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QUAND LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL NE RESPECTE PAS L’ÉTAT DE DROIT (1/4)

« RÉGIME INDEMNITAIRE DES MEMBRES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL : LE GOUVERNEMENT REFUSE LA TRANSPARENCE »

Titrait il y a quelques mois Jus POLITICUM qui poursuivait ( PAR ELINA LEMAIRE ) :

« Interrogé par un député au sujet du régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel (qui soulève de nombreuses questions juridiques), le gouvernement refuse de faire la lumière sur le montant d’une indemnité complémentaire incompétemment créée au profit des membres de l’institution en 2001 par la secrétaire d’Etat au budget.

« Plus encore, la réponse dilatoire du Premier ministre entretient l’opacité du régime juridique de l’indemnité des membres du Conseil qui, depuis 1960, semble se situer en marge de la légalité.

« Par une question écrite n°15011 publiée au Journal Officiel le 11 décembre 2018, M. Régis Juanico, député du groupe « Socialistes et apparentés », a interrogé le Ministre de l’économie et des finances sur le régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel.

« Cette question faisait suite aux résultats d’une étude publiée dans Jus Politicum, qui pointait tant l’opacité que les difficultés juridiques entourant ce régime indemnitaire. L’apport de cette étude (que l’on trouvera ici) peut être brièvement résumé en deux points :

         1) de 1960 à 2001, les membres du Conseil constitutionnel ont bénéficié d’une exonération d’impôt juridiquement injustifiée : seule la moitié de leur indemnité était soumise à l’impôt sur le revenu. Ce régime fiscal spécifique était fondé sur une décision non publiée du 11 janvier 1960, émanant du secrétaire d’État aux finances (à l’époque, M. Valéry Giscard d’Estaing). Mais cette décision ne pouvait fonder juridiquement que la seule exonération d’impôt des membres alors en exercice. Autrement dit, aucun des membres nommés après le 11 janvier 1960 n’aurait dû en bénéficier.

2) après une décennie de contestations (ponctuelles) de ce régime fiscal spécifique, le président du Conseil constitutionnel, Yves Guéna, décidait de demander l’abrogation de la décision du 11 janvier 1960, et donc de ce régime fiscal spécifique. Cette abrogation lui fut accordée par une lettre (non publiée) du 16 mars 2001 de la secrétaire d’État au budget, actuelle ministre des armées (Mme Florence Parly). Autrement dit, depuis 2001, l’indemnité des membres du Conseil constitutionnel est entièrement soumise à l’impôt sur le revenu. Toutefois, les membres du Conseil ont obtenu, par cette même lettre du 16 mars 2001, que leur indemnité soit « complétée » à compter du 1erjanvier 2001. Or, la secrétaire d’État au budget n’est pas compétente pour fixer l’indemnité des membres du Conseil constitutionnel, qui relève de la compétence du seul législateur organique. Autrement dit, une telle « indemnité complémentaire » est illégale car créée par une autorité incompétente. »

…/…

VOIR LES PUBLICATIONS DE METAHODOS RELATIVES À L’ÉTAT DE DROIT ET AUX LIBERTÉS :

LE CONSEIL D’ÉTAT ET LES LIBERTÉS FONDAMENTALES ( CONSEIL CONSTITUTIONNEL – LIBERTÉS PUBLIQUES – DÉMOCRATIE DÉFAILLANTE ) https://metahodos.fr/2022/11/12/le-conseil-detat-publie-sa-propre-liste-des-libertes-fondamentales-reconnues-par-le-juge-des-referes-libertes-depuis-2001/

ARTICLE

QUAND LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL NE RESPECTE PAS LA CONSTITUTION – PARTIE 1

écrit par Thierry Benne 27 septembre 2020 IREF

Depuis des décennies, il a été octroyé aux membres du Conseil constitutionnel des rémunérations et avantages indus pour environ 26 millions en euros courants, soit beaucoup plus encore en euros d’aujourd’hui.

L’IREF a relevé notamment :

• que du 1er janvier 1960 au 31 décembre 2000, les membres du Conseil constitutionnel avaient soustrait irrégulièrement une partie de leurs rémunérations à l’impôt sur le revenu pour un montant total estimé à quelque 6 millions d’euros courants. 

• que sur la période courue du 1er janvier 2001 au 30 juin 2020 les membres du Conseil constitutionnel ont perçu des indemnités de fonction irrégulières pour un montant évalué à quelque 16 millions d’euros courants, et 20 millions d’euros courants si l’on y ajoute les charges patronales. 

Ces sommes ont été décidées et versées en catimini, sans respect des formes et procédures constitutionnelles prévues au titre de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel. Nous ne pouvons pas imaginer, bien sûr, que ces magistrats aient pu être ainsi achetés. Mais il est pour le moins troublant que ceux qui doivent veiller au respect de la Constitution soient ainsi les premiers à frauder les règles constitutionnelles. Sommes-nous encore dans un état de droit ?

« Les vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves dans la mer » (La Rochefoucauld)

Avertissement important:
La présente étude dénonce les tares d’un système dévoyé, en le confrontant à ses propres chiffres.

On trouvera dans l’étude qui suit et les avertissements qu’elle comporte les conditions dans lesquelles tous ces chiffres ont été obtenus et le détail des calculs effectués, de manière à permettre à tout lecteur de bonne foi de juger par lui-même de la démarche retenue et même, le cas échéant et en cas d’erreur avérée, de la corriger en toute transparence. Notre but n’est pas en effet de polémiquer, mais de replacer clairement l’affaire dans tout son contexte. On s’aperçoit alors que, volens nolens, le Conseil constitutionnel s’est laissé enfermer depuis longtemps et pour des montants non négligeables dans une contradiction flagrante avec une Constitution dont il est normalement le gardien attitré et que cette situation sans précédent soulève un certain nombre de questions graves sur notre prétendu état de droit.

I – INTRODUCTION: QUELQUES RAPPELS INDISPENSABLES

La mission du Conseil Constitutionnel, qui siège à Paris, 2, rue de Montpensier, est connue. Il est d’abord chargé du contentieux électoral, ainsi que de la validation des élections nationales (président de la République, députés, sénateurs) et des résultats des référendums. Mais son rôle de loin le plus important est de veiller au strict respect de la Constitution, en exerçant son contrôle sur l’ensemble des lois, sur certains règlements et sur les traités qui lui sont soumis avant leur promulgation ou leur ratification, soit d’office s’il s’agit de lois organiques, soit sur demande du président de la République ou de parlementaires (60 députés ou 60 sénateurs au moins) s’il s’agit d’autres textes. Il peut également être amené à intervenir sur tout contentieux où l’une des parties invoque une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le Conseil se compose de neuf membres « nommés » à parité pour un seul mandat de neuf ans et renouvelables par tiers par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée Nationale, le choix du président du Conseil parmi ces membres revenant au président de la République. Les anciens présidents de la République siègent, tant qu’ils le souhaitent, en qualité de membres de droit. La rémunération de l’ensemble des membres siégeant au Conseil, inclus le président, est réglée conformément à l’article 63 de la Constitution par l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 énoncé dans l’encadré ci-après (cf. texte 2)

II – LE SOCLE TEXTUEL DE RÉFÉRENCE

Le problème vient de ce que les rémunérations perçues effectivement depuis six décennies par tous ses membres (dont le président du Conseil) ne correspondent pas vraiment à celles prévues par l’ordonnance susvisée. Pour être clair, il nous faudra distinguer au titre des 60 dernières années deux périodes distinctes – l’une de 41 ans du 1er janvier 1960 au 31 décembre 2000 (cf. III et Annexe 1), l’autre de presque 20 ans du 1er janvier 2001 au 30 juin 2020 (cf. IV et Annexe 2), date à laquelle nous avons décidé de borner nos recherches. En effet, pour chacune de ces deux périodes et en éludant systématiquement la loi organique exigée par l’article 63 de la Constitution (cf. texte 1 ci-dessous), l’Exécutif privilégia des moyens différents pour assurer aux membres du Conseil et à leurs présidents des avantages individuels substantiels par rapport au texte de l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 et qu’il faut absolument citer au seuil de cette étude:

TEXTE 1: ARTICLE 63 DE LA CONSTITUTION
Une loi organique détermine les règles d’organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel, la procédure qui est suivie devant lui et notamment les délais ouverts pour le saisir de contestations.

TEXTE 2: ARTICLE 6 DE L’ORDONNANCE DU 7 NOVEMBRE 1958:
Le président et les membres du conseil constitutionnel reçoivent respectivement une indemnité
égale aux traitements afférents aux deux catégories supérieures des emplois de l’État classés hors échelle

Précisons que les deux catégories supérieures « hors échelle » visées ouvrent sur les lettres F et G de la grille des traitements de la fonction publique d’État:
– la lettre F pour les membres correspond au traitement indiciaire d’un président de section au Conseil d’État,
– la lettre G pour le président correspond au traitement indiciaire du vice-président du Conseil d’État.
En outre, il est important d’insister dès à présent sur le fait que l’ordonnance précise bien que l’indemnité est « égale » aux traitements précités. L’indemnité en cause ne se confond donc pas avec la rémunération des emplois considérés, qui ajoute au traitement indiciaire de base des primes, des indemnités et d’autres accessoires, dont certains d’ordre personnel ou familial. Elle n’est pas non plus, contrairement à ce que prétend une réponse ministérielle, fixée « par analogie » avec lesdits traitements et bien qu’assise sur un traitement indiciaire, elle n’ouvre pourtant pas droit à retraite. Les références étant ainsi posées, il reste à voir comment l’Exécutif s’y est pris pour les contourner sur les deux périodes précitées, afin de réserver à chacun des membres du Conseil constitutionnel des « avantages » substantiels qui, sur les six décennies où ils se sont poursuivis, n’ont cessé de faire débat et d’interpeller les juristes les plus éminents. Car, tout au long de l’étude, le lecteur ne devra jamais perdre de vue qu’à ce jour les seules dispositions actuellement et légalement applicables sans contestation possible sont celles qui figurent dans l’encadré ci-dessus consacré aux textes 1 et 2. Le lecteur devra aussi constamment se rappeler que les avantages précités ont été accordés en court-circuitant sciemment le Parlement: non seulement, ils ne reposent sur aucune loi organique, mais ils sont tout simplement « hors la loi ». Ce qui n’est évidemment pas sans conséquences.

III – LA PÉRIODE 1960-2000: 41 ANNÉES D’ABATTEMENT FISCAL À 50%

A – La décision ministérielle de 1960 et ses suites
Elle remonte précisément au 11 janvier 1960. Elle n’est ni datée, ni publiée et elle indique sous l’autorité de M. Valéry Giscard d’Estaing, alors secrétaire d’État aux Finances, que: 

TEXTE 3: EXTRAIT DE LA DÉCISION MINISTÉRIELLE DU 11 JANVIER 1960
le Premier ministre de l’époque (NDLR: Michel Debré en personne)  » a donné son accord à ce que la fraction de l’indemnité perçue par les membres du Conseil constitutionnel qui est regardée comme représentative de frais puisse être portée de 30 à 50%. Les Services de la comptabilité du Conseil constitutionnel ne devront, en conséquence, mentionner dans la déclaration des traitement et salaires adressée au Service local des Contributions directes qu’une somme égale à la moitié de l’indemnité allouée à chaque bénéficiaire » 

Une première difficulté tient à la référence au taux antérieur de 30%, censé exonérer la partie de l’indemnité considérée comme représentative de frais, alors que le taux forfaitaire d’abattement de droit commun était de 10% du salaire net déclaré. En effet, il existe bien dans la loi fiscale une déduction forfaitaire spécifique de 30% (et d’ailleurs annuellement plafonnée) réservée à certaines professions désignées (représentants, personnel navigant etc.) dont les frais professionnels ordinaires excédent notablement la référence commune de 10%. Mais on ne trouve apparemment pas dans les textes de mention visant les membres du Conseil constitutionnel et l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 est muet sur ce point. Pour cette raison, nous nous focaliserons exclusivement sur le seul abattement dérogatoire de 50%, dont l’existence est suffisamment attestée par la décision rapportée ci-dessus, mais sans nous soucier du circuit ultérieur d’imposition applicable (réduction d’impôt, quotient familial, barème d’imposition etc.). C’est d’ailleurs l’ampleur relative de l’écart résultant entre l’abattement de droit commun de 10% reconnu par la loi fiscale et celui « dérogatoire » de 50% accordé subrepticement par l’Exécutif pour des échelles-lettres qui ne portent pas expressément ce privilège, qui incita plusieurs universitaires fiscalistes à s’intéresser de plus près au fondement exact de ce passe-droit.

B – Les alertes
L’étude remarquable en tous points (publiée dans le N° 20 de « Jus Politicum ») de Madame Élina Lemaire, maître de conférence, pour l’Observatoire de l’éthique publique présidé par l’ancien député René Dosière, nous apprend que la doctrine fiscale a commencé à se diviser sur cet abattement forfaitaire de 50%, alors bien évidemment qu’aucun membre du Conseil n’était en mesure de justifier un tel niveau de frais professionnels. Le premier à porter le fer fut le professeur Jean-Jacques Dupeyroux qui, à l’automne 1990, dénonça vivement l’entorse faite à la loi. À l’été 1994, un député socialiste, M. Brune Bourg-Broc, interpelle le ministre du Budget – en l’occurrence Nicolas Sarkozy – sur la base législative exacte de l’abattement. Le ministre se borna, sans convaincre, à invoquer l’existence d »une doctrine administrative fiscale ». Nullement découragé, le professeur Dupeyroux revint à la charge dans un nouveau mémoire en 1998. Il reçut peu après l’appui du professeur Maurice Cozian, très critique lui aussi sur la légalité de cet avantage. C’est ensuite que le président du Conseil constitutionnel, sentant la situation lui échapper, se rapprocha de l’Exécutif pour tenter de substituer rapidement un nouveau texte à l’ancien tant décrié.

C – La discussion fiscale
À propos de ce super-abattement forfaitaire, les fiscalistes les plus durs réfutent catégoriquement l’existence d’une doctrine fiscale en faisant valoir que celle-ci ne peut légalement ni ajouter, ni retrancher à la loi constitutionnelle, au demeurant parfaitement claire, ni encore moins la contredire frontalement. Plus souples, d’autres spécialistes sont prêts à admettre l’existence d’une telle doctrine, mais en en restreignant immédiatement la portée aux seuls juges constitutionnels en fonction en 1960, à l’exclusion de tous leurs successeurs. Les derniers arguent que l’existence d’une telle doctrine fiscale implique sa publication, alors que la décision ministérielle n’a jamais été publiée. Bref, on ne trouve pas vraiment parmi la plupart des fiscalistes de plume indépendante pour voler au secours du Conseil constitutionnel. Enfin, quel que soit le débat fiscal, il doit s’effacer en vertu du principe de la hiérarchie des règles de droit devant l’exigence constitutionnelle d’une loi organique qui, elle, assurément n’a pas été satisfaite. D’ailleurs, conscient du danger et face à l’accusation de « République bananière » lancée crûment par le professeur Dupeyroux, le Conseil réunit ses membres le 2 octobre 1990 et au-delà d’un certain agacement, la teneur des échanges laisse paraître sans aucun doute possible que, dès cet instant, les « Sages » sont parfaitement au courant du problème et de la difficulté de maintenir leur avantage (« on ne peut contester la matérialité des faits » s’exclame Monsieur Faure – cf. procès-verbal de la délibération du Conseil Constitutionnel en date de 2 octobre 1990), même s’ils hésitent sur la conduite à adopter vis-à-vis de l’opinion, avant de convenir que le silence était probablement la meilleure solution.

D – L’évaluation
Entendons-nous, n’ayant pas accès aux bulletins de paye que le Conseil n’a communiqués à l’Observatoire précité que fort tardivement, contraint et forcé et sous la menace d’une condamnation en Tribunal Administratif, il n’est nullement question pour un chercheur isolé de procéder à une reconstitution comptable au franc ou à l’euro près des sommes en cause. Par contre, sous prétexte de complexité ou de difficulté, on ne peut renoncer à tenter d’évaluer même approximativement les dérives constatées, car cette information intéresse nécessairement le citoyen qui les a … financées bien malgré lui. Il s’agit donc simplement de rechercher à partir des seules données publiées disponibles, l’ordre de grandeur en euros des avantages attribués à chaque magistrat, y compris au président, puis d’estimer sur les mêmes bases et pour le Conseil tout entier le cumul des moins values-brutes de base imposable pour le Trésor sur les 41 années qui séparent la date d’effet de la décision ministérielle du 11 janvier 1960 de son abrogation début 2001. Comme le détail des calculs est fourni à chaque étape, il ne sera pas difficile de les corriger en cas d’erreur ou d’omission et mieux encore, s’il le souhaite, il sera toujours possible au Conseil constitutionnel de présenter le détail dûment justifié et documenté de ses propres calculs attestant que le préjudice subi par l’État est infiniment moindre, voire même inexistant.

UN EXEMPLE PARMI D’AUTRES…
Signalons toutefois l’immense difficulté pour un œil étranger de pénétrer les arcanes des rémunérations des membres du Conseil constitutionnel. Ainsi on aurait pu croire qu’avant la missive de Mme Parly (cf ci-après), les rémunérations des membres du Conseil, qui bénéficiaient déjà d’un super-abattement fiscal de 50%, étaient exactement calées sur l’échelle-lettre F correspondant à la règle constitutionnelle. Pourtant Madame Elina Lemaire de l’Observatoire d’éthique publique signale avoir consulté pour novembre et décembre 2000 des feuilles de paye mentionnant un brut mensuel de € 6 968, ce qui correspond à un total annuel de € 83 616. Or ce total excède déjà notablement le montant… 2017 de cette lettre F, soit € 76 744, tel que fixé par le décret n° 2017-85 du 26 janvier 2017, pourtant postérieur de quelque 16 ans à la décision ministérielle. On est ainsi fondé à se demander si, bien avant la missive de Madame Parly du 16 mars 2001, les rémunérations du Conseil n’avaient pas commencé à prendre le large vis-à-vis des échelles-lettres qui leur étaient constitutionnellement assignées. 

L’annexe 1 fournit le détail des calculs permettant d’approcher l’excès d’abattement consenti par le Trésor et qui correspond aux gains des magistrats concernés en base d’imposition (et non en impôt) à raison de cette « défiscalisation » hautement contestée. Selon
-qu’on s’en tient à un calcul extrapolant après conversion des francs en euros, mais sans correction monétaire, les chiffres de décembre 2000,
– ou au contraire qu’on entreprend de les confronter à l’inflation pour afficher des euros en contre-valeur des francs courants du 1er janvier 1960 jusqu’au 31 décembre 2000,
les sommes en cause avoisinent les 12 millions d’euros sans correction monétaire et plus de 6 millions d’euros avec cette « rétro-correction » tenant rétroactivement compte du jeu de l’inflation sur plus de 40 années (cf. annexe 1). Quel que soit le point de vue adopté, pour être indicatifs, les chiffres sont consistants et correspondent à l’octroi d’avantages que la loi n’autorisait absolument pas.

E – L’abrogation
Dès la réunion d’octobre 1990, le Conseil avait rassemblé assez d’éléments pour se convaincre du caractère juridiquement scabreux de l’abattement dérogatoire qui lui avait été consenti trente ans plus tôt. On reste donc stupéfait qu’il ait fallu attendre encore une dizaine d’années pour que son président Yves Guéna, obtienne la régularisation d’une situation particulièrement « inélégante », de l’aveu même d’un des membres. Malheureusement et on va le voir rapidement, le remède s’avéra bien pire que le mal, au grand dam du Trésor et par conséquent du contribuable. Quoi qu’il en soit, le 16 mars 2001, Mme Florence Parly, alors secrétaire d’État au Budget dans le Gouvernement Jospin, faisait savoir par une lettre non publiée adressée au président du Conseil constitutionnel, qu »à sa demande, la décision ministérielle du 11 janvier 1960 relative aux indemnités des membres du Conseil constitutionnel était abrogée (ce qui confirme bien qu’entretemps aucune loi organique ne l’avait reprise) et que cette abrogation et la suppression de l’abattement forfaitaire de 50% pour les frais professionnels qui en résulte s’appliqueront aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2001″. On aurait pu croire alors le problème définitivement réglé, on avait tort: l’avenir montrera qu’en réalité l’imagination de Bercy pour complaire au Conseil était quasiment sans limite.

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