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« SACRÉS FRANÇAIS » – LA FIN DE LA CENTRALITÉ AU TRAVAIL ? – EXISTENCE POLYCENTRIQUE – DOSSIER VALEUR TRAVAIL 1 –

1.EMISSION

Le rapport au travail a-t-il vraiment changé ?

Vendredi 27 janvier 2023. FRANCE CULTURE

On ne compte plus les publications qui affirment que le rapport au travail a radicalement changé depuis la crise. Nous en aurions fini avec la centralité du travail : mais qu’en est-il vraiment ?

Il est possible de suivre l’évolution du rapport au travail à travers différentes enquêtes. Avec mes collègues Patricia Vendramin, Lucie Davoine et Béatrice Delay nous avons exploité il y a plusieurs années ces enquêtes, notamment l’enquête sur les valeurs des Européens, pour comprendre le rapport des Français au travail (nous avons présenté les résultats dans Réinventer le travail, 2013, PUF). Les vagues 1990, 1999, 2008 et 2017 de cette enquête montrent que les Français sont parmi les Européens les plus nombreux à accorder de l’importance au travail : plus de 60% des personnes interrogées déclaraient en effet que le travail est très important en 1990. En 1999, elles étaient 70%, 67% en 2008 et 62% en 2018.

Les Français sont parmi les Européens les plus nombreux à accorder de l’importance au travail

La France se différencie en cela fortement de l’Allemagne, du Royaume-Uni et des pays nordiques et présente une autre particularité : ces réponses sont très proches quel que soit le statut par rapport à l’emploi (étudiant, retraité, au foyer, travailleuses et travailleurs à temps complet et à temps partiel). Il faudra attendre la prochaine enquête réalisée par l’EVS – dans les mêmes conditions, avec le même échantillon et les mêmes méthodes que pour les vagues précédentes – pour pouvoir mesurer l’impact de la crise sanitaire sur les différents pays. Même si certains instituts ont posé la question dans les mêmes termes et constaté une forte diminution du pourcentage de Français déclarant le travail très important, il est préférable, pour tirer des conclusions solides, d’attendre que le choc de la crise sanitaire soit passé.

A l’évidence, celle-ci a eu des effets sur le rapport au travail : confinées, les personnes ont pris conscience de l’importance mais aussi de l’emprise du travail sur leur vie, et ont pu, pendant cette forme de pause, prendre de la distance par rapport à leur travail, se demander si celui-ci était utile, constater l’injustice d’un système de rémunération fondé sur le diplôme plus que l’utilité sociale et travailler de manière différente avec la diffusion du télétravail.

Les Français seraient-ils devenus paresseux ?

Peut-on pour autant affirmer que les Français n’apprécieraient plus le travail, seraient devenus paresseux et que le travail aurait en raison de la crise sanitaire perdu sa centralité ? Non. Il faut plutôt parler d’une accentuation de tendances en cours depuis plusieurs années. Dans les conclusions tirées de notre programme de recherche, en 2008, nous montrions en effet déjà que le travail était concurrencé par d’autres activités et nous préférions parler du caractère polycentrique de l’existence plus que de centralité du travail. Je voudrais en donner deux preuves.

En 1999, les Français étaient certes parmi les plus nombreux en Europe à déclarer le travail très important mais ils étaient aussi près de 70% à souhaiter que le travail prenne moins de place dans leur vie. Ce paradoxe français s’explique par la montée régulière de l’aspiration à une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale mais aussi par la mauvaise qualité des conditions de travail, confirmée depuis par toutes les enquêtes. En 2006, en exploitant l’enquête Histoire de vie – Construction des identités(INSEE/INED), nous avions par ailleurs mis en évidence que lorsque l’on demande aux personnes si pour elles « le travail est plus important que tout le reste », seules 3,6% répondent positivement pendant que 66% indiquent que, pour elles, « le travail est moins important que d’autres choses (vie familiale, vie sociale, vie personnelle) » insee.fr

La position des Français après la crise sanitaire constitue donc sans doute moins une rupture qu’une accentuation des tendances précédentes. En effet, la crise sanitaire a conforté l’importance des autres sphères de vie que le travail et permis une prise de conscience du caractère parfois insupportable des conditions de travail. La reprise post-crise qui a multiplié les opportunités de trouver de nouveaux postes a permis à de nombreuses personnes de quitter un emploi devenu insoutenable tout en continuant à espérer un bon salaire, un travail intéressant, une bonne ambiance de travail et des possibilités de conciliation.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-economie-et-social/les-jeunes-sont-ils-devenus-paresseux-3885159

2. ARTICLE

Les Français et le travail expliqués aux Américains

SACRES FRANCAIS

Cette semaine, dans notre newsletter consacrée à ce que la presse étrangère écrit de meilleur et de pire sur l’Hexagone : la relation au travail, qui diffère fortement en France et aux États-Unis.

Courrier international. 29 01 2023

Photo

Cette fois-ci, ça a failli mal se terminer pour Sacrés Français. Associated Press (AP) a été plus rapide. Quand les auteurs du guide de rédaction de l’agence de presse américaine ont eu la bonne idée, jeudi soir, d’inclure “les Français” dans les expressions à éviter pour ne pas froisser les personnes concernées, ils ont déclenché l’hilarité générale sur les réseaux sociaux des deux côtés de l’Atlantique, tout en bouclant l’espace d’une chronique sur “les Gaulois vus de l’étranger” en un tweet.

Dit de manière plus nuancée, il s’agissait, pour la bible des journalistes américains, de bannir les “étiquettes globales telles que ‘les pauvres’, ‘les malades mentaux’, ‘les Français’, ‘les handicapés’, ‘les diplômés’”. Il est vrai aussi que, quelques heures et des dizaines de milliers de retweets plus tard, l’AP a fini par retirer “les Français” de son index. Mais les réflexions du type “Les Français sont des êtres humains comme vous et moi, merci de ne pas l’oublier” en accroche d’article, comme ici sur le site Politico, risquent de vous faire rigoler encore un certain temps. Sachez que l’AP s’en excuse.

Sans aucune transition, voici le thème du texte que nous comptions vous recommander ce week-end avant ce tollé créé autour des “Gaulois” : “Pourquoi les Français veulent arrêter de travailler”. L’article ainsi audacieusement titré est également publié aux États-Unis par le prestigieux magazine The Atlantic. Pamela Druckerman, autrice américaine vivant à Paris, y raconte ses impressions glanées au cœur d’une manifestation contre la réforme des retraites – ne partez pas tout de suite ! Son article dépasse les analyses s’appuyant sur l’évolution démographique, les promesses électorales et le contexte inflationniste français que vous avez lues un nombre incalculable de fois et aborde des questions plus larges. Elle entreprend précisément d’expliquer en quoi les relations qu’entretiennent Américains et Français au travail et à la richesse diffèrent.

Le fossé est évidemment abyssal. Mais sa description des termes du débat autour du travail en France, de l’ambiguïté des relations avec les nantis – reflétée dans le paysage politique du pays –, et de la conviction que certains acquis valent qu’on les défende comporte des leçons intéressantes. Et quelques moments saisissants, par exemple quand l’autrice raconte que ses enfants se sont vu offrir par des amis à elle des biographies pour enfants de Bill Gates ou Steve Jobs. Vous trouverez notre traduction ici. Cette lecture vous réserve donc quelques surprises et vous permettra de discourir ensuite abondamment sur “les Français” et “les Américains”. Ce n’est pas l’AP qui vous l’interdirait ! Bonne lecture.

Carolin Lohrenz

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