
LE RETOUR AU PEUPLE PRÉVU PAR LA CONSTITUTION S’IMPOSE AUX DIRIGEANTS ?
La crise politique et institutionnelle, sociale et morale, devrait logiquement conduire à un retour vers les électeurs. Deux chemins rompant avec la politique de l’autruche et l’immobilisme ( l’exécutif « espère tourner la page » ) se présentent : l’insurrection ou la mise en œuvre des mécanismes démocratiques de la V’ République.
L’extrême gauche et la gauche « flirtent « avec l’insurrection et le désordre ( voir l’article 1 de France Info ci contre ).
L’autre voie, la démocratique, (voir l’article 2 de The Conversation ci contre ) permet de redonner la parole aux citoyens. Parmi les possibles :
– mettre en place des réformes créant de vrais mécanismes de participation au niveau de l’Etat comme des Collectivités Territoriales ;
– la mise en place de la proportionnelle – partielle ou totale – aux législatives, le découplage des élections présidentielle et législative ;
– la dissolution de l’Assemblée Nationale ou le référendum sur des renforcements de la démocratie ;
– la rupture de la pratique réduisant le rôle de premier ministre à collaborateur du président et de son secrétaire général – en rétablissant sa fonction constitutionnelle de direction de l’action du gouvernement responsable devant le Parlement, dont il faut reconnaître les prérogatives et restaurer le respect ;
– rétablir une gouvernance ( sincérité et transparence, écoute et concertation des parties prenantes, … ) au sein de l’exécutif ;
– faire vivre le débat démocratique ;
– … VOIR SUR NOTRE SITE METAHODOS NOS PROPOSITIONS PROPRES À REVIVIFIER LA DÉMOCRATIE ET À REDONNER DE L’EFFICIENCE À L’ACTION PUBLIQUE
LFI/NUPES : L’EXCÈS AU-DELÀ DE L’EXCÈS ?
Non contente d’avoir paralysé et discrédité le Parlement, la NUPES appelle à « l’insurrection « et au changement de régime :
« À bas la 5ème République »
« À bas la mauvaise République »
« Macron démission » « Le 14 juillet, nous lui apprendrons la signification du mot insurrection »
« Jean-Luc Mélenchon, la tentation de l’insurrection »
Titre Le Point qui poursuit :
« Avant la manifestation du 1er Mai, l’Insoumis a souhaité mettre à bas « la mauvaise république », une façon ambiguë d’en appeler au renversement des institutions.
« Évidemment, quand un leader politique veut, dit-il, « tout conflictualiser », quand en bon trotskiste il désigne en permanence un ennemi à combattre, quand il prédit que demain « des millions de gens iront prendre aux cheveux les puissants », il ne faut pas s’attendre de sa part à des propos de salon de thé. Hier, avant la manifestation du 1er Mai, entouré sur une estrade de députés LFI, tels Mathilde Panot et Bastien Lachaud, Jean-Luc Mélenchon a fait ce qu’il sait et veut faire : chauffer la foule. « À bas la mauvaise république », a lancé en veste de cuir le leader Insoumis, dans une phrase un peu perverse qui sonne comme « à bas la république »…. »
LIEN VERS D’AUTRES PUBLICATIONS DE METAHODOS
« DE L’ÉMEUTE À L’INSURRECTION, GÉNÉALOGIE DE LA FOULE » https://metahodos.fr/2023/05/02/de-lemeute-a-l’insurrection-genealogie-de-la-foule/
1. ARTICLE
« A bas la mauvaise République » : Jean-Luc Mélenchon flirte avec la ligne du rouge de l’appel à l’insurrection
FRANCE INFO 2 mai 2023. Jean-Rémi Baudot
Ce 1er-Mai a été marqué par un discours très radical de Jean-Luc Mélenchon. Encore une fois, on a pu observer avec quelle agilité il manie les concepts insurrectionnels. L’édito politique de Jean-Rémi BaudotArticle rédigé par
Lundi 1er mai, aux alentours de 13 heures, avant que le cortège ne s’élance, le leader insoumis a pris la parole devant un parterre de militants, rassemblés près de la place de la République. Sans surprise, Jean-Luc Mélenchon a exhorté ses partisans à ne rien lâcher dans la mobilisation, à ne pas passer à autre chose. Il leur a promis de rétablir la retraite à 60 ans.
Mais on a aussi entendu son utilisation de plus en plus banale d’un vocabulaire de soulèvement, de révolte. Un registre habituel dont on aurait tendance à s’habituer, mais tout de même… Cela n’est pas exactement la même chose d’appeler à une VIe République et de scander « à bas la mauvaise République » devant une petite foule ravie. Une ambiguïté de plus sur son respect des institutions.
Cela n’est pas exactement la même chose de mettre la pression sur le Président à coup de « Macron démission » et de promettre au chef de l’Etat : « Le 14 juillet, nous lui apprendrons la signification du mot insurrection ». Pas « insurrection populaire » ou « insurrection citoyenne » comme il le dit souvent pour noyer le poisson. Juste « insurrection ». Selon la définition du Robert : « Soulèvement qui vise à renverser le pouvoir établi. Exemple : l’insurrection de la Commune, 1871 ». Les mots ont un sens et ce fin lettré qu’est Mélenchon le sait bien.
Les syndicats ont pris à la Nupes la place de premiers opposants à Macron
Derrière cette rhétorique se joue en réalité la place de premier opposant. Malgré un contexte qui aurait dû être porteur, la Nupes est en crise. Elle n’a pas réussi à rendre acceptable son obstruction à l’Assemblée. Le leadership des insoumis reste contesté. Les socialistes se déchirent. Les écologistes veulent faire bande à part aux européennes. Et dans le même temps, ce sont les syndicats qui sont au cœur de toutes les attentions. C’est l’intersyndicale et non la Nupes qui peut réunir des centaines de milliers de manifestants dans les rues.
Les insoumis n’ont pas la place qu’ils espéraient. On comprend ainsi pourquoi l’ancien triple-candidat à la présidentielle monte à chaque fois d’un cran. Sa radicalité est une manière de s’affirmer, d’écraser la concurrence interne, de maintenir la pression sur l’ensemble des acteurs de la contestation des retraites. En un mot : de jouer déjà l’après-retraites…
Car si aujourd’hui, ce sont les syndicats qui donnent le tempo, leur unité est friable. Viendra le jour, probablement assez rapidement, où l’intersyndicale se fracturera avec le départ de la CFDT. Ce jour-là, en ayant entretenu la colère de ses militants à grand coup de velléités révolutionnaires, Jean-Luc Mélenchon pourra, à nouveau, tenter de revendiquer la place de leader de l’opposition au gouvernement. Et tant pis si au passage, il a fragilisé les institutions.
2 ARTICLE
Le « retour au peuple » : remède à la crise démocratique ?
Publié: 1 mai 2023, THE CONVERSATION Marion Bourbon, Université Bordeaux Montaigne
La crise politique dans laquelle nous semblons installés témoigne bien d’un certain ratage de la promesse démocratique et avec elle de celle d’une certaine pratique du pouvoir censée la réaliser. La difficulté réside dans l’ambiguïté intrinsèque de ce qu’on entend par « ce pouvoir (kratos) du peuple », difficulté qui plus est redoublée depuis que la démocratie est représentative : les coordonnées modernes du problème politique font reposer la démocratie sur un consentement par lequel le citoyen délègue l’exercice du pouvoir à ses représentants.
Cette autorisation ne vaut qu’en tant que le citoyen concède d’abord de perdre l’exercice personnel de ce pouvoir, le perdre de fait pour le retrouver de droit : c’est là le tour de passe-passe censé être réalisé par le contrat social. Cette autorisation sur laquelle repose le pacte social suppose donc une confiance fondamentale, celle par laquelle le citoyen autorise ses gouvernants à exercer le pouvoir en son nom : l’autorité est toujours une autorisation.
Or ici comme ailleurs, ce consentement se donne avant tout comme un problème qui demande sans cesse à être (re) discuté et (re) négocié, sans quoi il n’est rien d’autre qu’un contrat de dupes. Nous sommes très loin du mythe d’un accord a priori et évident, donné une fois pour toutes.
À lire aussi : Contre l’impuissance citoyenne, penser une démocratie de crise ?
Le « retour au peuple » et ses ambiguïtés
C’est bien cette relation d’autorité comme autorisation qui se trouve actuellement abîmée. Le remède résiderait dans un « retour » à ce peuple trahi ou oublié. Un certain nombre de discours parfois antagonistes politiquement parlant se disputent ainsi le monopole de la représentation populaire.
À ce titre, ils déploient chacun à leur manière un certain ressort que l’on pourrait qualifier de populiste, si l’on entend par là une rhétorique qui consiste à se réclamer du peuple, un peuple dont l’existence serait donnée comme une évidence et qui constituerait la source exclusive de toute légitimité politique.
Il faut rappeler que le « retour au peuple » constitue de manière privilégiée un thème caractéristique des stratégies de légitimation propres aux régimes autoritaires et spécifiquement à ceux que l’on qualifie de « démocraties illibérales » parce qu’elles maintiennent le dispositif des élections, ou le simulacre qui en tient lieu la plupart du temps. Il y a là évidemment une mystification – il ne peut y avoir de souveraineté et de consentement populaires sans État de droit et sans libertés fondamentales qui permettent en particulier la politisation de l’espace public sans laquelle l’élection n’est jamais qu’une mascarade. On ne peut caractériser un régime en neutralisant la question de la nature du pouvoir qui s’y exerce. L’élection ne peut jamais constituer le critère exclusif de la démocratie.
Mais ce qui est paradoxal, c’est qu’une certaine rhétorique « anti-populiste » joue elle aussi la carte de la souveraineté populaire. Alors même que les taux d’abstention records que connaissent nos démocraties devraient nous obliger à beaucoup d’humilité dès qu’il s’agit de se prononcer sur la représentativité d’un vote, et a fortiori sur la volonté populaire, il s’agit de prétendre que la légalité vaudrait comme fondement exclusif de la légitimité dont seul le « peuple électif » disposerait. On oppose alors à ce peuple vertueux silencieux la « foule » irrationnelle qui n’aurait d’oreille que pour les démagogues.
Que pourrait-on alors opposer à cette rhétorique si d’aventure la majorité élective mettait au pouvoir un parti illibéral promettant un État policier ? Ce que nous apprend l’histoire récente, c’est bien que le peuple peut choisir librement un dirigeant autoritaire en considérant qu’un « vrai chef » est toujours plus efficace qu’un démocrate.
À lire aussi : Certains individus ont-ils un penchant pour l’autoritarisme ?
La matrice des contre-pouvoirs
La légitimité institutionnelle n’est de ce point de vue jamais suffisante, même si elle est évidemment préjudicielle. C’est précisément parce que c’est une condition essentielle de la démocratie qu’un certain nombre d’électeurs sont allés voter Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle. En vertu du sens accordé au partage fondamental entre régime démocratique et régime autoritaire, ils ont estimé que la sauvegarde de l’État de droit, le seul qui autorise en son sein le désaccord politique, devait alors prévaloir sur tout le reste. Comme l’a rappelé récemment Pierre Rosanvallon la concurrence des légitimités politico-juridique et sociale est un horizon indépassable de la démocratie.
C’est cette irréductibilité qui constitue la matrice des contre-pouvoirs dont nous savons au moins depuis John Locke et son Traité du gouvernement civil et De l’Esprit des lois de Montesquieu, qu’ils sont les garants de l’État de droit, en même temps qu’ils sont constitutifs de la fabrique réelle de la souveraineté populaire.
C’est à cette séparation que s’attaquent d’abord les régimes autoritaires. Le cas d’école israélien – actuellement des dizaines de milliers d’Israéliens se réunissent toutes les semaines pour s’opposer à un texte de réforme judiciaire à l’initiative du gouvernement de Benyamin Nétanyahou qui menace l’indépendance de la Justice – nous le rappelle.
nullQuinzième semaine de manifestation contre la réforme du système judiciaire, Tel-Aviv, Israël (France 24, 15 avril 2023).
En France, l’insuffisance structurelle de la légitimité juridico-politique en démocratie nous est rendue particulièrement sensible par un symptôme inédit : la règle fondamentale du jeu démocratique, celle de la fiction selon laquelle la majorité vaut pour la volonté générale, n’a peut-être jamais semblé si fragile.
Lorsque la majorité l’emporte, nous l’acceptons, sans vivre cette concession et ce compromis comme un coup de force. Cette règle dispose pourtant actuellement de moins en moins d’efficacité. Peut-être d’abord parce qu’elle ne peut être efficiente que lorsqu’elle vient achever (du moins pour un temps) un processus réel de délibération collective : la volonté populaire est une construction commune.
Penser la manière de faire peuple
Plutôt que de jouer un peuple contre un autre, nous devrions mener une réflexion sur les conditions et la pratique du pouvoir démocratique, celle par laquelle nous pouvons « faire » peuple.
Et nous devons repartir pour cela d’un questionnement sur le statut de la pluralité sociale sans laquelle la question du dialogue démocratique au fondement du pacte social ne peut être véritablement posée.
La condition démocratique repose sur l’existence d’une pluralité sociale irréductible qui oblige aussi bien les gouvernants que les gouvernés à une fabrique constante du consensus, jamais donné mais toujours construit, et toujours à reconstruire : ce qu’on appelle volontiers « démocratie sociale », seul cadre possible d’un consensus tenu et tenable, celui à partir duquel on peut parler réellement de légitimité démocratique.
En démocratie, ce « lieu vide du pouvoir », personne ne peut s’arroger le monopole de la représentation populaire, pas même la majorité elle-même, et c’est sur cette impossibilité préjudicielle que peut se construire la pratique démocratique du pouvoir, celle qui l’empêche de devenir tyrannique. Dans ce cadre, il n’y a pas de pouvoir du peuple sans les médiations institutionnelles qui lui permettent d’advenir, il n’y a d’ailleurs pas de peuple tout court.
Ces médiations sont le creuset et le lieu effectif de l’exercice du pouvoir réel des citoyens. De ce point de vue, on oublie trop volontiers que la vie démocratique exige des conditions d’exercice et repose sur des positionnements subjectifs : les ressorts de l’autonomie politique réelle sont toujours psychiques. C’est pourquoi la question de l’éducation sans laquelle il ne peut y avoir d’émancipation devrait constituer la matrice de la réflexion sur la crise politique actuelle de la vie démocratique.