
LES TROIS PUBLICATIONS PRÉCÉDENTES DE METAHODOS
TRIBUNE : « LE Cl. CONSTITUTIONNEL VA T IL OSER NE PAS CENSURER … ? ». https://metahodos.fr/2023/03/28/56668/
Dominique Rousseau, constitutionnaliste : « Il semble difficile que le Conseil constitutionnel ne censure pas la loi sur la réforme des retraites » https://metahodos.fr/2023/03/26/dominique-rousseau-constitutionnaliste-il-semble-difficile-que-le-conseil-constitutionnel-ne-censure-pas-la-loi-sur-la-reforme-des-retraites/
UNE POSSIBLE CENSURE PAR LE Cl.CONSTITUTIONNEL DU TEXTE SUR LES RETRAITES : LE DROIT PEUT IL ENCORE PRIMER SUR LE POLITIQUE ? https://metahodos.fr/2023/03/25/une-possible-censure-par-le-cl-constitutionnel-du-texte-sur-les-retraites-le-droit-primera-t-il-sur-le-politique/
«Le Conseil constitutionnel est une soupape de sécurité»
TITRE LE FIGARO Emmanuel Galiero 27 mars 2023. SUI POURSUIT :
« Le constitutionnaliste Dominique Chagnollaud rappelle que les Sages, qui doivent se prononcer sur la réforme des retraites, tiennent compte du climat politique et social. Dominique Chagnollaud est le président du Cercle des constitutionnalistes.
« Quel est le poids du contexte social et politique sur les décisions du Conseil constitutionnel ?
« Le Conseil constitutionnel est l’un des rares juges constitutionnels à pouvoir être saisi a priori, c’est-à-dire avant la promulgation de la loi, ce qui focalise encore plus l’attention sur son rôle. Il est le seul en Europe où aucun débat contradictoire en séance publique n’a lieu devant lui dans ce cadre.
« Il rend sa décision dans un climat particulier, parfois très tendu, comme le rappellent simplement les nationalisations de 1982. Le Conseil apparaît alors, à tort ou à raison, comme un recours ultime pour les oppositions. Voire comme une sorte de soupape de sécurité démocratique très singulière mais fort utile. Certes, la censure d’un texte est une victoire pour les opposants mais parfois elle peut être un soulagement pour l’exécutif. »
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ARTICLE
La « pause » dans la réforme des retraites pourrait venir du Conseil constitutionnel
Patrick Roger LE MONDE 28 mars 2023
La possible validation d’une procédure de référendum d’initiative partagée sur l’âge de départ à la retraite pourrait offrir le temps de suspension réclamé par le leader de la CFDT, qui permettrait de renouer le dialogue et de dissiper la crise sociale.
Et si la voie de sortie de la crise sociale et politique majeure engendrée par la réforme des retraites et les conditions de son adoption reposait, au moins en partie, entre les mains des neuf juges du Conseil constitutionnel ?
Après que le gouvernement a engagé l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter à l’Assemblée nationale le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS) portant l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, et que les deux motions de censure déposées, l’une par les députés du Rassemblement national et l’autre par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, appuyé par la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), ont été rejetées, le texte est à présent confronté à l’examen des juges constitutionnels. Et suspendu à leur décision.
Ces derniers jours ont été marqués par un regain de mobilisation des opposants à cette réforme. L’espoir de remettre le gouvernement et les partenaires sociaux autour d’une table de négociation dans l’immédiat semble faible. Une situation qui accroît les risques de dérapage. Aussi l’étape du passage devant le Conseil constitutionnel pourrait-elle être déterminante. Celui-ci a été saisi, le 21 mars, par Elisabeth Borne, par les députés du Rassemblement national, par les députés de la Nupes et par les sénateurs de gauche. Il dispose d’un mois pour rendre sa décision, la première ministre n’ayant pas usé de sa prérogative de lui demander de statuer en urgence, tout en souhaitant que le Conseil se prononce « dans les meilleurs délais ».
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La disposition la plus contestée
Parallèlement, dès le 20 mars, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une proposition de loi, en application de l’article 11 de la Constitution, « visant à affirmer que l’âge légal de départ la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans », afin d’empêcher la mise en œuvre de la disposition la plus contestée de la réforme. Ce faisant, ses auteurs entendent mettre en œuvre la procédure dite « de référendum d’initiative partagée » (RIP) ouverte par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et formalisée par les lois organique et ordinaire du 6 décembre 2013.
Quelles en sont les conditions ? Tout d’abord, la question susceptible d’être soumise à référendum doit porter « sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation… » D’évidence, le sujet des retraites entre dans ce cadre. L’initiative doit prendre la forme d’une proposition de loi présentée par un cinquième au moins des membres du Parlement (577 députés et 348 sénateurs, 925 au total), soit 185. Condition remplie puisque celle-ci a été signée par 252 députés et sénateurs, au-delà même des groupes de gauche de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Elle doit enfin ne pas avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. C’est là que l’affaire se corse. En effet, le Conseil constitutionnel va devoir se prononcer simultanément, dans le même délai d’un mois, sur le PLFRSS portant réforme des retraites et sur la proposition de loi qui empêcherait, de fait, son application si la question soumise à référendum recevait une majorité de oui. Il s’agit donc de savoir si une décision du Conseil constitutionnel validant la réforme des retraites, et autorisant dès lors sa promulgation, empêcherait la proposition de loi de prospérer.
Un dixième des électeurs inscrits
Or, sur ce point, que nous dit la jurisprudence du Conseil lorsqu’il avait été pareillement saisi d’une proposition de loi visant à empêcher la privatisation d’Aéroports de Paris envisagée par la loi Pacte (pour Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) adoptée quelques jours plus tôt par le Parlement ? Bien que, dans sa décision du 16 mai 2019, le Conseil constitutionnel n’ait pas jugé cette privatisation contraire à la Constitution, il avait néanmoins jugé recevable la proposition de loi engageant une procédure de référendum, considérant que, « à la date de l’enregistrement de la saisine », elle n’avait pas pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.
Jurisprudence qui, en toute logique, devrait également prévaloir dans le cas présent. Ainsi, quelle que soit la décision des juges constitutionnels sur la réforme des retraites, s’ouvrirait alors une période de recueil des soutiens à la proposition de loi, d’une durée de neuf mois. Quand bien même la loi portant réforme des retraites serait promulguée, sa mise en œuvre avant la fin de cette période apparaît pour le moins compromise.
Cette procédure de recueil des signatures doit être organisée par le ministère de l’intérieur, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Pour qu’elle aboutisse à l’examen de la proposition de loi par les deux Assemblées, il faut que la proposition de loi soit soutenue par au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit environ 4,9 millions de personnes. Le texte s’opposant à la privatisation d’Aéroports de Paris avait recueilli un peu moins de 1,1 million de signatures et la procédure de référendum n’avait pas abouti. Néanmoins, le gouvernement avait entre-temps renoncé à cette privatisation.
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Sans préjuger de ce que seront les décisions du Conseil constitutionnel, la validation de la procédure de RIP ouvrirait un temps permettant de « mettre en pause », selon le souhait du secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, la réforme des retraites, et d’apaiser une situation qui risque de devenir incontrôlable. Il serait alors de la responsabilité du chef de l’Etat de mettre ce temps à profit pour renouer le dialogue avec les partenaires sociaux, ouvrir de nouveaux chantiers et, peut-être, dans ce cadre, rouvrir le dossier des retraites. Ce serait, là, un vrai « changement de méthode ».