
Émission
Réécouter Senghor, un pont entre deux cultures ?
LE 13/12/2021 France Culture
par Matthieu Garrigou-Lagrange
Premier agrégé d’origine africaine en grammaire , homme de foi, essayiste, poète et président de la République du Sénégal, le destin de Léopold Senghor fut exceptionnel.
Sa vie, une véritable traversée du siècle
Né en 1906 et mort en 2001, il a marqué de son empreinte plusieurs continents, et particulièrement l’Afrique. Formé pour devenir prêtre, il réalise que son tempérament ne le prédestine pas dans cette voie.
Brillant bachelier considéré pourtant comme un « fauteur de troubles », il arrive en France en 1928 pour intégrer la classe préparatoire littéraire de Louis-le-Grand. Il y fait une rencontre majeure, celle de Georges Pompidou, avec qui il restera très proche toute sa vie.
Assoiffé de lectures, il apprend tout autant dans les livres que dans les rues de Paris, où il se promène très souvent pour visiter musées et monuments. Il devient membre d’un groupe d’étudiants socialistes et fréquente les milieux noirs parisiens. Il noue une profonde amitié avec Aimé Césaire, dès 1931 et fonde quelques années plus tard avec ce dernier la revue L’Etudiant noir, véritable porte-voix de la négritude.
En ce début des années 1930, il y a à Paris une mode nègre, qui avait contribué à la parution du premier numéro de la Revue du monde noir. Un des pionniers de la « négritude », tant sur le plan intellectuel que politique.
La « négritude » est un terme inventé par Césaire et Senghor, pour condenser ce mouvement intellectuel et politique consistant à favoriser la renaissance de la civilisation négro-africaine.
Devenu agrégé de grammaire en 1935, il est nommé professeur de français à Tours, où il est considéré comme un excellent pédagogue. Ses premiers vers, il les avait écrit dès la classe de seconde à Dakar, quand il essayait d’imiter les grands romantiques tels que Hugo, Musset, Vigny ou Lamartine.
Il publie un recueil intitulé Hosties noires, qu’il avait commencé à écrire dès le milieu des années 1930. Une fureur sacrée l’anime alors et il se met à écrire quantité de poèmes qu’il publie dans divers recueils, avant que n’éclate la guerre en 1939. Fait prisonnier de guerre, il affirmera plus tard que l’expérience de la captivité fut pour lui une épreuve mortifiante.
A l’issue de la guerre, il est élu député de la circonscription Sénégal-Mauritanie. Il est sans cesse réélu comme député jusqu’à être élu président de la République du Sénégal en 1960, année de l’indépendance du pays, jusqu’en décembre 1980. Senghor aura contribué plus que d’autres à « réveiller l’Afrique de son sommeil millénaire » en réhabilitant son histoire et sa culture, en combattant les préjugés, en débusquant l’ignorance et le mépris.
Lien vers l’émission
https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=dd02e031-b51b-4dc4-844a-4d2de4ca3dbb
VOIR UNE PUBLICATION DE METAHODOS SUR AIME CESAIRE :
VIVRE EN POÍĒSIS : AIMÉ CÉSAIRE « PUISQUE NOUS AVIONS HONTE DU MOT « NÈGRE », NOUS AVONS REPRIS LE MOT « NÈGRE » » https://metahodos.fr/2021/05/14/19647/
Avant la nuit
Léopold Sédar SENGHOR
Avant la nuit, une pensée de toi pour toi, avant que je ne tombe
Dans le filet blanc des angoisses, et la promenade aux frontières
Du rêve du désir avant le crépuscule, parmi les gazelles des sables
Pour ressusciter le poème au royaume d’Enfance.Elles vous fixent étonnées, comme la jeune fille du Ferlo, tu te souviens
Buste peul flancs, collines plus mélodieuses que les bronzes saïtes
Et ses cheveux tressés, rythmés quand elle danse
Mais ses yeux immenses en allés, qui éclairent ma nuit.La lumière est-elle encore si légère en ton pays limpide
Et les femmes si belles, on dirait des images ?
Si je la revoyais la jeune fille, la femme, c’est toi au soleil de Septembre
Peau d’or démarche mélodieuse, et ces yeux vastes, forteresses contre la mort.