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« BUREAU DU CONTRE-DISCOURS RÉPUBLICAIN » : LE CONNAISSEZ VOUS ?

ARTICLE

Le JDD a rencontré l’unité chargée de défendre la République en ligne

L’Unité de contre-discours républicain surveille et analyse les discours séparatistes qui prolifèrent sur les réseaux sociaux et y riposte

Marie Quenet. 04/12/2022 LE JDD

Le portrait noir et blanc de Samuel Paty est affiché dans le couloir. « Ce n’est pas pour rien si l’on travaille sous ses auspices. Notre histoire commence avec sa mort »,rappelle le préfet Christian Gravel, secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). L’Unité de contre-discours républicain (UCDR), qui fait partie de l’organisme, a en effet vu le jour en novembre 2020, après l’assassinat de l’enseignant par un terroriste islamiste. Objectif : produire des contenus pour lutter contre les discours séparatistes sur les réseaux sociaux.

Deux ans plus tard, l’entité reste discrète. En amont de la Journée nationale de la laïcité vendredi, le JDD s’est rendu dans ses locaux (tenus secrets pour des raisons de sécurité). Depuis sa création, les effectifs ont triplé (18 agents, dont trois en cours de recrutement). Certains y travaillent depuis le début ; d’autres, deux mois. La moyenne d’âge avoisine 30 ans. Ni policiers ni gendarmes, les salariés viennent de différents horizons : droit, sciences politiques, histoire, communication, journalisme… La plupart sont contractuels. Tous profondément engagés. « Ma génération a eu son bac juste après les attentats de 2015 ; elle a grandi avec les réseaux sociaux, glisse une jeune recrue. On n’est pas là par hasard. » Un drapeau tricolore, le texte de la Marseillaise viennent égayer le décor minimaliste.

Sur la Toile, une veille sept jours sur sept

Les missions de l’UCDR, pour cet ancien directeur de cabinet de Manuel Valls, tiennent en trois mots : « veille, analyse et riposte ». « Nous travaillons essentiellement sur le séparatisme islamiste, précise-t-il, aujourd’hui le plus structuré, le plus massif et le plus dangereux. » Mais aussi sur les discours extrémistes d’autres mouvances, comme l’ultradroite ou l’ultragauche. « Malgré leurs divergences, tous ces mouvements poursuivent le même objectif : mettre à genoux la République », estime-t-il.

Derrière une batterie d’écrans, les trois salariés de la cellule veille se relaient donc sept jours sur sept, l’œil rivé sur Facebook, Instagram, Twitter, TikTok… « Nous sommes vigilants sur la nature des messages, le taux d’engagement des contenus et les interactions entre militants séparatistes », décrit un agent. Selon l’actualité, l’unité peut repérer une quinzaine à plusieurs centaines de messages par jour. « Ce n’est pas près de s’atténuer », prévient Christian Gravel, les réseaux sociaux constituant une caisse de résonance pour des minorités agissantes.​

Produire du contre-discours

Ces derniers mois, les vidéos incitant les élèves à contourner la loi de 2004 interdisant le port de tenues religieuses ostensibles à l’école se sont ainsi multipliées sur TikTok. Pas de quoi saisir Pharos, la plateforme de signalement des contenus illicites en ligne (pédocriminalité, incitation à la haine ou au terrorisme…). « Nous sommes dans une zone grise, juge le préfet Gravel. Ces vidéos adoptent tous les codes du Web, un ton léger et cool, mais véhiculent en fait une vision ultra-rigoriste liée à l’islamisme. » Une note du CIPDR signalait déjà le phénomène, fin août, au ministère de l’Éducation nationale.

Si la mission de l’UCDR est bien de produire du contre-discours, l’organisme saisit l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) et la plateforme Pharos dès qu’elle est confrontée à un danger immédiat (une douzaine de fois ces trois derniers mois). Il lui est même arrivé récemment d’alerter directement le responsable de TikTok : une vidéo menaçait de mort un enseignant. « Une heure après, elle était retirée », se félicite le secrétaire général.

Dans le service, six agents s’occupent de l’analyse et de la riposte. La responsable de la cellule constate une focalisation croissante sur les questions de laïcité : « C’est le fer de lance des discours séparatistes au sein de la sphère islamiste. Le but étant au mieux de la dévoyer, au pire de l’attaquer. » Et la récente monétisation de TikTok n’aide pas : « Quand il y a énormément de vues, ces activistes engrangent des financements. »

Pour contrer ces influenceurs de plus en plus professionnels, l’unité rédige quotidiennement des notes destinées au ministère de l’Intérieur. Face aux personnes morales ou physiques qui accusent la France d’« islamophobie », elle pratique, notamment, le « name and shame ». « Quand un organisme se présente comme un défenseur des droits humains mais prône en réalité l’islam radical, nous révélons ce qui se cache derrière la façade », décrit le préfet Gravel. Exemples ? Les posts, diffusés sur le fil du SG CIPDR, expliquant que le Collectif contre l’islamophobie en France (le CCIF, dissout en 2020) a condamné la fermeture de mosquées qui « servaient de lieux d’endoctrinement jihadiste » ; affirmant que l’organisation britannique CAGE, qui cherche à diaboliser l’État français, a soutenu « un bourreau de l’État islamique » ; ou rappelant, citations à l’appui, les propos homophobes, antisémites et complotistes de l’imam Hassan Iquioussen, aujourd’hui en ­Belgique.

#SnapChallenges, décryptages, reportages

La riposte passe aussi par du décryptage : éclairage sur le séparatisme islamiste (près d’un demi-million de vues, tous réseaux confondus) ; retour sur la loi de 2004 encadrant le port de signes religieux à l’école (plus de 65 000 vues) ; interview de Jean-Louis Périès, l’ancien président de la cour d’assises spéciale du procès des attentats du 13-Novembre (25 000 vues)… Les pôles mobilisation et audiovisuel se chargent de promouvoir, sous le label République déployé à la rentrée 2021, les valeurs et principes républicains, en particulier auprès des 13-25 ans. Sous forme de #SnapChallenges, de parcours exemplaires ou de reportages aux quatre coins de la France.

Résultats : plus de 200 contenus ont été mis en ligne ces douze derniers mois. « Nous totalisons près de 50 millions d’impressions et 3 millions de vues des messages de riposte et décryptage, et 3,5 millions de vues des vidéos sur les valeurs et principes de la République depuis 2021 », avance-t-on à l’UDCR. Mais si quelques séquences sont très relayées (192 000 vues pour celle où Sophia Aram s’adresse aux élèves du professeur Paty ; 357 000 pour le témoignage de la judokate Clarisse Agbegnenou, quatre fois championne du monde), d’autres plafonnent à quelques milliers de vues. Comment changer d’échelle ? « L’UCDR est une pierre à l’édifice, défend Christian Gravel.Institutions et société civile doivent aussi se mobiliser face au fléau du séparatisme. » 

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