Aller au contenu principal

RÉFORME DE LA POLICE JUDICIAIRE – FRONDE GÉNÉRALE ET PASSAGE EN FORCE

« C’est un vent de fronde inédit qui traverse la police judiciaire »

Ecrit La Croix qui poursuit :

. »Un grand nombre de « péjistes » s’inquiètent d’une réforme portée par Gérald Darmanin. Un projet « opaque et mortifère, aux conséquences désastreuses », affirme l’Association nationale de la police judiciaire (ANPJ), créée en août dernier pour le combattre. » « 

Réforme de la police judiciaire : «Non, la PJ ne va pas disparaître»

Titre Le Parisien qui poursuit :

« Le directeur général de la police nationale (DGPN) Frédéric Veaux répond à la fronde des officiers de police judiciaire. Il plaide en faveur de la réforme prévue en 2023 et contre laquelle de nombreux policiers s’insurgent.

« La fronde contre le projet gouvernemental de réforme de la police judiciaire ne cesse de monter. Le texte, prévu pour 2023 et voulu par Emmanuel Macron et Gérald Darmanin, prévoit de placer tous les services de police d’un département (renseignement, sécurité publique, police aux frontières et police judiciaire) sous l’autorité d’un seul directeur départemental de la police nationale (DDPN) dépendant du préfet.  » …

Réforme de la police: à quoi ça sert ?

Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a présenté en conseil des ministres un projet de départementalisation de la police nationale. Cette réforme pourrait, selon les magistrats et officiers de police judiciaire, menacer les enquêtes les plus graves et complexes.

Un projet de réforme prévoit de réunir une grande partie des services de police, dont la prestigieuse police judiciaire, à l’échelle du département. De nombreux policiers de la PJ s’inquiètent de perdre leur spécificité et leurs capacités à enquêter. D e très nombreux magistrats s’insurgent également.

Pour François Molins, la réforme de la police judiciaire est porteuse « de dangers ». François Molins, procureur général près la Cour de cassation,  a en effet fait part de ses réserves. « Cette réforme suscite, à raison, beaucoup d’inquiétudes car porteuse d’un certain nombre de dangers« , a estimé le plus haut magistrat du parquet en France.

Le premier « risque » de cette réforme est, selon le magistrat, de « détruire quelque chose qui fonctionne« . « Les seuls services qui sont arrivés à garder la qualité dans les enquêtes, c’est la PJ« . Il estime aussi que l’échelon départemental n’est pas pertinent pour faire face à la criminalité« C’est trop petit, ce n’est pas la bonne échelle« . L’ancien procureur de la République de Paris pointe également le risque « d’interférence politique », avec un renforcement de l’autorité du préfet sur la police. Et le fait que les magistrats auront moins de choix dans les services d’enquête auxquels ils confient les investigations. « Donc je ne pense pas que ça aille dans la bonne direction« , conclut-il.

Ce projet, voulu par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, prévoit, à partir de 2023, de placer tous les services de police d’un département (renseignement, sécurité publique, police aux frontières et police judiciaire) sous l’autorité unique d’un directeur, dépendant du préfet. Tandis qu’actuellement, chaque service rend des comptes à sa hiérarchie. Les enquêteurs de police judiciaire sont ainsi sous l’autorité du Directeur central de la police judiciaire (DCPJ). Le gouvernement veut les intégrer à une filière investigation, avec les enquêteurs de sécurité publique en charge de la délinquance du quotidien.

NOTRE DOSSIER :

1. « Le projet de réforme de la police judiciaire menace l’efficacité des enquêtes et l’indépendance de la justice »

2. Pourquoi la réforme de la police judiciaire menace l’État de droit

3. Réforme de la PJ : «quatre fois mauvaise», tacle le procureur général de la cour d’appel de Versailles

4. Pour François Molins, la réforme de la PJ ne va pas «dans la bonne direction»

5. Pas d’unanimité au Sénat sur la réforme de la police judiciaire

6. QUESTION ÉCRITE AU SÉNAT

1. TRIBUNE extrait

« Le projet de réforme de la police judiciaire menace l’efficacité des enquêtes et l’indépendance de la justice »

Présentée comme une simple réorganisation, cette réforme va priver l’Etat des moyens de lutter contre le crime organisé et la délinquance financière, dénonce un collectif de magistrats, de policiers et de citoyens dans une tribune au « Monde ».

Publié le 31 août 2022 LE MONDE

Cinq mille enquêteurs et personnels de soutien de la police judiciaire (PJ) travaillent quotidiennement à élucider les crimes et délits qui portent le plus gravement atteinte à notre pacte social (meurtres en bande organisée, braquages à main armée, traite des êtres humains, corruption, fraude fiscale, escroqueries massives, viols en série, trafic d’images pédophiles, trafics de drogue ou d’armes, etc.), sous la direction et le contrôle des procureurs de la République ou des juges d’instruction.

Parallèlement, les services de police de la sécurité publique, placés sous l’autorité d’un directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), traitent de la petite et moyenne délinquance, affaires souvent simples et de traitement plus rapide : vols, violences, usage de stupéfiants, etc.Lire aussi : Article réservé à nos abonnésLe directeur général de la police nationale veut apaiser la colère de la police judiciaire

Plus d’un siècle s’est écoulé depuis la création des brigades du Tigre (ancêtres de la PJ), mais la nécessité de disposer d’une police spécialisée, affranchie des limites territoriales des départements et disposant d’un budget et d’effectifs sanctuarisés, est plus forte que jamais face à des réseaux criminels qui ne s’encombrent d’aucune frontière.

Le ministre de l’intérieur s’apprête pourtant à revenir à une départementalisation de la police judiciaire à compter de 2023, en unifiant le commandement des différents services de police (police judiciaire, police aux frontières, sécurité publique, renseignement) sous l’autorité d’un directeur départemental de la police nationale (DDPN), appelé à devenir le seul interlocuteur du préfet sur les questions touchant à la sécurité intérieure.

…/…

2. ARTICLE

Pourquoi la réforme de la police judiciaire menace l’État de droit

Laurent Sailly CONTREPOINTS

Le but réel de cette réforme n’est-elle pas de faire payer la PJ pour sa trop grande autonomie à l’égard du pouvoir politique ?

Publié le 6 septembre 2022

C’est un véritable vent de fronde qui se lève au sein de la Police Judiciaire (PJ).

En effet, selon les policiers, le projet de réforme de la PJ, héritière des « Brigades du Tigre » porté par Gérald Darmanin menacerait son indépendance, son efficacité et sa spécificité qui pourraient se retrouver en grande partie diluées dans une organisation globale à l’échelle départementale.

Jeudi dernier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin recevait le directeur central de la police judiciaire (PJ), les directeurs zonaux de la PJ, les chefs d’office de la police et des représentants de la PJ. L’objectif de cette vaste réforme gouvernementale, déjà expérimentée dans huit départements et dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2023, prévoit que les effectifs de la PJ, qui se consacrent aux enquêtes les plus complexes, soient dilués au sein de la sécurité publique, compétente pour les infractions de moindre envergure.

Le projet de réforme doit entrer en vigueur en 2023

Issue du Livre blanc de la sécurité intérieure, la réorganisation de la police nationale (dont Emmanuel Macron a rappelé l’importance en septembre 2021) implique la création d’un responsable unique de la police dans chaque département (le directeur départemental de la police nationale – DDPN). Celui-ci aurait alors autorité sur les effectifs de la sécurité publique, les renseignements territoriaux, la police judiciaire et la police des frontières. Le DDPN serait lui-même placé sous l’autorité d’un préfet.

Actuellement, chaque service rend des comptes à sa hiérarchie. Ainsi, les enquêteurs de la PJ sont soumis à l’autorité du directeur central de la PJ, alors que les enquêteurs de sécurité publique, en charge de la délinquance du quotidien sont soumis à l’autorité d’un commissaire de police et du Directeur départemental de la sécurité publique (DDSP).

Il s’agit ainsi de désengorger les services d’investigation des commissariats et de simplifier un fonctionnement de la police nationale dit en tuyaux d’orgue.

Dans un courrier envoyé aux fonctionnaires de la PJ mardi 30 août, le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, indique :

« L’efficacité de l’action de la police nationale appelle […] un encadrement et un pilotage unique de l’action. »

Selon lui, la lutte contre la petite et moyenne délinquance mérite qu’on lui accorde la même attention que celle portée aux affaires relevant de la criminalité organisée ou de la délinquance spécialisée (d’après une note interne dévoilée par le journal Le Monde).

Réaction inattendue de la grande silencieuse

Fait rarissime, les enquêteurs de la police judiciaire sortent de leur traditionnel silence pour désapprouver la réforme de la police qu’ils jugent néfaste. La « grande silencieuse » surnom donné à la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) bien connue pour être peu loquace a réagi vivement face à la colère et aux inquiétudes de ses effectifs.

La fronde s’organise et le 17 août dernier est née l’Association nationale de la police judiciaire (ANPJ) qui rassemble déjà près d’un millier d’enquêteurs judiciaires, bien décidés à défendre la spécificité de leur métier. Apolitique et sans étiquette syndicale dans une institution où ces derniers sont très puissants, l’association se propose d’alerter sur les conséquences désastreuses de la réforme pour la sécurité des citoyens et l’indépendance de la justice.

Pour l’ANPJ, la sécurité publique et la police judiciaire ne sont ni concurrentes, ni opposées ; elles sont toutes les deux indispensables et complémentaires dans le traitement des infractions pénales.

La fin des brigades du tigre

Dans un communiqué rendu public le jeudi 25 août l’ANPJ exprime sa crainte :

« La conséquence la plus immédiate de la réforme sera la disparition de la DCPJ, héritière des « Brigades du Tigre », et avec elle, l’expérience et la spécialisation de tous ses enquêteurs […] Les effectifs de la PJ, ainsi fondus dans ceux de la sécurité publique, n’auront plus, ni le temps, ni le moyens, de combattre la criminalité organisée et les crimes graves et complexes. »

En effet, l’ANPJ redoute que cette réforme nivelle par le bas les compétences nationales, d’autant que le champ d’action de la PJ est régional et ne se limite pas aux départements.

Dans un communiqué du 15 juillet dernier, l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI) s’associe « pleinement aux oppositions manifestées par les enquêteurs de terrain face à cette réforme qui […] risque de signer la fin de la PJ et de mettre à mal la lutte contre la criminalité organisée et financière en France, et plus généralement contre toute forme de délinquance grave. »

Dans une tribune commune pour Le Monde, l’Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la Magistrature (SM) critiquent une réforme qui « sacrifiera une filière d’excellence sur l’autel du traitement de masse de la délinquance du quotidien. »

François Molins, procureur général près la Cour de cassation, a estimé, mercredi 31 août sur France Inter, que cette réforme n’allait « pas dans la bonne direction » et présentait « un certain nombre de dangers. » Le haut magistrat craint, lui aussi, la destruction, par cette réforme, de « quelque chose qui fonctionne. Parce qu’aujourd’hui […] les seuls services qui sont arrivés à garder la qualité dans les enquêtes, c’est la PJ. »

L’indépendance de la police judiciaire remise en cause

Aujourd’hui, les polices judiciaires territoriales agissent sous l’autorité des magistrats et doivent rendre compte à leur seule direction centrale parisienne. Elles sont le bras armé de la justice.

L’ANPJ s’inquiète :

« En application de cette réforme, le DDPN, un haut fonctionnaire soumis au seul contrôle de l’exécutif et aux potentielles pressions des élus locaux, pourra désigner arbitrairement le service enquêteur et les moyens qu’il lui octroie. »

Le DDPN, directement connecté au préfet, pose un vrai problème de séparation des pouvoirs garantie constitutionnellement par le président de la République.

Dans un courrier adressé aux ministres de l’Intérieur et de la Justice le 13 juillet 2022, l’Union syndicale des magistrats (USM) écrit qu’il est évident que cette réforme porte atteinte à l’indépendance de la justice et qu’elle « tend à mettre l’autorité judiciaire sous la tutelle de l’autorité administrative en matière pénale. »

François Molins est monté au créneau redoutant un recul du judiciaire et « les risques d’interférences du politique », avec notamment un renforcement de l’autorité des préfets sur la police. Dans la tribune commune déjà citée, l’USM et le SM précisent :

« L’organisation de la PJ mettait les policiers à distance des partenaires locaux en préservant leur impartialité »,

Les signataires craignent une mainmise du politique sur les enquêtes.

La fin de la police judiciaire, menace pour l’État de droit

Si elle est appliquée cette réforme amènera la fusion-absorption de la PJ avec les Sûretés départementales (de la Sécurité publique). Les DDPN auront tout pouvoir pour ventiler les effectifs en fonction de l’actualité immédiate et des objectifs politiques.

Le but réel de cette réforme n’est-elle pas de faire payer la PJ pour sa trop grande autonomie à l’égard du pouvoir politique ?

En privant ainsi l’autorité judiciaire (procureurs de la République et juges d’instruction) de son bras armé, le politique étouffe un peu plus celle-ci. La mise en place d’une société de surveillance se poursuit en généralisant à la France tout entière, département par département, le modèle de la préfecture de police de Paris : un préfet, représentant du pouvoir politique, chef tout-puissant de toutes les polices.

Alors que la PJ est un service public qui fonctionne on la tire vers le bas au profit d’une Sécurité publique qui ne fonctionne pas.

Oui, la réforme de la PJ est bien une menace pour l’État de droit…

3. ARTICLE

Réforme de la PJ : «quatre fois mauvaise», tacle le procureur général de la cour d’appel de Versailles

Par Le Figaro

Le procureur général de la cour d’appel de Versailles Marc Cimamonti a qualifié de «quatre fois mauvaise» la réforme de la police judiciaire souhaitée par Gérald Darmanin, lors d’un discours à l’audience solennelle de rentrée transmis mercredi 7 septembre à l’AFP.

«La réforme en cours de la police nationale avec l’abaissement programmé de la police judiciaire (…) se résume en un mot décliné quatre fois, mauvaise», a-t-il déclaré lors d’un discours anaphorique la semaine dernière devant les magistrats de son ressort. Cette réforme intervient dans un contexte de «profond malaise des acteurs judiciaires» qui ont publié l’année dernière une tribune criant leur mal-être, a rappelé le premier président de la cour d’appel de Versailles Jean-François Beynel.

«Charge émotionnelle intense»

Ce dernier a énuméré différentes mesures prises pour y remédier à la cour d’appel de Versailles dont la mise en place d’un tutorat pour les nouveaux magistrats ainsi que le recrutement de deux psychologues, pour faire face «à la charge émotionnelle intense liée à certains dossiers ou à certaines situations psychiquement éprouvantes».

À LIRE AUSSILa réforme de la police suscite la perplexité

La réforme de la police nationale, quant à elle, doit être généralisée en 2023, et vise à «renforcer la maîtrise de l’autorité préfectorale» sur cette entité et «signe la disparition de la police judiciaire déconcentrée et autonome à la disposition des autorités judiciaires», a expliqué Marc Cimamonti qui, pour ses raisons, la juge «mauvaise».

Placer tous les services dans un département

Il estime également qu’elle est «mauvaise dans sa gestation avec une généralisation décidée sans expérimentation véritable» et «mauvaise dans ses modalités» avec «des moyens d’enquêteurs constants». Enfin, elle est «mauvaise (…) en ce qu’elle conduira à délaisser et à une moindre expertise dans le traitement des formes organisées, professionnelles et complexes de délinquance qui se situent souvent à un niveau ultra-départemental», conclut le procureur général.

À LIRE AUSSIDarmanin veut réformer la police sans la déstabiliser

Porté par le ministre de l’Intérieur et le Directeur général de la police nationale Frédéric Veaux, le projet prévoit de placer tous les services de police d’un département – renseignement, sécurité publique, police aux frontières (PAF) et police judiciaire – sous l’autorité d’un seul Directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet.

Il rencontre l’opposition de nombreux enquêteurs qui craignent la dilution de leur savoir-faire, voire l’abandon de certains territoires. Le procureur général près la Cour de cassation François Molins avait jugé début septembre que la réforme était «porteuse d’un certain nombre de dangers» et qu’elle n’allait pas «dans la bonne direction».

4. ARTICLE

Pour François Molins, la réforme de la PJ ne va pas «dans la bonne direction»

La réforme des services de police judiciaire «est porteuse d’un certain nombre de dangers» selon le procureur général près la Cour de cassation et ancien procureur de Paris, François Molins.

par LIBERATION et AFP publié le 31 août 2022

Elle fait l’unanimité contre elle. Après les syndicats policiers et de la magistrature, après la création d’une association nationale, c’est François Molins, l’un des plus hauts magistrats de France, qui estime ce mercredi que la réforme des services de police judiciaire, qui doit être généralisée en 2023, ne va pas «dans la bonne direction».

«Cette réforme suscite à mon avis à raison beaucoup d’inquiétudes parce qu’elle est porteuse d’un certain nombre de dangers […] Je ne pense pas que ça aille dans la bonne direction», a ainsi déclaré sur France Inter le procureur général près la Cour de cassation et ancien procureur de Paris.

Le projet de réforme prévoit de placer tous les services de police à l’échelle du département – renseignement, sécurité publique, police aux frontières (PAF) et police judiciaire (PJ) – sous l’autorité d’un seul Directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet.

«Détruire quelque chose qui fonctionne»

Actuellement, chaque service rend des comptes à sa hiérarchie. Les enquêteurs de police judiciaire sont ainsi sous l’autorité du Directeur central de la police judiciaire (DCPJ). Le gouvernement veut les intégrer à une filière investigation, avec les enquêteurs de sécurité publique en charge de la délinquance du quotidien.

Expérimentée dans trois départements depuis début 2021, puis dans cinq autres depuis février 2022, cette nouvelle organisation doit être généralisée début 2023. Or, le premier «risque» contenu dans cette réforme, selon François Molins, «c’est de détruire quelque chose qui fonctionne. Parce qu’aujourd’hui […] les seuls services qui sont arrivés à garder la qualité dans les enquêtes, c’est la PJ».

«Le second risque», poursuit-il, est lié à l’échelle départementale retenue par la réforme. «La criminalité aujourd’hui, elle a beaucoup évolué, ça se joue à l’échelle des inter-régions et de l’international. C’est trop petit le département, ce n’est pas la bonne échelle.»

François Molins évoque enfin «les risques d’interférences du politique» avec un renforcement de «l’autorité des préfets sur la police» et «une baisse de la direction des enquêtes par les magistrats qui auront moins le choix des services enquêteurs», à qui ils confient les investigations.

Une association créée

Une Association nationale de la police judiciaire (ANGE) a été créée mi-août par des enquêteurs de police judiciaire opposés à cette réforme, qui menace selon eux le «savoir-faire» de ces policiers chargés d’enquêter sur les crimes «les plus graves» et aura des «conséquences désastreuses pour la sécurité des citoyens et l’indépendance de la Justice».

5. ARTICLE

Pas d’unanimité au Sénat sur la réforme de la police judiciaire

VENDREDI 02 SEPTEMBRE 2022 PUBLIC SÉNAT

La réforme de la police judiciaire voulue par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a suscité une véritable levée de boucliers au sein des acteurs de terrain, et ce jusqu’au procureur général près la Cour de cassation François Molins. De nombreuses critiques et les retours mitigés des expérimentations de terrain en sont la cause. Au Sénat, la droite se montre circonspecte et la gauche est vent-debout contre la réforme.

Par Mathilde Nutarelli 

La fronde s’est organisée, calme mais implacable, au sein des magistrats, des officier de la police judiciaire et des associations qui la concernent. La cause : une réforme voulue par le ministre de l’Intérieur et déjà expérimentée dans cinq départements français. Elle prévoit de regrouper au niveau départemental tous les services de police (renseignement, sécurité publique, police aux frontières, police judiciaire) et de les placer sous l’autorité d’un unique directeur, le Directeur départemental de la police national (DDPN), dépendant directement du préfet. Aujourd’hui, chaque service a sa direction propre.

Cette réforme est fortement critiquée par les professionnels, qui pour protester, se sont organisés en créant l’Association nationale de la police judiciaire. Elle déplaît également dans les plus hautes sphères du monde de la justice : le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, a alerté le 31 août dernier sur l’antenne de France Inter sur le caractère dangereux de cette réforme. Au Sénat, on oscille entre circonspection et condamnation.

De vives inquiétudes sur l’efficacité et l’impartialité de la nouvelle organisation

« Je suis inquiet, comme les acteurs de terrain », explique Jérôme Durain, sénateur PS de Saône-et-Loire. « Cette réforme comporte des risques en termes d’efficacité et d’indépendance. » Ce que les professionnels du secteur, tout comme le sénateur, lui reprochent, c’est d’abord un risque d’interférence du politique dans les enquêtes. Celles-ci sont parfois très sensibles, et la proximité entre le préfet et le DDPN peut poser problème.           

Les professionnels du secteur craignent également que cette réforme ne mène à une orientation des moyens dévolus à la police judiciaire selon le bon vouloir du DDPN et des objectifs de court terme, entravant leur capacité de travail et le bon déroulé des enquêtes. Dans une tribune au Monde, un collectif de magistrats en veut pour preuve les retours des départements en expérimentation. Ils montrent selon eux que le DDPN peut aller contre des décisions de procureurs de la République sur certaines enquêtes en n’attribuant pas d’enquêteur à l’affaire, réduisant ainsi l’autorité judiciaire à un « simple gestionnaire de flux ». « Cette réforme est utile pour faire du chiffre localement, les professionnels dans les territoires où l’expérimentation est menée ne sont pas convaincus », explique Jérôme Durain.

L’échelon départemental est critiqué

L’échelon départemental est, enfin, fortement critiqué, avec la crainte que cela ne nuise à la coordination des équipes sur le territoire. Jérôme Durain explique : « Au final, on perd en moyens et en compétences là où le travail est plus complexe, où il faut travailler de manière transversale ». C’est également la crainte de Philippe Dominati, sénateur LR de Paris, plus circonspect sur la réforme, qui « doute que le département soit le bon espace », affirmant que « l’espace régional est mieux pour cela ».

Ce dernier, auteur d’un rapport à paraître pour la commission des finances du Sénat sur la police judiciaire, ne sais pas encore quoi penser de cette réforme. Evoqués ses doutes sur l’échelon départemental, il tempère : « pour une fois qu’on a un ministre de l’Intérieur qui essaie de réformer, alors qu’il ne s’est rien passé pendant les cinq dernières années ». « C’est surprenant qu’il commence par cela », ajuste-t-il. Pour le sénateur, en effet, les priorités iraient à la réorganisation de la police nationale, ou à l’unification des services de renseignement, au nombre de quatre aujourd’hui.

« Gérald Darmanin reste droit dans ses bottes et n’écoute personne »

Mais alors, comment comprendre que cette réforme ne soit pas abandonnée devant la bronca qu’elle suscite ? Pour Jérôme Durain, « Gérald Darmanin reste droit dans ses bottes et n’écoute personne ». « C’est un sujet politique d’arbitrage qui montre bien les concurrences personnelles qu’il y a au sein du gouvernement, entre Éric Dupond-Moretti qui fait ce qu’il veut à la Justice et Gérald Darmanin qui pousse son ballon avec sa réforme », analyse-t-il. « Le ministre de l’Intérieur veut affirmer sa vision, son autorité personnelle ». Le sénateur attend « qu’Elisabeth Borne tranche et que quelque chose bouge ».

Le 1er septembre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a rencontré les cadres de la police judiciaire pour entendre leurs revendications. Une prochaine réunion est prévue début octobre pour entendre les amendements des professionnels du secteur, peut-être seront-ils compris ? Jérôme Durain souhaite un débat parlementaire sur ces questions, et espère qu’il aura lieu lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi) en octobre.

6. QUESTION ÉCRITE AU SÉNAT

Réforme de la police judiciaire 16e législature

Question écrite n° 02566 de M. Henri Cabanel (Hérault – RDSE)

publiée dans le JO Sénat du 08/09/2022 – page 4332

M. Henri Cabanel attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer au sujet de la réforme de la police judiciaire et de ses impacts sur l’organisation territoriale et sur l’indépendance de ces services.

Prévu en 2023, le projet gouvernemental suscite beaucoup d’inquiétudes chez les policiers et les magistrats.

La départementalisation de la police judicaire (PJ) et le regroupement de l’ensemble des polices – sécurité publique, police judiciaire et même police aux frontières – sous l’égide d’un directeur départemental, pose le problème d’une polyvalence fortement critiquée.

Les enquêteurs de la PJ seraient amenés à gérer leurs enquêtes et d’autres missions. Alors que les effectifs sont déjà en sous-nombre, cela va amplifier la problématique.

Une association s’est d’ailleurs constituée le 17 août 2022 : association nationale de la police judiciaire (ANPJ).

Enfin, cette réforme soulève par-dessus tout, la question de l’indépendance sur les enquêtes : procureurs et magistrats instructeurs se verraient retirer totalement la désignation de leurs enquêteurs et le directeur départemental rendra compte au préfet, donc au pouvoir politique.

Au-delà du fond, qui sera abordé dans le cadre du débat parlementaire, il s’interroge sur la méthode.

Il lui demande s’il va passer en force, puisqu’il a affirmé sa volonté d’une réforme rapide, ou bien s’il va, comme le Président de la République l’a affirmé plusieurs fois dans sa feuille de route et sa volonté de changer de méthode, suivre les schémas d’organisation remis par les services, notamment les magistrats des Pyrénées-Orientales et de l’Hérault, départements test.

En attente de réponse du Ministère de l’intérieur et des outre-mer.

5 réponses »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

%d blogueurs aiment cette page :