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MENACES, DISSOLUTION, MOTION DE CENSURE, 49,3 : DÉMOCRATIE DE LA DISPUTE ?

LES ARMES DE LA DÉMOCRATIE

Emmanuel Macron laisse planer la menace d’une dissolution en cas de motion de censure contre le gouvernement. Mais ce n’est pas la seule arme constitutionnelle à sa disposition pour tenter de faire adopter sa réforme des retraites.

UNE DÉMOCRATIE ARMÉE ?

Les armes au service de la dispute entre exécutif et législatif : dissolution, motion de censure, 49,3, amendements, maitrise du calendrier et de l’ordre du jour … plutôt que le débat, le dialogue, la coconstruction ?

Pour contribuer au débat et à la réflexion nous vous proposons ici un article du Monde.

VOIR NOS PUBLICATIONS PRÉCÉDENTES :

RETRAITES ET DÉMOCRATIE: MENACER DE DISSOLUTION POUR FORCER LE VOTE D’UN TEXTE BLOQUÉ https://metahodos.fr/2022/10/03/reforme-des-retraites-le-gouvernement-fait-peser-la-menace-de-la-dissolution-pour-assurer-le-passage-de-la-loi/

« JE DISSOUS TOUT DE SUITE » : ISOLEMENT, MENACE ET ESCALADE SUR LES RETRAITES https://metahodos.fr/2022/09/29/je-dissous-tout-de-suite-la-menace/

ARTICLE

Motion de censure, 49.3, dissolution : pourquoi ces menaces sont brandies avant le début de la session parlementaire

Par Romain Imbach Publié le 30 septembre 2022 LE MONDE

Le gouvernement planche, depuis la rentrée, sur la meilleure option pour faire passer son projet de réforme des retraites, alors qu’il ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale (250 sièges pour les députés des groupes Renaissance, MoDem et Horizons et apparentés, pour une majorité absolue fixée à 289 sièges).

Jeudi 28 septembre, le ministre du travail, Olivier Dussopt, a affirmé sur LCI que le président de la République Emmanuel Macron n’exclurait pas une dissolution si le texte était bloqué par une motion de censure au Palais-Bourbon.

Une possibilité offerte par la Constitution de la Ve République, qui donne aux députés le pouvoir de renverser le gouvernement, mais aussi au chef de l’Etat celui de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer de nouvelles élections. Ce qui instaure entre l’exécutif et l’Assemblée une relation réciproque de « vie ou de mort ».

Qu’est-ce qu’une motion de censure ?

Il s’agit de l’arme parlementaire qui peut renverser le gouvernement. Aux termes de l’article 49, alinéa 2 de la Constitution de 1958, l’Assemblée nationale peut mettre « en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure ». L’existence quasi-permanente, sous la Ve République, d’une majorité stable et favorable à l’action du gouvernement a, jusqu’à présent, rendu ce scénario très improbable. Mais le paysage politique morcelé issu des législatives de juin le rend désormais moins impossible.

Le dépôt d’une motion de censure du gouvernement nécessite la signature de 58 députés. Un contingent dont disposent plusieurs groupes d’opposition – La France insoumise (LFI), Les Républicains (LR), le Rassemblement national (RN) et l’intergroupe de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes).

Une fois déposée, la motion de censure doit être examinée dans un délai de quarante-huit heures puis soumise au vote de l’Assemblée nationale. Seuls les députés qui y sont favorables votent, une abstention étant considérée comme un soutien au gouvernement.

Pour renverser le gouvernement, il faut obtenir un vote favorable à la majorité absolue, soit 289 députés. Compte tenu de la composition de l’Assemblée nationale, cela nécessite que la quasi-totalité (88 %) des 327 députés de l’opposition, du RN à LFI, en passant par LR, s’accorde sur ce texte. La dernière motion de censure, déposée par l’intergroupe Nupes le 6 juillet comme un vote « de clarification politique », a été rejetée, avec seulement 146 votes pour.

L’histoire de la VRépublique ne contient qu’un seul exemple de motion de censure ayant abouti : le 5 octobre 1962, en réaction à la proposition du général de Gaulle d’instaurer l’élection du président de la République au suffrage universel direct. L’adoption de la motion a forcé le gouvernement Pompidou à démissionner, conduisant De Gaulle à dissoudre l’Assemblée nationale dans la foulée.

Si une motion de censure constitue un revers politique majeur, elle n’oblige aucunement le chef de l’Etat à dissoudre l’Assemblée. Ce dernier peut tout à fait composer en nommant un nouveau gouvernement et négocier ou reporter certains projets de loi.

Pourquoi dissoudre l’Assemblée nationale ?

En vertu de l’article 12 de la Constitution, le président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale après consultation du premier ministre et des présidents des deux Assemblées (nationale et Sénat). De nouvelles élections sont alors organisées dans les vingt à quarante jours. Pour utiliser à nouveau cette possibilité, le chef de l’Etat doit toutefois attendre au moins un an après les élections législatives suivant la dernière dissolution.

La dissolution permet à l’exécutif de pallier des situations de crises ou de blocages institutionnels, comme ce fut le cas en 1962, 1968, 1981 et 1988, en raison de discordance entre la majorité parlementaire et l’exécutif (le président étant à l’époque élu pour sept ans et les députés pour cinq, de telles discordances arrivaient plus fréquemment). La dissolution de 1981 était, par exemple, une étape indispensable pour François Mitterrand afin de disposer d’une majorité après son élection.

Mais cette « arme constitutionnelle » peut provoquer l’effet inverse de celui escompté. Ce fut le cas en 1997, lorsque le président Jacques Chirac, qui voulait conforter sa majorité à l’Assemblée, provoqua de nouvelles élections – aboutissant au contraire à une majorité de gauche et à une cohabitation avec le gouvernement du socialiste Lionel Jospin.

La resynchronisation du calendrier des élections législatives et présidentielle, en 2000, a rendu le recours à la dissolution moins probable, en offrant systématiquement une majorité parlementaire au nouveau président dans la foulée de son élection… jusqu’à 2022.

Comment fonctionne le 49.3 ?

Lorsqu’un projet de loi aussi controversé que la réforme des retraites est examiné à l’Assemblée nationale, les députés de l’opposition tendent à multiplier les amendements, et les allers-retours avec le Sénat, pour prolonger le débat. Le gouvernement a alors la possibilité de « passer en force », en ayant recours à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet d’adopter directement la réforme.

En effet, l’alinéa 3 de l’article 49 permet au premier ministre, « après délibération du conseil des ministres », d’« engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale » sur le vote de certains textes. Lorsque le chef du gouvernement engage cette procédure, les députés ont la possibilité de déposer une motion de censure dans les vingt-quatre heures. Si elle est votée à la majorité, la loi est rejetée et le gouvernement est renversé. La logique veut alors que le président dissolve l’Assemblée et convoque de nouvelles élections.

A l’inverse, si la motion de censure est rejetée, le gouvernement gagne son pari : la loi est adoptée et part au Sénat. Elle reviendra ensuite à l’Assemblée pour une deuxième lecture, lors de laquelle le gouvernement pourra de nouveau activer le 49.3 s’il le souhaite.

Depuis la révision constitutionnelle de 2008, le recours au 49.3 est limité à un seul texte de loi par session parlementaire, à l’exception des projets de loi de finance (PLF) et de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour lesquels le gouvernement peut y recourir sans limitation.

Lire aussi Les mots pour comprendre le fonctionnement de l’Assemblée nationale : dissolution, motion de censure, commission mixte paritaire

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« JE DISSOUS TOUT DE SUITE » : ISOLEMENT, MENACE ET ESCALADE SUR LES RETRAITES https://metahodos.fr/2022/09/29/je-dissous-tout-de-suite-la-menace/

RETRAITES ET DEMOCRATIE : MENACER DE DISSOLUTION POUR FORCER LE VOTE D’UN TEXTE BLOQUE

3 réponses »

  1. À l’origine, l’article 49 alinéa 3 avait pour objectif de permettre la survie du gouvernement, même sans majorité affirmée, de continuer à faire adopter ses projets. De recours occasionnel et drastique qu’il était, cet article s’est progressivement mué en une arme multifonctionnelle aux mains des Premiers ministres, dont certains ont abusé des facilités qu’elle leur donne (cf. le gouvernement @Valls).

    Le véritable problème de ce dispositif est la dérive de sa banalisation alors que son utilisation devrait être exceptionnelle.
    En effet, le 49-3 C était dédié aux gouvernements fragiles, mais il fut utilisé par des gouvernements forts d’une large majorité qu’ils étaient incapables de convaincre.
    Cette arme était également faite pour conclure un débat qui ne pouvait aboutir autrement, alors qu’elle fut utilisée pour y couper court.
    Elle était faite pour mettre les députés devant leurs responsabilités, alors qu’elle fut utilisée pour les en soulager ou affranchir le gouvernement des siennes.
    L’impact de cet article va au-delà de ses utilisations, car il contribue à entretenir l’idée, répandue chez les députés, qu’il est vain de contrarier le gouvernement puisque celui-ci aura toujours le dernier mot grâce à cette arme.

    La solution serait de permettre à la majorité de l’Assemblée nationale, excepté pour les lois de finances, de voter à une majorité qualifiée une motion préalable excluant le recours de l’alinéa 3, interdisant au Premier ministre d’engager sa responsabilité sur le texte en discussion.
    Un tel dispositif permettrait d’opposer des effets psychologiques positifs aux effets psychologiques négatifs de l’article 49.3 C.
    @Anne BRUNET

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