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CONSEIL D’ÉTAT : UN POUVOIR «POLITIQUE» QUI S’IMPOSE AU LÉGISLATEUR ET À L’EXÉCUTIF

Soulèvements de la Terre : « Le juge administratif persiste à désarmer l’État et à désavouer le législateur »

TITRE MARIANNE Par Jean-Éric Schoettl Publié le 10/11/2023 QUI CONCLUT :

« En l’espèce, il n’y a pas d’erreur manifeste d’appréciation du ministre de l’Intérieur, tant les faits de provocation sont établis et tant est claire la volonté du législateur de voir sanctionner de telles provocations par une dissolution. Le décret de dissolution ne devrait donc pas être annulé.

« De la lecture de cette décision se dégagent deux impressions également dérangeantes pour qui se fait une haute idée de l’impartialité du juge en général et, s’agissant du juge administratif en particulier, de son aptitude à concilier respect des libertés publiques et sauvegarde de l’intérêt général. »

POURRA-T-ON ENCORE LONGTEMPS CONTESTER L’AMPLEUR DE L’ « ÉTAT PROFOND » ?

La réforme du Conseil d’Etat ( qui ne constitue pas le seul contributeur à l’Etat profond ) est rendue nécessaire en raison de plusieurs dysfonctionnements majeurs, en particulier :

  • ses missions contradictoires, voire incompatibles, conseil de l’exécutif, juge administratif, vivier des collaborateurs de l’exécutif, pantouflage, carrières politiques,
  • son influence sur l’instruction et les décisions du Conseil Constitutionnel,
  • sa composition,
  • l’ambiguïté de ses rapports avec l’exécutif d’une part ( tantôt en opposition frontale, tantôt en position gouvernementaliste ) et le Parlement d’autre part,
  • ses décisions – sous couvert de dire le droit – qui lui confèrent de fait un pouvoir de nature politique ( pouvoir sur le législatif et sur l’exécutif) non reconnu par l’Etat de droit qu’il est censé contrôler et assurer,
  • son implication – de fait – dans la fonction politique et ceux qui l’incarnent, la servent…puis en bénéficient.
  • ses missions contradictoires voire incompatibles, conseil de l’exécutif, juge administratif, vivier des collaborateurs de l’exécutif, pantouflage, carrières politiques.

METAHODOS a publié à plusieurs reprises sur l’État Profond

L’Etat profond, première exploration C’est surtout aux Etats Unis que le concept de « deep state » est désormais le plus utilisé. Et, au premier chef, par Donald Trump lui-même, …

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Pourquoi il est nécessaire de réformer le Conseil d’Etatmetahodos.frhttps://metahodos.fr › 2020/11/29 › pourquoi-il-est-ne…

Quand le Conseil d’Etat critique la Cour de Justice de …metahodos.frhttps://metahodos.fr › 2021/10/05 › conseil-detat-cour…Le Conseil d’Etat est il dans son rôle lorsqu’il critique la Cour de justice ?L’action pénale dans le cadre de la crise sanitaire est ..

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VERS UNE COUR UNIQUE REGROUPANT CONSEIL …metahodos.frhttps://metahodos.fr › 2022/03/31 › aller-vers-une-fus…;;; rétablir un Etat de droit. Nous avons , dans ce cadre, proposé un renforcement du Conseil …

«UN ETAT D’EXCEPTION QUI DURE DEPUIS DEUX ANS …metahodos.frhttps://metahodos.fr › 2021/12/31 › mathieu-slama-un…

NOUS VOUS PROPOSONS QUATRE ARTICLES ET EXTRAITS :

1. Dissolution des Soulèvements de la Terre, réforme des retraites… Peut-on justifier la violence politique ?

2. « La suspension du décret de dissolution des ‘Soulèvements de la Terre’ est inquiétante »

3. « Le pouvoir a pris le risque de surpolitiser le dossier »

4. « Le pouvoir a pris le risque de surpolitiser le dossier »

1. ARTICLE

Dissolution des Soulèvements de la Terre, réforme des retraites… Peut-on justifier la violence politique ?

Propos recueillis par Franck Dedieu MARIANNE Publié le 21/06/2023

Question taboue, mais vieille comme la – ou plutôt le – politique. Et un débat que la dissolution des Soulèvements de la Terre annoncée par le gouvernement ce mercredi 21 juin vient encore relancer. Jacques Deschamps, philosophe et auteur de « Éloge de l’émeute » (paru aux éditions Les Liens qui libèrent, en mars 2023), voit dans la révolte à ciel ouvert un mouvement de libération. Pour Jean-Baptiste Juillard, enseignant à la Sorbonne, qui prépare une thèse sur le sujet, elle est un moyen d’action illégitime.

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé la dissolution des Soulèvements de la Terre ce mercredi 21 juin en Conseil des ministres, accusant le collectif écologiste de jouer « un rôle majeur dans la conception, la diffusion et la légitimation de modes opératoires violents ». Cet argumentaire ravive un questionnement ultrasensible pour la scène publique et la vie dans la cité : la violence politique peut-elle être légitime ? Une problématique que le philosophe Jacques Deschamps, auteur d’Éloge de l’émeute et l’universitaire Jean-Baptiste Juillard, dont la thèse sur le sujet est en préparation, ont mis en débat.

Marianne : À la lecture de votre livre, Jacques Deschamps, on s’aperçoit que le thème de la violence politique a été beaucoup pensé par Foucault, Sorel, Sartre, etc. Aujourd’hui, la grande majorité des gens la condamnent, certains peuvent la légitimer, mais personne ne semble la penser. Pourquoi ?

Jacques Deschamps : Durant la récente période de contestation de la réforme des retraites, une sorte de rituel médiatique se déroulait, le plus souvent sur les chaînes d’info : tout politique ou syndicaliste devait commencer l’entretien par la condamnation de la violence. Et si une petite hésitation perçait, l’interviewé ne pouvait recevoir le brevet de civisme requis. Autrement dit, la violence politique ne devait pas faire l’objet d’une analyse. Pourquoi ? Cette incapacité à penser la violence vient en partie de notre propre système. Héritier d’un long mouvement historique, il produit en lui-même une violence générale et donc interdit de l’analyser. Il existe pourtant une pensée française, pensée critique comme la nommaient les Américains durant les années 1960-1980, traversée par la référence marxiste, donc par l’idée de lutte des classes matérialisée par la violence, moteur de l’Histoire. Mais depuis les années 1990, depuis cette grande transformation idéologique qui a accompagné le néolibéralisme, cette pensée se retrouve diabolisée. Elle relèverait d’une pathologie individuelle et collective, impossible à rationnellement interroger.

2. ARTICLE

« La suspension du décret de dissolution des ‘Soulèvements de la Terre’ est inquiétante »

Par Noëlle Lenoir et Jean-Éric Schoettl Publié le 11/08/2023 MARIANNE

Ce vendredi 11 août, le Conseil d’État a suspendu en référé la dissolution du collectif qui avait été prononcé par un décret du 21 juin en Conseil des ministres. Noëlle Lenoir, membre honoraire du Conseil constitutionnel et Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, estiment que cette annulation temporaire légitime le recours à la violence.

Pour ceux qui restent convaincus – et ils sont fort heureusement nombreux en France – que la violence n’est pas justifiable dans un État de droit, la décision du Conseil d’État, suspendant le décret de dissolution de l’association « Les Soulèvements de la Terre » (pris en Conseil des ministres le 21 juin dernier) interpelle. Plus encore, sa motivation peut inquiéter, eu égard au goût pour la violence de nombre de groupements associatifs et politiques en France.

L’affaire était importante car il s’agissait d’appliquer une disposition cruciale et récente de l’article L212-1 du code de la sécurité intérieure relative à la dissolution, par décret en conseil des ministres, « de toutes les associations ou groupements de fait » qui « provoquent (…) à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens » (1° de l’article). La possibilité de dissoudre des associations, prévue dans la loi de 1901 sur la liberté d’association, s’était révélée peu efficace face aux manifestations insurrectionnelles de l’entre-deux-guerres. On doit à Léon Blum, président du Conseil, l’adoption de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées. Celle-ci prévoyait la dissolution des associations provoquant à des « manifestations armées ». Mais c’est la loi du 24 août 2021 confortant les principes de la République qui, pour permettre d’appréhender toutes les formes de violence nouvelles, a prévu également la dissolution des associations provoquant « à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens ». C’est la base juridique du décret de dissolution de l’association les « Soulèvements de la Terre ».

LE RECOURS À LA VIOLENCE

Or, qu’a jugé le Conseil d’État, saisi en référé, pour suspendre le décret de dissolution des « Soulèvements de la Terre » ? Il a d’abord estimé qu’il y avait urgence à statuer. C’est peu contestable. Mais le référé suspension exige plus : un moyen suscitant, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de la mesure attaquée. Le Conseil d’État a considéré qu’un tel « doute sérieux » existait sur le fait de savoir si le collectif provoquait à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens.

« Des violences pas seulement symboliques, des violences actives allant au-delà de la notion de désobéissance civile. »

Il ne semble pas avoir été ému par les débordements de violence survenus lors de la manifestation de mars dernier contre les « mégabassines » de Sainte-Soline, manifestation dans laquelle le collectif « Les Soulèvements de la Terre » a pris une part centrale. Selon l’ordonnance de référés, les atteintes aux biens « se sont inscrites dans les prises de position de ce collectif en faveur d’initiatives de désobéissance civile, dont il revendique le caractère symbolique [et qui] ont été en nombre limité ». Les images de la manifestation ne disent pas cela : on y voit des manifestants cagoulés procéder à des lancers de mortiers, de chandelles romaines et de cocktails molotov. S’agit-il d’éléments extérieurs au collectif ? Toujours est-il que la jeune femme intervenant comme porte-parole, dans la vidéo de propagande du collectif, indique « assumer totalement » cette forme d’action, tandis qu’un manifestant souligne qu’« il n’y a pas d’autres moyens de faire bouger les choses que la violence ».

3. ARTICLE

Dissolution des Soulèvements de la Terre : « Le pouvoir a pris le risque de surpolitiser le dossier »

Par Arnaud Benedetti Publié le 14/08/2023 MARIANNE

Ce vendredi 11 août, le Conseil d’État a suspendu en référé la dissolution du collectif qui avait été prononcé par un décret du 21 juin en Conseil des ministres. Pour Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la « Revue politique et parlementaire » et professeur associé à la Sorbonne et à l’HEIP (Hautes études internationales et politiques), si le gouvernement a fait une erreur politique en lançant cette dissolution, les arguments avancés par le juge qui a prononcé la suspension sont curieux.

La suspension par le juge des référés du conseil d’État du décret de dissolution du collectif des « Soulèvements de la Terre » pose plusieurs questions. Tout d’abord celle de l’opportunité politique d’avoir entrepris cette dissolution, non pas parce qu’il n’y aurait pas eu des violences perpétrées dans le cadre ou en marge des manifestations initiées par cette entité, faut-il le rappeler sans personnalité morale, mais surtout parce qu’il ne suffit pas de dissoudre pour protéger et préserver l’ordre républicain. Bien au contraire, l’initiative gouvernementale a offert ainsi un surplus de publicité aux militants d’une sensibilité radicale qui ne demandait pas mieux que de s’auréoler d’un attribut de « persécution », notamment à l’adresse des publics les plus jeunes et les plus expressément motivées par la cause environnementale.

Entre l’écologie exacerbée et exacerbante d’un côté et la demande d’ordre et d’autorité de l’autre, le ministre de l’Intérieur, se conformant à ce qu’il pense de son rôle et de sa feuille de route, a opté pour la seconde, quitte à prendre le risque d’être désavoué ou à ce stade contraint par la justice administrative. Limite de l’entreprise, les délits visés par l’exécutif et dont ce dernier estime qu’ils motivent la dissolution du groupement, sont présentés par les activistes comme des actes de désobéissance civile, nonobstant l’évidence de leur caractère violent. Ce faisant en sortant du seul cercle pénal, le pouvoir a pris le risque de surpolitiser le dossier.

UNE LECTURE JURIDIQUE CONTESTABLE

Le choix de Darmanin est d’autant plus aléatoire que se heurtant à la suspension de l’arrêté gouvernemental il suscite une impression d’improvisation dans la préparation d’un dossier qui apparaît ainsi dans un premier temps mal étayé – ce que n’a pas manqué de souligner la plus haute juridiction administrative du pays, quand bien même n’aurait-elle pas statué sur le fond. Pour autant, la lecture opérée par cette dernière n’est pas dépourvue non plus d’ambiguïtés.

On ne peut que s’interroger sur certains de ses fondements interprétatifs, notamment lorsqu’ils esquissent déjà des éléments de fond pour arguer de leur position. Le plus discutable de cette argumentation se dessine lorsque le juge stipule que « les actions promues par les Soulèvements de la Terre ayant conduit à des atteintes à des biens se sont inscrites dans les prises de position de ce collectif en faveur d’initiatives de désobéissance civile et de « désarmement » de dispositifs portant atteinte à l’environnement, dont il revendique le caractère symbolique, et ont été en nombre limité ». Outre que le Conseil d’État en vient à admettre par l’évocation de la notion de « désobéissance civile » une justification des moyens par la fin, il tend à relativiser la violence des actions si ce n’est soutenu, à tout le moins excusées, par les responsables du mouvement visé par la procédure de l’exécutif. Pire, cette minoration s’appuie sur le constat du caractère restreint de ces destructions pour légitimer les motivations de sa décision, comme si la faiblesse quantitative supputée effaçait la violation de la loi.

« Une illustration supplémentaire de la profonde crise démocratique que nous traversons. »

D’aucuns, inévitablement, ne manqueront pas d’observer que les magistrats pour la circonstance introduisent au-delà du droit une appréciation très politique, voire idéologique dans leur exposé. Une demi-surprise, certes, à vrai dire confirmant que la formulation du droit n’est jamais exclusivement éthérée car souvent traversée également par des aspérités politiques, mais qui dans le contexte républicain n’en pose pas moins problème quand elle paraît valider une conception partisane subversive. De ce raisonnement, le Conseil d’État s’il venait sur le fond à confirmer cette approche ouvrirait un inquiétant appel d’air pour toute action militante recourant à des moyens entraînant destructions, brutalités et désordres, dès lors que de vagues références à une forme de bien-pensance en appuieraient l’élan.

4. ARTICLE

Soulèvements de la Terre : « Le juge administratif persiste à désarmer l’État et à désavouer le législateur »

Par Jean-Éric Schoettl Publié le 10/11/2023 MARIANNE

Dans une tribune, Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, analyse l’annulation du décret de dissolution du collectif « Les Soulèvements de la Terre ». Selon lui, elle dénote une volonté du Conseil d’État de « couvrir ses juges des référés », et se fonde sur des « raisons de haute politique et d’image ».

Lorsque le juge administratif persiste à désarmer l’État et à désavouer le législateur : suspendue en référé en août, la dissolution des Soulèvements de la Terre est annulée sur le fond en novembre. Dans la rédaction que lui a donnée la loi du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République, le premier alinéa de l’article L 212-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) permet au gouvernement, par décret en Conseil des ministres, de dissoudre une association ou un groupement de fait qui « provoque à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ». Sur ce fondement, le gouvernement a prononcé la dissolution de plusieurs associations et groupements dont le collectif écologiste « Les Soulèvements de la Terre ». Le 11 août dernier, le Conseil d’État suspendait en référé le décret de dissolution de ce collectif. Mais le fond restait à juger. C’est chose faite aujourd’hui : le juge du fond annule le décret de dissolution.

L’arrêt du Conseil d’État du 9 novembre juge que les Soulèvements de la Terre « se sont bien livrés à des provocations à des agissements violents à l’encontre des biens » et que ces provocations entrent dans le champ du 1° de l’article L. 212-1 du CSI. Le dossier produit par le ministère de l’intérieur le démontrait surabondamment. Cependant, il estime, au vu des « effets réels qu’ont pu avoir ces provocations à la violence contre des biens à la date à laquelle a été pris le décret de dissolution », que la dissolution des Soulèvements de la Terre ne constituait pas une mesure « adaptée, nécessaire et proportionnée » à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public… Ainsi, tout en jugeant que le 1° de l’article L 212-1 s’applique, le Conseil d’État décide de le laisser inappliqué. Telles sont les prodiges du contrôle entier de proportionnalité par le juge (vérification que la mesure prise par les pouvoirs publics est « adaptée, nécessaire et proportionnée »).

Qui plus est, la décision au fond, comme celle retenue en référé en août dernier, méconnaît la volonté du législateur. Contrairement à ce que nous dit le Conseil d’État, le 1° de l’article L 212-1 CSI n’exige pas que la provocation ait produit des « effets réels » (en l’espèce elle en a d’ailleurs produit de très sérieux). Les travaux préparatoires de l’article 16 de la loi du 24 août 2021 (qui modifie l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, base juridique du décret de dissolution) sont clairs : toute provocation à la violence – indépendamment de ses répercussions factuelles – doit pouvoir conduire à la dissolution du groupement qui la prône.

CHOIX BINAIRE QUI N’A GUÈRE DE SENS

Le Conseil d’État n’explique pas non plus quelle aurait été la mesure « proportionnée » aux provocations diffusées par les Soulèvements de la Terre. Face à une association – et plus encore à un groupement de fait – dont l’activité tombe sous le coup du 1° de l’article L 212-1 du CSI, l’exécutif n’a d’autre latitude que de dissoudre ou de ne pas dissoudre. C’est un choix binaire. Or, lorsque les options décisionnelles sont binaires, le contrôle « entier » de proportionnalité n’a guère de sens. Seul devrait jouer le classique contrôle de l’« erreur manifeste d’appréciation » éventuellement commise par les pouvoirs publics dans l’exercice de leur pouvoir de police.

En l’espèce, il n’y a pas d’erreur manifeste d’appréciation du ministre de l’Intérieur, tant les faits de provocation sont établis et tant est claire la volonté du législateur de voir sanctionner de telles provocations par une dissolution. Le décret de dissolution ne devrait donc pas être annulé.

De la lecture de cette décision se dégagent deux impressions également dérangeantes pour qui se fait une haute idée de l’impartialité du juge en général et, s’agissant du juge administratif en particulier, de son aptitude à concilier respect des libertés publiques et sauvegarde de l’intérêt général.

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