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ÉMEUTES (12) ET POLITIQUE DE LA VILLE (6) : EN MÊME TEMPS QU’UN MEA CULPA EST ESQUISSÉ SUR LE PLAN BORLOO, IL EST ANNONCÉ QU’IL N’Y AURA PAS UN « ÉNIÈME PLAN BANLIEUES » – MISE À JOUR

ACTE 1 :

Macron reconnaît avoir été « maladroit » lorsqu’il a enterré le plan Borloo pour les banlieues en 2018

Devant les maires réunis à l’Élysée ce mardi et qui l’ont interpellé sur le sujet, Emmanuel Macron a reconnu avoir été « maladroit » lorsqu’il a enterré le plan pour les banlieues que lui avait remis en 2018 Jean-Louis Borloo, ancien ministre sous Nicolas Sarkozy, a indiqué un participant à la réunion à BFMTV. Le chef de l’État estimait à l’époque que la méthode des « plans » pour les quartiers populaires n’était pas efficace.

« J’ai beaucoup entendu [parlé] du rapport Borloo. J’ai sans doute été maladroit dans cette affaire à l’époque », a confié le président de la République aux maires.

« En réalité, on s’intéresse aux banlieues quand ça brûle. Et une fois le feu éteint, on oublie, on retourne à l’actualité normale »

regrettait récemment le maire de Trappes, dans les Yvelines.

ACTE 2 – 24 HEURES PLUS TARD :

« Il n’y aura pas un énième « plan banlieues » »

Dans le camp d’Emmanuel Macron, on considère que la réponse aux émeutes ne saurait être une pluie de dépenses publiques, mais un signal sur l’autorité et la responsabilisation des parents. En tâtonnant sur les solutions concrètes. VOIR L’ARTICLE CI CONTRE DE MARIANNE

MISE À JOUR :

« Entre Emmanuel Macron et les banlieues, le rendez-vous manqué »

TITRE LE MONDE QUI POURSUIT ( Ivanne Trippenbach )

« En 2017, le volontarisme du chef de l’Etat avait fait naître des espoirs dans les quartiers populaires. Malgré la relance de la rénovation urbaine, le rejet du plan Borloo comme son discours sur le séparatisme l’ont peu à peu coupé des habitants. «

« Il n’y a « pas de solution miracle ». Surtout pas « avec plus d’argent », a prévenu le chef de l’Etat devant quelque 250 maires réunis à l’Elysée, mardi 4 juillet, sur l’air du « trop, c’est trop » : « La santé est gratuite, l’école est gratuite, et on a parfois le sentiment que ce n’est jamais assez. » Dans la crise des violences urbaines qui a meurtri 500 villes, après la mort du jeune Nahel M. tué par un policier, le président de la République a durci le ton, allant jusqu’à rappeler à l’ordre des parents. Une méthode résumée hâtivement la veille par le préfet de l’Hérault, Hugues Moutouh, sur France Bleu : « C’est deux claques, et au lit ! »

« L’urgence politique, dit-on dans le camp présidentiel, est de rassurer une opinion publique encore sous le choc des destructions et des pillages. « Une écrasante majorité de Français se raidit, avec une demande d’autorité forte, confirme Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Déjà sous Sarkozy, l’idée dominait qu’on en faisait trop pour les banlieues. Les dégradations réactivent cette opinion. Emmanuel Macron est sur une crête difficile à tenir. »

« Ce raidissement intervient sur fond de fracture territoriale et politique. « L’opposition entre la France des quartiers et celle des campagnes nous revient en pleine figure. Si on met encore de l’argent, on accentuera la fracture », pense Saïd Ahamada, ex-député de la majorité à Marseille. « Les gens en ont ras le bol, ils ne peuvent plus entendre que ces quartiers sont abandonnés », abonde Arnaud Robinet, maire de Reims, qui abrite sept quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), et membre du parti d’Edouard Philippe.

Espoirs vite ternis

« Des figures de la droite au sein des Républicains (LR), parti courtisé par Emmanuel Macron, radicalisent leur discours. Le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau, fustigeait mercredi sur Franceinfo toute « politique du chèque ». « Certes, ce sont des Français, mais ce sont des Français par leur identité », a poursuivi l’élu de Vendée, dans la veine de l’antienne d’extrême droite sur les « Français de papiers », en arguant d’une « régression vers les origines ethniques » des jeunes émeutiers.

« Parenthèse sécuritaire ou tournant dans le rapport du pouvoir aux quartiers populaires ? Emmanuel Macron avait fait de Bobigny (Seine-Saint-Denis) le décor de sa déclaration de candidature à la présidentielle en novembre 2016. « La France des quartiers a besoin de mobilité » alors qu’elle « est assignée à résidence », lançait le challenger de la vie politique, en s’engageant à « faire plus pour ceux qui ont moins ». Ces signaux avaient suscité des espoirs parmi les acteurs de la ville, vite ternis au gré de rendez-vous manqués.

« Dès l’automne 2017, l’annonce de coupes budgétaires dans la politique de la ville et d’une baisse des contrats aidés jette un froid glacial, déclenchant l’« appel de Grigny » d’une centaine de maires. Mardi, en sortant de l’Elysée, le maire communiste de Grigny, Philippe Rio, s’inquiétait que « Macron n’entende pas ; il reparle d’une “décivilisation”, alors que les maires, de droite ou de gauche, ont dit qu’il fallait réhumaniser par des services publics le lien social et associatif ».

« En mai 2018, le rejet théâtral du nouveau plan de Jean-Louis Borloo marque l’acmé d’une crispation, Emmanuel Macron jugeant qu’un rapport de « deux mâles blancs », « ça ne marche plus comme ça ». Encore aujourd’hui, l’ancien ministre de la ville et père de la rénovation urbaine se demande pourquoi la plupart de ses programmes sont mort-nés.

Vision entrepreneuriale des banlieues

« Le chef de l’Etat porte alors une vision entrepreneuriale des banlieues, ni étatiste ni paternaliste, lui qui souhaitait en 2015 « des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires ». Une action de tous les ministères plutôt qu’une politique de la ville spécifique, qu’il théorise à Tourcoing fin 2017 : ne pas condamner les quartiers à vivre d’aides publiques et sortir de « cette société statutaire où la réussite est pour une aristocratie économique ».

« Il crée un éphémère comité présidentiel des villes, à l’Elysée, avec l’animateur de Radio Nova Yassine Belattar. « On ne peut pas parler d’échec parce qu’on n’a rien enclenché », confie l’humoriste, qui échange avec Emmanuel Macron. « Ne mets pas de pansement sur la plaie », a-t-il écrit au chef de l’Etat ces derniers jours, pour dire que deux voies se dessinent : « Soit le tout-sécuritaire, soit une réponse globale qui aborde une interrogation nationale : pourquoi des Français se sentent moins français que les autres ? »

« L’aura d’Emmanuel Macron pâlit dans les quartiers lorsqu’il fait sienne la lutte contre le « séparatisme islamiste », aux Mureaux (Yvelines) en octobre 2020; la banlieue fait figure de champ d’une bataille régalienne. Nombre d’acteurs de la ville – associatifs, entrepreneurs, élus – confient leur désarroi. « Macron a désinvesti le sujet, les banlieues ont perdu une place symbolique dans l’agenda avec la crise des “gilets jaunes”. Il n’y a plus d’empathie ou de sentiment de responsabilité », estime Hakim El Karoui, fondateur du Club du XXIe siècle. Selon l’essayiste proche de la droite libérale, « l’idée que les banlieues coûtent des milliards est une escroquerie. Les QPV reçoivent moins de revenus issus des transferts sociaux que les autres, a-t-il évalué dans un rapport pour l’Institut Montaigne (« Les quartiers pauvres ont un avenir », 2020). La Seine-Saint-Denis, où vivent peu de retraités, est le huitième département contributeur au financement de la protection sociale. Mouloud, de Bobigny, finance Mireille, du Var, qui vote Zemmour ».

« Pourtant, « le discours qui s’installe est : “on a fait beaucoup, maintenant le problème est l’autorité” », craint Dominique Sopo, président de SOS-Racisme, à qui Emmanuel Macron avait demandé une note lors des manifestations contre les violences policières, en juin 2020. « Le fond, c’est que l’autorité de l’Etat est perçue comme illégitime par ces jeunes qui ont vu un policier abattre un ado de 17 ans, s’alarme le militant. Les injustices sapent l’autorité, et le président répond par encore plus d’autorité. »

« Tout sur l’urbain, rien sur l’humain »

« La relance de la rénovation urbaine, elle, a bien eu lieu, réactivant la critique identifiée depuis les années 1990 du « tout sur l’urbain, rien sur l’humain ». « Macron n’a pas péché sur le bâti, mais repeindre les cages d’escalier ne suffit pas,regrette l’historien Pascal Blanchard. Il aurait fallu une grande politique cohérente, de la mémoire à la lutte contre les discriminations à l’embauche, en passant par la lutte contre le deal et la carte scolaire. Ces jeunes ont une détestation complète du système, de l’école où ils ont échoué, du bus qu’ils ne prennent pas, des policiers qui les contrôlent. Ce n’est plus leur monde. » « La rénovation a fonctionné, mais pas la politique sociale, atteste le Toulousain Salah Amokrane, militant associatif depuis les Marches pour l’égalité et contre le racisme des années 1980. Et avec l’insécurité et le trafic de drogue, la police n’est plus qu’une police d’intervention. J’ai 59 ans, je ne suis pas antiflics, mais l’hostilité est quotidienne. »

« Baisse de 70 000 chômeurs dans les QPV, dédoublement des classes, création de 450 maisons France services… « Quand on investit dans la pierre, cela se voit. Mais l’éducation, c’est du temps long », défend une conseillère élyséenne.

« Alors que l’Elysée dit vouloir « comprendre » les origines des violences, l’inquiétude traverse une majorité sans voix, démunie depuis les législatives de 2022. « On a perdu dans toutes les circonscriptions en QPV, déplore Saïd Ahamada, ancien élu des quartiers nord de Marseille. Ces habitants ne voient pas dans quelle direction on a voulu les emmener. Cette histoire, on ne l’a pas racontée. On n’a pas su traiter les symptômes du quotidien, le logement insalubre ou le trafic de drogue, on a manqué de relais dans les quartiers et d’incarnation politique. La sécurité, on appelle Darmanin. La ville, quel numéro de téléphone ? »

« Celui d’Emmanuel Macron, répondent tous les acteurs, sans citer Olivier Klein. « Macron a eu un truc avec les quartiers populaires, c’était une rockstar ! Le temps a passé… Mais il ne l’a pas perdu », assure la députée des Bouches-du-Rhône Sabrina Agresti-Roubache. Avec Marseille en grand, Emmanuel Macron voulait promouvoir « un investissement inédit de la nation », avant de dévoiler un grand plan Quartiers 2030. « Jamais, jamais on n’a mis autant » de moyens, vantait-il le 27 juin, manches retroussées. « On ne voit pas la différence, c’est normal ? », avait demandé Anita, l’une des mères venues à sa rencontre. Une ombre de déception avait traversé le visage du chef de l’Etat. Le soir même, à Nanterre, la flambée de violences commençait. »

Voir nos publications relatives au plan Borlo et à la politique de la ville

ÉMEUTES (10) QU’EST DEVENUE LA POLITIQUE DE LA VILLE DEPUIS LE REFUS DU PLAN BORLOO ? https://metahodos.fr/2023/07/05/emeutes-quest-devenue-la-politique-de-la-ville-depuis-lenterrement-du-plan-borloo/

LA POLITIQUE DE LA VILLE (4) « ÉCHEC PATENT DE L’ACTION PUBLIQUE » ?  https://metahodos.fr › 2023/03/04 LA POLITIQUE DE LA VILLE (4) « ÉCHEC PATENT DE L’ACTION …

LA CONCENTRATION DANS LES VILLES : UN ECHEC ? (3) – LE GRAND PARIS EN EXEMPLE https://metahodos.fr/2023/02/09/la-concentration-metropolitaine-est-un-echec-environnemental-et-social/

L’IMPASSE DE LA METROPOLISATION : QUITTER LES VILLES ? (2)https://metahodos.fr/2023/02/08/pourquoi-il-est-grand-temps-de-quitter-les-villes/

QUITTER LES VILLES. VITE ? (1)https://metahodos.fr/2023/02/06/pourquoi-il-est-grand-temps-de-quitter-les-villes-2/

POLITIQUE DE LA VILLE (5) : REPARLONS DU PLAN BOTLOO BRUTALEMENT REJETÉ EN 2018 https://metahodos.fr/2023/07/06/politique-de-la-ville-ce-que-contenait-le-plan-borloo-pour-les-banlieues-ecarte-par-macron-en-2018-et-qui-revient-dans-lactualite/

ÉMEUTES (10) QU’EST DEVENUE LA POLITIQUE DE LA VILLE DEPUIS LE REFUS DU PLAN BORLOO ? https://metahodos.fr/2023/07/05/emeutes-quest-devenue-la-politique-de-la-ville-depuis-lenterrement-du-plan-borloo/

ÉMEUTES (7) : NE PAS IGNORER LES CONSÉQUENCES DE L’ABANDON BRUTAL DU PLAN BORLOO DEPUIS 5 ANS ? https://metahodos.fr/2023/07/04/elus-regrettent-labandon-du-plan-borloo-en-2018/

RELIRE LA SÉRIE DE METAHODOS RELATIVE A L’ALERTE DE J-L BORLOO

VOIR EPISODE 7 ET FIN :https://metahodos.fr/2022/04/14/11/

VOIR EPISODE 1 :  https://metahodos.fr/2022/04/03/lalerte-de-jean-louis-borloo-presquinentendue-elle-est-essentielle-pourtant-episode-1/

VOIR EPISODE 2 : https://metahodos.fr/2022/04/04/episode-2/

VOIR EPISODE 3 : https://metahodos.fr/2022/04/05/episode-3/

VOIR ÉPISODE 4 : https://metahodos.fr/2022/04/06/episode-4/

VOIR ÉPISODE 5 : https://metahodos.fr/2022/04/07/epi-9/

VOIR EPISODE 6 : https://metahodos.fr/2022/04/08/episode-10/

ARTICLE

Emeutes : il n’y aura pas un énième « plan banlieues »

Par Louis Hausalter. Publié le 05/07/2023 MARIANNE

Dans le camp d’Emmanuel Macron, on considère que la réponse aux émeutes ne saurait être une pluie de dépenses publiques, mais un signal sur l’autorité et la responsabilisation des parents. En tâtonnant sur les solutions concrètes.

Et maintenant ? Emmanuel Macron, ce président qui vogue de crise en crise, tente de roder une réponse politique après les émeutes qui ont sonné la France entière, et dont le coût matériel s’annonce pire que celui de la flambée dans les banlieues en 2005 ou de la casse des gilets jaunes. Mais le chef de l’Etat sait déjà ce qu’il ne veut pas faire. Lundi à l’Elysée, lors de la réunion hebdomadaire de coordination du camp présidentiel, le secrétaire général de la présidence, Alexis Kohler, a fait passer le message : pas question de lancer un énième « plan banlieues ».

Dans la majorité macroniste, on ressent de toutes parts l’exaspération de la population, qui ne serait qu’accentuée si l’on déversait encore des milliards sur les quartiers difficiles. Le sentiment à déminer est bien connu : celui que ce sont les mêmes qui paient toujours pour les mêmes.

DES PLANS À RÉPÉTITION DEPUIS 1977

Emmanuel Macron lui-même avait d’ailleurs rompu avec la logique de ces plans à répétition, en enterrant sèchement un rapport commandé à Jean-Louis Borloo en 2018.« Cette stratégie est aussi âgée que moi », pointait alors le chef de l’Etat.

De fait, le premier plan banlieue a été lancé en 1977 – l’année de naissance d’Emmanuel Macron – sous Valéry Giscard d’Estaing. Le Premier ministre Raymond Barre craignait alors de voir les grands ensembles construits pendant les Trente Glorieuses devenir des « ghettos ». Bien vu. Mais près de cinquante ans plus tard, rien n’a été résolu, malgré les milliards d’euros de la « politique de la ville », engloutis notamment dans la rénovation urbaine.

Tordons tout de même le cou à l’idée que l’Etat en fait beaucoup plus pour les « quartiers prioritaires » que pour le reste du territoire. Les services publics y sont dégradés, quand ils ne sont pas inexistants, alors que la situation sociale y est bien pire qu’ailleurs. Le taux de chômage y est 2,5 fois plus élevé que la moyenne nationale, le taux de pauvreté trois fois plus élevé, et un quart des 16-25 ans y sont désoeuvrés (ni en formation ni en emploi). Et si l’Etat y porte une attention particulière, c’est aussi pour compenser le manque de moyens de collectivités moins bien dotées que les autres, puisqu’elles encaissent moins d’impôts locaux.

DES AMENDES POUR LES PARENTS

Mais, dans le camp présidentiel, on estime que la réponse aux émeutes ne saurait être économique. « On n’a jamais fait autant pour les quartiers qu’au cours des quinze dernières années », a lâché Emmanuel Macron lors d’un échange avec des policiers, mardi, selon Le Parisien. Au vu du profil des émeutiers, le cœur du problème est plutôt éducatif. L’autorité parentale est au centre des réflexions de l’exécutif.

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