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S’attaquer au complotisme sans – en même temps – se soumettre à l’éthique du parler vrai.

COMPLOTISME ET PROPAGANDE, COUSINS EN DEMOCRATIE DEFAILLANTE ?

Inquiet de constater la montée du conspirationnisme et son corollaire : la perte de rationalité, le président lance une commission chargée de lutter contre ces menaces. C’est ce que développe l’article que nous vous proposons, sans revenir ici sur l’actuelle polémique relative à la composition de la commission désignée.

Metahodos a régulièrement parlé du rapport à la vérité du débat public.

Transparence, loyauté et sincérité sont attendues – en démocratie véritable – de la part des dirigeants : les manquements sont très nombreux et s’accompagnent d’un manque de considération pour les parties prenantes.

La pratique des éléments de langage qui suffisent souvent à la presse, les propos de « proches », « l’Elysée déclare », le recueil de confidences…les idées testées auprès des journalistes ( exemple tout récent d’un concept nouveau de radicalité du macronisme diffusé dans plusieurs articles ) sont autant de pratiques qui semblent désormais généralisées et qui sont à l’envers d’une information véritable.

Modération, respect des faits et des réalités sont attendus de tous, y compris des citoyens : là aussi les manquements sont nombreux et il faut entreprendre une action globale.

Toutefois, le complotisme et la propagande ne sont ils pas cousins ?

S’attaquer au complotisme sous toutes ses formes est nécessaire. Faire la part entre complotisme et dénonciations des contre vérités ou approximations des dirigeants l’est tout autant.

La confusion entre opposition légitime ou contestation ( liberté d’opinion ) et diffusion volontaire de contre vérités serait fort dommageable en cela que le débat, voire la controverse, fonde la démocratie.

ARTICLE

Pourquoi et comment Emmanuel Macron a décidé de s’attaquer au complotisme

Par Laureline Dupont, publié le 

Il suffit de se connecter à n’importe quel réseau social pour le constater et frémir : un vent d’irrationalité souffle sur notre époque. En quelques semaines, la crise sanitaire – et avant elle les attentats, mais nous avons voulu l’oublier – a fait émerger une multitude de théories qu’on jugerait gentiment baroques si elles n’étaient pas franchement nocives pour le débat public et le si suranné « vivre-ensemble ». Les antennes-relais 5G propagatrices de l’épidémie de Covid-19, les vaccins rendant stériles ou porteurs d’une puce permettant à Bill Gates de contrôler nos cerveaux… les années 2020-2021 et l’angoisse pour notre santé qui les a enveloppées ont été propices au développement de ces théories du complot heurtant de plein fouet le champ scientifique. A une étude universitaire, certains opposent désormais une vidéo Youtube tournée par un non-spécialiste dont la seule légitimité est d’avoir une opinion sur le sujet. 

En décembre 2020, Emmanuel Macron exprimait, dans L’Express, son inquiétude devant ce phénomène. « Le problème clef pour moi, c’est l’écrasement des hiérarchies induit par la société du commentaire permanent : le sentiment que tout se vaut, que toutes les paroles sont égales, celle de quelqu’un qui n’est pas spécialiste mais a un avis sur le virus vaut la voix d’un scientifique, alertait le président. C’est ce poison qui nous menace. […] Voici le cercle vicieux : un nivellement, qui crée du scepticisme, engendre de l’obscurantisme et qui, au contraire du doute cartésien fondement de la construction rationnelle et de la vérité, conduit au complotisme. Ce n’est plus « je doute donc je suis ». C’est je doute donc je me raccroche à une narration collective qui, même si elle est fausse, infondée, a le mérite de sembler robuste. »  

La montée durant l’été d’un discours antivax menaçant la santé collective, la présence dans des manifestations anti passe sanitaire de participants arborant l’étoile jaune, les enquêtes montrant les unes après les autres la défiance grandissante envers la parole médiatique (la dernière en date publiée par l’Ifop au mois de juin révèle que 67 % des Français doutent de la véracité des informations qu’ils reçoivent de la part d’un média reconnu) sont autant de raisons qui ont convaincu Emmanuel Macron qu’il était grand temps d’agir. « Tout cela le percute en tant que chef d’Etat, observe un conseiller élyséen. Parce que ça menace l’unité de la nation : quand il n’y a plus d’espace commun, ça devient compliqué de débattre et ça menace même les institutions. » 

Pour reconstruire un champ démocratique apaisé dans lequel chaque citoyen se sent à sa place, pour permettre qu’on s’oppose et se dispute fait contre fait et non fait contre fake news, le président, entouré de plusieurs ministres dont Jean-Michel Blanquer et Cédric O, a donc décidé de lancer mercredi 29 septembre à l’Elysée la « commission Bronner », du nom du sociologue auteur du récent et remarquable « Apocalypse cognitive » (PUF), comme l’a écrit Le JDD. En clair, il s’agira d’une « commission pour mesurer les dangers du numérique sur la cohésion nationale et nos institutions afin de mieux y faire face », résume un de ceux qui a travaillé à sa mise en oeuvre.  

Aux côtés de Gérald Bronner, se tiendra une douzaine de personnalités parmi lesquelles Rudy Reichstadt, directeur de l’observatoire du complotisme Conspiracy watch et auteur de « L’Opium des imbéciles » (Grasset), ou encore Rachel Khan, essayiste et auteur de « Racée » (Editions de l’Observatoire), tous deux bien connus des lecteurs de L’Express. Des enseignants, des historiens, un représentant du monde médical complètent cette commission qui se veut indépendante et assez classique dans sa forme.

Trois mois, c’est à peu près le temps dont disposera ce petit groupe pour répondre aux questions suivantes (liste non exhaustive) : comment rendre attractifs les discours raisonnables ? Comment susciter un débat sur les façons de s’informer ? Comment empêcher la quête de biais de confirmation ? 

Dans son dernier ouvrage, Gérald Bronner explique en partie l’épidémie nouvelle d’irrationalité par le temps de cerveau disponible pour Internet et les réseaux sociaux. Selon lui, un « marché cognitif dérégulé » est apparu, comprenez : un espace public sur vos écrans où plus aucune autorité médiatique, scientifique ne filtre pour vous les informations véritables. Un « twittos » peut, en 140 signes, propager une rumeur et la présenter comme une vérité sans être contredit tandis qu’en face certains verront dans son tweet la preuve qu’ils cherchaient. Ce fonctionnement serait le résultat du « théorème de la crédulité informationnelle » que Bronner développait dans un précédent livre, « La Démocratie des crédules » (PUF). En choisissant de retenir les « informations » qui vont dans le sens de leurs idées, les individus s’enferment peu à peu dans des bulles dont il est difficile de les extraire. 

Gageons qu’avant même de plancher sur ces sujets essentiels, la commission Bronner devra trouver une façon de répondre à ceux qui ne manqueront pas de critiquer la politisation d’un tel débat. Mais d’autres, heureusement, se réjouiront qu’on se demande enfin comment empêcher demain qu’un citoyen refuse un vaccin parce « qu’il a lu sur Internet » tout et surtout n’importe quoi.

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