
« Tournée de Macron en Afrique : un président qui se cherche (en vain) des alliés »
TITRE MARIANNE QUI POUSUIT :
« La tournée de quatre jours d’Emmanuel Macron en Afrique, achevée samedi 4 mars, démontre que la diplomatie macronienne, faite de coups de com, a quelque chose d’éminemment trumpien. Et qu’abuser du lyrisme, en Europe, en Ukraine ou en Afrique, ne fait guère une politique. «
« Emmanuel Macron et l’Afrique : les bugs du nouveau logiciel »
TITRE LE MONDE QUI POURSUIT :
« La tournée express d’Emmanuel Macron – 72 heures au Gabon, en Angola, au Congo-Brazzaville puis en République démocratique du Congo (RDC) – a-t-elle permis d’améliorer l’image ternie de la France sur le continent ? Rien n’est moins sûr. Pourtant, aucun chef d’Etat ou de gouvernement européen – voire au-delà – n’est allé aussi fréquemment que le président français en Afrique. Son dernier déplacement, du 1er au 4 mars, était le 18e depuis sa première élection en mai 2017, pour vingt-cinq pays visités.
« Du New Akrika Shrine de Lagos, le night-club du fils du musicien et activiste Fela Kuti, aux églises chrétiennes orthodoxes de Lalibela, Emmanuel Macron est souvent sorti du pré carré des anciennes colonies françaises. Il s’est notamment rendu au Nigeria, en Ethiopie, au Kenya, en Afrique du Sud ou en Angola. Autant de puissances économiques affirmées ou en devenir avec lesquelles la France entend développer des relations décomplexées, renouvelées, vierges du passif colonial.
« Son dernier voyage combinait le poids du passé aux promesses de l’avenir. Dans le premier registre, l’étape de Brazzaville avait tout du piège. Denis Sassou-Nguesso (79 ans) est le témoin toujours vivant d’une histoire franco-africaine dont Emmanuel Macron aimerait tourner la page. Mais l’homme fort de Brazzaville est bien ancré au pouvoir. Président depuis 1979, à l’exception d’une poignée d’années (1992-1997) de guerre civile et d’un court exil en France, il a vu défiler six présidents français.
« Emmanuel Macron a tenté d’esquiver cette étape embarrassante en réduisant au maximum l’empreinte de son séjour. Il n’a foulé le sol de la république pétrolière, qui fit les beaux jours d’Elf Aquitaine, ancêtre de Total, que trois petites heures, dont la moitié passée avec la communauté française dans les jardins de la résidence de l’ambassadeur. D’un saut de puce en avion (15 minutes de vol), le chef de l’Etat français est ensuite allé dormir en face de Brazzaville, à Kinshasa, en RDC, capitale jumelle … »
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ARTICLE 1 EXTRAIT
Macron, le mémorialiste africain, le panafricaniste, l’universaliste africain
RFI 12 03
Pour Emmanuel Macron, en tout cas, les semaines qui se suivent se ressemble. La suivante s’annonce donc crispante. La précédente, en Afrique centrale, n’a guère été de tout repos.
Et dans les colonnes de l’hebdomadaire Le Point, le chef de l’État en tire les leçons. Point de départ de son raisonnement, la guerre en Libye, en 2011. Selon Emmanuel Macron, elle a marqué « un point de rupture dans l’Histoire récente, dont la Russie et les pays non-alignés ont fait leur miel (car, dit-il) pour la première fois au cours de cette guerre, le monde occidental a dupliqué en Afrique ce que les Américains avaient mis en œuvre en Irak, au Proche et Moyen-Orient : outrepasser les limites du droit international pour mener une guerre et changer un gouvernant pour ses propres intérêts sécuritaires. Un événement qui intervient au moment même où la Chine entre dans l’ordre international, suscitant le réveil des BRICS » (qui regroupent Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), estime le président français dans Le Point.
Macron, le panafricaniste
Et puis… Et puis Emmanuel Macron, mais oui, salue le panafricanisme ! « L’Afrique vit un moment politique autour du panafricanisme, admet-il dans cet entretien à bâtons rompus. On pense parfois que les relations étaient plus simples avant, ce n’est pas vrai ! Il faut se rappeler de Thomas Sankara s’opposant clairement à la France et à François Mitterrand durant son voyage au Burkina Faso, en 1986 », énonce Emmanuel Macron.
La Françafrique ? Selon le président, ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy comme François Hollande « ont cherché eux aussi à sortir de ce système (…) Peut-être que l’Afrique comptait moins pour eux qu’elle ne compte pour moi aujourd’hui, confie-t-il à cet hebdomadaire. Je suis convaincu que l’Afrique est devenue l’une des matrices de la société française. (…) Nos diasporas auront un rôle clé à jouer dans la réconciliation », anticipe-t-il.
Macron, l’universaliste africain
Le président français revient aussi sur le sentiment du « deux poids, deux mesures » prévalant, en Afrique, au sujet de la guerre en Ukraine.
« Les pays africains (…) disent qu’on a équipé l’Ukraine avec les meilleures armes, qu’on l’a financée, ce qui n’est pas le cas quand ils sont attaqués par des étrangers ou des groupes rebelles », confesse Emmanuel Macron dans cet entretien. Toutefois, s’empresse-t-il d’ajouter, « cela ne peut pas être un prétexte pour ne pas être engagé sur la question ukrainienne, car elle a une part d’universel. Je suis le premier à considérer qu’il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures et que la solidarité ne doit pas s’exercer à géométrie variable. C’est pourquoi mon déplacement en RDC visait aussi à remobiliser l’attention internationale sur la crise des Grands Lacs, à commencer par ses conséquences humanitaires », dit le chef de l’État dans le magazine Le Point.
Le « en même temps » africain de Macron
Justement. À Kinshasa, les Africains, médusés, ont assisté à cet incident en plein point de presse avec le président congolais Félix Tshisekedi.
Mais pas que… « Nous sommes donc fâchés avec le plus important pays francophone d’Afrique, déplore ce magazine. C’est curieux, ce besoin, chez Emmanuel Macron, de faire la leçon. De venir expliquer à son homologue de la République démocratique du Congo, en proie à des incursions de milices qui commettent (…) des crimes atroces et des massacres de masse, avec le bienveillant soutien du voisin rwandais, que « depuis 1994, ce n’est pas la faute de la France, si vous [les Congolais] n’avez jamais été capables de restaurer la souveraineté ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative de votre pays » ».
Certes, admet Marianne, « ce n’est pas la faute de la France ». Toutefois, explique cet hebdomadaire, « c’est sans doute pour ne pas froisser Paul Kagame, président du Rwanda soutenu par les États-Unis et pourvoyeur de ce cobalt, ce coltan et ce tantale qu’il n’a pas sur son territoire mais qu’on trouve dans l’est du Congo (…) qu’Emmanuel Macron s’est montré si évasif sur les responsables des massacres. Il a préféré maintenir l’outrageant qualificatif de Jean-Yves Le Drian sur l’élection du président congolais : « compromis à l’africaine ». Comment ça, les Congolais l’ont mal pris ? Comme c’est étonnant ! », ironise Marianne.
ARTICLE 2
Emmanuel Macron en Afrique : pourquoi son voyage a été autant critiqué
Publié le 07/03/2023 Louis Rousseau LA DÉPÊCHE
En voyage en Afrique centrale, Emmanuel Macron a dû faire face à de nombreuses critiques sur le continent, au cours d’un voyage où peu d’annonces ont été faites.
En se rendant au Gabon, en Angola, au Congo Brazzaville et en République démocratique du Congo (RDC), entre le 1er et le 4 mars, Emmanuel Macron voulait ouvrir une « nouvelle page » des relations avec les pays du continent. Pourtant, son séjour a été marqué par un passage difficile en RDC.
En conférence de presse avec le président congolais Félix Tshisekedi, Emmanuel Macron a adopté une posture et un ton qui ont fortement déplu à son homologue. En cause notamment, l’affirmation selon laquelle « depuis 1994, ce n’est pas la faute de la France, si vous [les Congolais] n’avez jamais été capables de restaurer la souveraineté ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative de votre pays ».
Une attitude que n’a pas appréciée le président congolais, qui a demandé à Emmanuel Macron de regarder les siens autrement, « comme de vrais partenaires et non pas toujours avec un regard paternaliste, avec l’idée toujours de savoir ce qu’il faut pour eux ».
Felix Tshisekedi a également reproché au président français les propos de Jean-Yves Le Drian, son ancien ministre des Affaires étrangères, qui avait qualifié son élection en 2019 de « compromis à l’africaine ».https://d-37596671491203854360.ampproject.net/2302271541000/frame.html
L’attitude du président français contraste pourtant avec la réalité actuelle des relations entre la France et l’Afrique, comme l’explique Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri). « Emmanuel Macron ne se met pas au-dessus de ses homologues africains. Il a compris qu’il n’est pas en position de force », détaille-t-il. Des relations que le président français a tenté d’améliorer au cours de son voyage en Afrique centrale.
La « fin » de la Françafrique
Au Gabon au début de son voyage, Emmanuel Macron a assuré que l’ère de la Françafrique était révolue. Des mots déjà prononcés par ses prédécesseurs, et qui n’apportent pas grand-chose selon le chercheur de l’Ifri. « La Françafrique n’existe plus depuis longtemps. C’est une sorte d’épouvantail que le Président dresse devant lui pour faire croire qu’il est dans la nouveauté, alors qu’il ne fait rien de nouveau », détaille-t-il. Une annonce en trompe-l’œil, d’autant plus que certains observateurs africains restent critiques face à l’attitude d’Emmanuel Macron.
En effet, il a notamment été reproché au président de la République française sa proximité avec le président gabonais Ali Bongo, à quelques mois de l’élection présidentielle au Gabon ; il a également rencontré le prix Nobel de la paix Denis Mukwege en RDC, potentiel candidat pour les présidentielles congolaises à la fin de l’année.
Des critiques plutôt infondées selon Thierry Vircoulon. « Dire que c’est de l’ingérence dans le processus électoral, ça veut dire qu’on ne peut pas aller dans un pays africain six mois ou un an avant les élections pour parler avec un dirigeant : cela finit par rendre les relations un peu compliquées », défend-il. Son implication dans la politique africaine reste néanmoins « pas cohérente avec son discours », affirme le chercheur.
Des négociations économiques surprenantes
Autre volet de son voyage: la volonté de renforcer les liens économiques avec certains pays d’Afrique; ce qui semble discutable au regard des pays priorisés. De passage à Luanda, en Angola, Emmanuel Macron a indiqué sa volonté de voir le pays devenir un partenaire majeur de la France en Afrique. Un choix pour le moins surprenant.
« Le pays fait partie des cinq plus endettés d’Afrique et l’essentiel de sa dette est possédé par la Chine. Je ne vois pas comment l’Angola pourrait payer la France, c’est un mystère économique », s’étonne Thierry Vircoulon. Une incompréhension partagée pour la RDC, un pays « très endetté, qui n’a pas d’argent et qui met ce qu’il a dans son armée qui se bat dans l’est du Congo » selon lui.
Emmanuel Macron ne devrait pas retourner en Afrique prochainement. « Il y a fait beaucoup de visites et a été à peu près dans toutes les régions, notamment en Afrique de l’ouest en 2022. Il n’y a plus tellement de raisons d’y retourner », estime Thierry Vircoulon.
ARTICLE 3
Emmanuel Macron en Afrique : « On est de retour dans une logique de Guerre froide »
Emmanuel Macron se rend dans quatre pays d’Afrique, le Gabon, l’Angola, le Congo et la République démocratique du Congo (RDC), à partir du 1er mars 2023. Chercheur à l’IFRI, Thierry Vircoulon analyse cette visite et les enjeux sur le continent africain.
Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il en Afrique ?
C’est une tradition des présidents français en début de mandat. Ils font généralement un discours qui expose leur stratégie africaine puis un voyage en Afrique. La seule différence cette année est que le discours n’est pas prononcé en Afrique mais à Paris, ce qui est politiquement moins risqué (lire encadré).
Cette visite est-elle motivée par des intérêts économiques ?
Économiquement, la France n’a plus beaucoup d’intérêts en Afrique. La part du continent dans le commerce extérieur français est devenue presque insignifiante. La visite du président français correspond plus à une tentative de maintenir son influence et de ne pas perdre trop de terrain.
Justement, quelle est aujourd’hui l’image de la politique étrangère française en Afrique ?
La politique étrangère de la France en Afrique est extrêmement contestée. Politiquement et militairement, c’est devenu risqué d’aller en Afrique avec le rejet de Barkhane par les opinions publiques africaines qui a exacerbé les ressentiments anti-français.
Quel intérêt pour ces pays d’accueillir Emmanuel Macron ?
Ils ne sont pas dans une posture de rejet du partenariat avec la France. Leur politique est plutôt de dire qu’ils travaillent avec tout le monde, qu’ils diversifient leurs partenariats. Ils veulent continuer de pouvoir bénéficier des diverses aides et investissements que peuvent leur offrir Paris. En plus de ceux des Russes ou encore des Chinois.
Pourquoi constate-t-on un récent regain d’importance de l’Afrique dans les relations internationales ?
On est de retour dans une logique de guerre froide, où le tiers-monde avait déjà joué un rôle important. Les pays africains représentent aussi des voix aux Nations unies et offrent donc une clientèle diplomatico-militaire. Cela fait partie des éléments de puissance et d’influence internationale.
Les pays africains vont donc devoir choisir leur camp ?
Ces pays essaient de jouer la carte du non-alignement, mais la neutralité devient difficile car ils subissent des pressions des deux côtés. Si Sergueï Lavrov ne cesse de multiplier les tournées africaines, c’est qu’il y a une raison. Même chose pour la visite d’Emmanuel Macron. Elle s’inscrit dans la compétition stratégique internationale en cours sur le continent.
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ARTICLE 4
Business, Françafrique… Que faut-il retenir de la tournée africaine d’Emmanuel Macron ?
Publié le : 05/03/2023 – FRANCE 24- Pauline ROUQUETTE
Le président français est rentré à Paris après une tournée de quatre jours en Afrique centrale, qui s’est clôturée samedi en République démocratique du Congo. Auparavant, Emmanuel Macron s’est rendu au Gabon, en Angola et au Congo-Brazzaville. Objectifs : confirmer la rupture avec la Françafrique et renforcer les liens économiques après la montée en puissance de la Turquie et de la Russie. Pari réussi ?
L’objectif affiché était d’illustrer le « partenariat renouvelé » entre la France et le continent africain et mettre en place une nouvelle politique africaine que le président français a résumée, la veille de son départ, en deux mots : coconstruction et humilité.
Son périple, débuté au Gabon, l’aura successivement mené en Angola, au Congo-Brazzaville et en République démocratique du Congo. Un voyage au cours duquel le chef de l’État a œuvré à redorer le blason d’une France en perte de vitesse au profit de puissances comme la Chine, l’Inde, la Turquie et la Russie.
« L’Afrique est un théâtre de compétition. Il faut qu’elle se fasse dans un cadre loyal », a-t-il rappelé samedi à Kinshasa, capitale de la RD Congo où il se rendait pour la toute première fois en tant que président. « Nous avons notre place à jouer, ni plus ni moins. »
Mais quelle place la France est-elle parvenue à se faire lors de ces quatre jours ? France 24 fait le point sur la tournée d’Emmanuel Macron en Afrique centrale.
Passer d’une séquence « France, gendarme » à « France, business »
Alors que le malaise antifrançais gagne du terrain en Afrique, Emmanuel Macron a martelé des messages en réponse aux incompréhensions.
Lors d’un aparté avec la presse à l’institut français de Kinshasa, dernière étape de son voyage, Emmanuel Macron a estimé que la lutte contre ce sentiment hostile à la France ne se ferait « pas en un coup ».
Lundi à l’Élysée, le président avait jeté les bases de sa nouvelle stratégie africaine, annonçant que les bases militaires françaises seraient désormais co-gérées avec les pays où elles se situent.
Au Gabon, ancienne colonie francophone nouvellement entrée dans le Commonwealth, Emmanuel Macron a parlé climat, défense des forêts tropicales et proclamé la fin de la « Françafrique », un mot qu’il évitait jusqu’ici de prononcer.
« Au Gabon comme ailleurs, la France est un interlocuteur neutre qui parle à tout le monde », a-t-il dit à la résidence de France en réponse aux attaques de l’opposition le soupçonnant de venir encourager la réélection du président Ali Bongo.
Le terme de neutralité peut être une réponse aux accusations faites à Emmanuel Macron, par une partie de l’opposition politique et de la société civile gabonaises, de venir « adouber » Ali Bongo alors qu’une nouvelle présidentielle est prévue cette année. Mais pour le reste, rien de vraiment neutre, selon Antoine Glaser, journaliste et écrivain. « Le One Forrest Summit n’a pas du tout été un sommet lancé à l’initiative d’un grande ONG internationale sur l’environnement », rappelle le co-auteur de « Le piège africain de Macron » (Éditions Fayard, Pluriel). « C’est une affaire franco-gabonaise lancée lors de la COP 27 entre Ali Bongo et Emmanuel Macron, c’est donc bien une affaire unilatérale ».
Pour autant, ce sommet a-t-il pu servir de prétexte ? Il a en tout cas pu permettre d’asseoir la volonté d’Emmanuel Macron de « sortir d’une séquence ‘France, gendarme de l’Afrique' », analyse Antoine Glaser, évoquant un président français « qui s’est fait piéger au cours de son premier mandat dans le domaine de la présence militaire française dans le Sahel qui sert de cache-misère à une présence française globalement en déshérence ».
Alors que la France a vu ses parts de marché réduites à 4 % sur l’ensemble du continent africain, tandis que la Chine, elle, est à 18 %, la tournée africaine d’Emmanuel Macron aura été l’occasion de « passer dans une séquence ‘business, environnement, partenariat’, poursuit Antoine Glaser.
C’est aussi pour ne plus laisser la propagande russe (mais aussi les intérêts chinois et turcs) prospérer que la France entendait renouer ses liens politiques, économiques et sécuritaires avec ses partenaires africains. Se rendre en Afrique était pour Emmanuel Macron une sorte de réengagement auprès de ceux qui se sont jusqu’ici sentis abandonnés par la France, qui a permis à l’ours russe et au dragon chinois (entre autres) de s’implanter solidement.
La France « a passé 30 ans en se croyant chez elle en Afrique pendant la période post-coloniale, puis s’est endormie dans les années 1990 au point de ne pas voir l’Afrique se mondialiser », explique Antoine Glaser. « Même les propres partenaires européens de la France l’ont laissée faire le gendarme, pendant qu’eux faisaient le business ».
C’est sur ce volet business qu’Emmanuel Macron a axé sa visite en Angola, pays lusophone de 34 millions d’habitants. L’agenda était principalement économique avec, notamment, le lancement d’un partenariat franco-angolais en matière d’agriculture et d’agro-alimentaire.
Rien d’anodin à ce que le président français soit passé par Luanda, selon Antoine Glaser, qui rappelle que l’Angola est avant tout « le jardin extraordinaire de Total ».
« Dans le sillage de cette importante présence pétrolière de Total, l’idée de Macron était de pouvoir engager les entreprises françaises », poursuit le spécialiste, qui ajoute que la France est le premier partenaire de l’Angola en matière d’aide au développement.
La fin de la Françafrique, ça « ne se décrète pas »
À Kinshasa, Félix Tshisekedi encourageait le président français sur la voie d’une nouvelle ère. « J’estime que la Françafrique est dépassée », a dit le dirigeant dont le pays fut autrefois sous administration belge.
La fin de la Françafrique, ça « ne se décrète pas, ça se matérialise dans des actes probants », estime Jean-Claude Felix-Tchicaya, chercheur à l’IPSE (Institut Prospective et Sécurité de L’Europe), qui rappelle qu’avant Emmanuel Macron, la fin de la Françafrique avait déjà été annoncée par François Hollande, Nicolas Sarkozy, ou encore Jacques Chirac.
« L’Afrique est habituée depuis des décennies à entendre la fin de la Françafrique, mais par des actes contraires aux intérêts de l’Afrique, tout va pour l’intérêt de la France et percute les droits fondamentaux de tous ceux qui habitent en Afrique, d’Alger jusqu’au Cap. »
Par ailleurs, selon Jean-Claude Felix-Tchicaya, le discours d’Emmanuel Macron se heurte au lieu géographique où il est prononcé : un pays d’Afrique centrale, « où la majorité des présidents additionnent les mandats et les décennies » au pouvoir, précise-t-il, les qualifiant de régimes à succession dynastique.
Mais comment faire pour montrer que la politique française a changé si les dirigeants eux-mêmes ne changent pas ? « En arrêtant de les soutenir », répond le spécialiste, évoquant notamment le lien entre la France et le Tchad. « C’est le point d’orgue qui montre que la Françafrique n’est pas terminée », estime-t-il.
Pour Antoine Glaser, dans tous les cas, « la Françafrique, qui a perduré des années 1960 jusqu’à la chute du mur de Berlin, n’existe plus. Le spécialiste relate alors un système ancien, politique, militaire et financier avec des présidents francophones et francophiles, tels Félix Houphouët-Boigny (Côte-d’Ivoire), Léopold Sédar-Senghor (Sénégal), ou encore Jean-Bedel Bokassa (Centrafrique).
L’enjeu principal de cette tournée présidentielle visait au final à « répondre à la vague de sentiment antifrançais au Sahel », selon Pauline Bax, spécialiste de l’Afrique à l’International Crisis Group. La chercheuse a noté un certain « changement de ton » des autorités françaises à cet égard. « Que cela plaise ou non, l’Afrique va rester importante pour la France », ajoute t-elle dans un entretien à Reuters. « Elle ne va pas se retirer de ce continent ».
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