état du pays devrait encore bien pire s’il ne disposait pas d’atouts importants, après les quarante ans d’égarements économiques décrits par Jacques de Larosière, ancien Directeur Général du FMI et ancien Gouverneur de la Banque de France.
Toutefois, si sa jeunesse est l’avenir d’un pays, il y a lieu de s’inquiéter quand Nicolas Bouzou mentionne que trois quarts des 18/34 ans sont favorables au droit à la paresse ! On pourrait alors appliquer la très belle formule d’Antonio Gramsci : le pessimisme de la raison et l’optimisme de la volonté.
UNE PHRASE
- « Simplement, les réformes entreprises ne vont pas assez loin, délaissent certains détails, ne sont pas appliquées avec suffisamment de rigueur, ne combattent quasiment jamais la bureaucratie, qui étouffe les initiatives… » page 9
- « Les Français attendent l’excellence sans s’en donner collectivement les moyens. » page 10
- « Notre Etat-providence est parfaitement soutenable, à une condition absolument nécessaire : que chacun travaille, bien et beaucoup. » page 16
- « Les soi-disant écologistes s’intéressent beaucoup moins au réchauffement climatique qu’à l’anticapitalisme. » page 25
- « Travailler et investir : voilà les mots de l’excellence économique. » page 53
- « Pour être clair, toute situation dans laquelle il est plus rémunérateur de ne pas travailler que de travailler est un non-sens économique et un scandale moral. » page 57
- « Le déclassement de notre système de santé est la conséquence d’un déclassement intellectuel. On incrimine le libéralisme quand c’est le socialisme qui est en cause. » page 107