
En Suisse on vote sur le covid
Les votations et le système démocratique suisse permettent de voter régulièrement sur le covid. Un deuxième référendum en moins de six mois est organisé sur la loi Covid.
Nous vous proposons deux articles sur le sujet ( Le monde et Contrepoints )
Article 1
Les Suisses de nouveau appelés aux urnes pour se prononcer sur le passe sanitaire
Les Suisses votent, dimanche 28 novembre, sur la loi Covid-19 ayant permis de créer le passe sanitaire, au terme d’une campagne électorale des plus houleuses. Signe des tensions inhabituelles en Suisse, la police a bloqué, dimanche, la place se trouvant devant le siège du gouvernement et du parlement à Berne, en prévision des manifestations.
D’après les sondages toutefois, la population devrait accepter la loi même si les antivax et antipasse ont su faire entendre leur voix ces dernières semaines en organisant de nombreuses manifestations, parfois interdites et émaillées de violences, mais qui restent toutefois loin des véritables émeutes aux Pays-Bas ou en Guadeloupe.
La montée des tensions en Suisse, un pays réputé pour sa culture du dialogue et du compromis et où des référendums sont organisés plusieurs fois par an dans un climat apaisé, a eu l’effet d’un électrochoc. De nombreux politiciens, y compris le ministre de la santé Alain Berset, qui depuis deux ans en est venu à incarner la lutte contre le Covid dans le pays alpin, ont été menacés de mort et sont désormais placés sous protection policière.
Ce référendum intervient alors que le nouveau variant Omicron, détecté en Afrique du Sud et qualifié de « préoccupant » par l’Organisation mondiale de la santé, a replongé la planète dans un état d’alerte. Lire aussi Covid-19 : en Suisse, la cinquième vague déferle sur la population la moins vaccinée d’Europe de l’Ouest
En retard sur la couverture vaccinale
Les Suisses votent également dimanche sur une initiative populaire sur les soins infirmiers qui demande à la confédération de garantir une « rémunération appropriée » des prestations de soin.
Ces votes interviennent alors que la Suisse connaît comme d’autres pays une flambée des infections depuis la mi-octobre en raison du variant Delta. Mais contrairement à d’autres pays dans le même cas, le gouvernement a refusé pour l’instant de durcir les mesures de lutte au plan national, faisant valoir que l’occupation des lits de soins intensifs par des patients Covid était relativement faible à ce jour (20 %).
« La situation est pour l’instant maîtrisée. Si les cas devaient augmenter de manière exponentielle, il faudrait s’adapter au fur et à mesure », a déclaré mercredi M. Berset, en conférence de presse. Le gouvernement a toutefois pressé les cantons de prendre des mesures et a appelé la population à respecter les mesures sanitaires de base.
Avec un taux de personnes entièrement vaccinées d’environ 65 %, la Suisse est en retard dans la couverture vaccinale en comparaison d’autres pays d’Europe de l’Ouest.
C’est la deuxième fois en moins de six mois que la population doit voter sur la loi Covid. En juin, les citoyens l’avaient soutenue à 60 % des voix lors d’un premier référendum. Mais la loi ayant été modifiée afin de donner plus de latitude aux autorités pour combattre la pandémie et permettre l’instauration du certificat Covid, les antipasse ont décidé de lancer un second référendum. Lire aussi Covid-19 : la Suisse va étendre l’obligation du passe sanitaire
« Durcissement extrême et inutile »
Le comité référendaire refuse ce « durcissement extrême et inutile de la loi Covid » et dénonce en particulier le certificat Covid, « qui induit implicitement une vaccination forcée ». Pour Agnès Aédo, porte-parole des « Amis de la Constitution », un des groupes à l’origine du référendum, cette loi « va créer une société à deux vitesses ».
L’ensemble des mouvements politiques, à l’exception de la droite populiste UDC, premier parti du pays, soutient la loi. « Soudainement, nous sommes censés être divisés entre les vaccinés et les non-vaccinés. Nous devons refuser cette scission », a dénoncé le président de l’UDC, Marco Chiesa, qui appelle à « rétablir la liberté, les droits fondamentaux et la normalité »
Le gouvernement a lui fait valoir que le certificat facilite les voyages et les séjours à l’étranger, permet la tenue de manifestations et est « à la disposition de tous » car les personnes non vaccinées et n’ayant pas eu le virus peuvent se faire tester. Lire aussi En Suisse, les Kosovars accusés d’avoir propagé le Covid-19
Selon le dernier sondage de l’institut gfs.bern réalisé le 7 novembre, 61 % des personnes voulant participer au vote soutenaient alors la loi Covid-19 et 67 % l’initiative sur les soins infirmiers. Dans ce dernier cas, comme il s’agit d’une initiative populaire, la majorité des cantons est également requise pour que le texte soit adopté.
Article 2
Pourquoi on peut voter sur la loi covid en Suisse mais pas en France
Par Jean-Baptiste Vigouroux. Contrepoints
Il existe un principe fondamental dans nos démocraties occidentales : la loi et la Constitution doivent être votées par le peuple ou par ses représentants, et non par les gouvernements.
À cause du covid, les gouvernements à travers le monde ont pris en urgence des séries de mesures pour contrer l’épidémie et venir en aide aux secteurs économiques les plus touchés. Ces mesures ont été ratifiées par les parlements. Jusqu’ici, rien que de très normal, même si ce processus bouscule l’ordre des choses et donne l’impression que les parlements ont été en fin de compte mis devant le fait accompli.
LA SUISSE : UN PAYS DIFFÉRENT
Il existe cependant un pays un peu différent, un pays où les habitants sont tellement attachés à leur souveraineté qu’ils s’approprient les sujets politiques les plus divers. Les citoyens contrôlent ainsi leurs élus et leur gouvernement par la possibilité qu’ils ont de se constituer en association pour proposer des référendums contre telle ou telle loi parlementaire ou initiative gouvernementale.
Ce pays c’est la Suisse, qui s’apprête à voter sur LE sujet du moment, celui dont absolument tout le monde parle.
Pour que la Suisse vote, il a fallu que quelques citoyens se réunissent en une association, qu’ils ont voulu baptiser d’un nom évocateur : les Amis de la Constitution, fondée en mai 2020 en réaction aux toutes premières mesures anti-covid. Observant que la loi covid votée par le Parlement, à la suite des mesures prises par le gouvernement au printemps 2020, leur semblait contrevenir à toute une série de dispositions de la Constitution et du Code pénal, ils ont rassemblé les 50 000 signatures requises.
Ironie du calendrier, entre le début de la campagne de signature et la fin, une autre loi a due être passée par le Parlement, encore une fois pour avaliser les mesures prises par le Conseil Fédéral. Il s’en est suivi une certaine confusion au moment du vote : sur laquelle des deux lois se prononçait-on ? La première, passée avant le début de la campagne de signatures, ou la deuxième, passée entre-temps ? Sur la première évidemment, sauf qu’au moment d’écrire Oui ou Non, devant leur bulletin de vote, les citoyens n’en étaient plus vraiment sûrs.
Le référendum ayant été rejeté, les Amis de la Constitution en ont organisé un deuxième à propos de la deuxième loi, en quatrième vitesse, pour éviter leur mésaventure autour de la confusion initiale. Ils se sont pour l’occasion adjoint le soutien de deux autres associations, nées récemment elles aussi : le « Réseau de décision pour la vaccination », et l’ »Alliance d’action des cantons d’origine ». Ils ont rassemblé le nombre record de 187 239 signatures, même si toutes n’étaient pas valides, en un temps record lui aussi : les 60 000 premières signatures (il en faut 50 000) ont été réunies en six semaines ! C’est sur ce référendum que l’on vote la semaine prochaine.
Cela fera de la Suisse le seul pays au monde qui aura pu voter deux fois en 2021 sur le sujet le plus important du moment.
On entend parfois, qu’il est trop facile de voter deux fois sur le même sujet. Sauf que ça arrive tout le temps. Le dernier exemple en date est le mariage pour tous, qui a fait l’objet de plusieurs votations successives à plusieurs années d’intervalle, avant d’être finalement approuvé par votation populaire. De même que le Conseil Fédéral peut prolonger les mesures anti-covid, les citoyens réunis en association peuvent renouveler leur contestation de ces mêmes lois. On verra après le vote si les citoyens auront apprécié ou pas. Les sondages semblent indiquer que le référendum sera rejeté avec une forte majorité.
ET EN FRANCE ?
À l’opposé, en France, le gouvernement peut prolonger l’état d’urgence en une « période transitoire de sortie d’urgence » (sic). L’Assemblée nationale suit docilement. Le Sénat est tout juste bon à tenter d’édulcorer la loi ; par exemple en limitant l’état d’urgence jusque mi-novembre au lieu de fin décembre – on voit bien combien cela a servi, il est maintenant prolongé jusqu’au 31 juillet 2022 !
Le peuple français, lui, n’est pas consulté et n’a aucun moyen de faire pression, si ce n’est par le vote cérémoniel quinquennal pour la présidence de la République, ou à travers des manifestations qui ne servent à rien au final.
Quel système est le meilleur ? Le français ou le suisse ? On pourra arguer que cela dépend de la culture et de la maturité politique de chacun des deux pays. Quoi qu’il en soit, la Suisse, qui est décidément très mûre en termes de pratique de la démocratie, aurait tort de s’en priver. La France pourrait bien essayer de s’inspirer, au moins en partie, de son sage voisin helvétique.
Indeed!
Eh oui, la Suisse, ce petit pays si proche de nous et si différent.
Un modèle économique, civique et démocratique dont la France pourrait s’inspirer certainement.
Vous avez dit culture et histoire?
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