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HAUTE FONCTION PUBLIQUE(7) : LA « CONTESTATION DE L’IDÉE MÊME D’EXISTENCE D’UNE ÉLITE ».

PRÉSENTATION

LA VRAIE FAUSSE SUPPRESSION DE L’ENA ET LA VRAIE RÉFORME ATTENDUE


Metahodos poursuit, par les réflexions et les débats qu’elle suscite, deux objectifs : renouer avec une démocratie complète et vivante, restaurer l’efficience de l’action publique. Nous sommes très attachés aux réformes de l’administration et de la fonction publique.

NOUVELLE SÉRIE SUR CE SUJET


La réforme de l’ENA est bien timide et tente de faire oublier l’urgence d’une vraie réforme de l’appareil d’Etat, pour lui redonner pleine efficience et renouer avec la confiance.

Voir la première publication : UNE RÉFORME ENTRE CYNISME ET ILLUSIONS.( avec les liens vers de précédentes publications ) https://metahodos.fr/2021/06/06/une-reforme-de-la-haute-fonction-publique-entre-cynisme-et-illusions/

La seconde publication: LA PUISSANCE DU RÉSEAU, UN OBSTACLE AU CONTRÔLE DU DIRIGEANT AUX EFFETS DÉLÉTÈRES https://metahodos.fr/2021/06/07/x-ena-la-puissance-du-reseau-un-obstacle-au-controle-du-dirigeant-aux-effets-deleteres/

La troisième : SUPPRESSION DE L’ENA: « TOUT ÇA POUR ÇA »  https://metahodos.fr/2021/06/08/suppression-de-lena-tout-ca-pour-ca-setonne-daniel-keller-president-de-lassociation-des-anciens-eleves-de-lena/

La quatrième : « LA DÉCISION D’EMMANUEL MACRON EST UNE MESURETTE QUI PREND LE PROBLÈME À L’ENVERS ET CASSE UNE INSTITUTION DÉJÀ EN COURS DE RÉFORME. »https://metahodos.fr/2021/06/09/arnaud-teyssier-supprimer-lena-cest-designer-des-boucs-emissaires/

La cinquième : L’ «ESSAY», CET EXERCICE DE LA PENSÉE QUI ARGUMENTE «EN LIBERTÉ». REPENSER LA FORMATION ACADÉMIQUEhttps://metahodos.fr/2021/06/10/au-dela-de-la-suppression-de-lena-repenser-la-formation-academique-en-france/

La sixième : RÉFORMETTE OU DÉMANTÈLEMENT DE L’ETAT ? https://metahodos.fr/2021/06/11/haute-f-publique/

VOICI LA 7° PUBLICATION. La contestation de l’idée même d’existence d’une élite

Si les élites ont toujours fait l’objet de contestations dans l’histoire, les critiques actuelles à l’encontre de la classe dirigeante se distinguent par leur rejet de l’idée même d’élite, analyse le chroniqueur et essayiste Olivier Babeau dans l’article dont nous proposons la lecture.

Olivier Babeau est président de l’Institut Sapiens et professeur en sciences de gestion à l’université de Bordeaux. Il a récemment publié Le nouveau désordre numérique: Comment le digital fait exploser les inégalités (Buchet Chastel, 2020).

ARTICLE

«On ne conteste plus les élites en place mais l’existence même d’une classe dirigeante»

Olivier Babeau / Le Figaro / 26 05 21

La contestation des élites en place fait partie du mouvement des sociétés depuis toujours. Depuis le néolithique, la complexification de la société a impliqué la division du travail et l’apparition de formes de centralisation de la décision. Autrement dit une répartition inégale du pouvoir. Ce dernier faisant régulièrement l’objet de contestation. L’histoire des civilisations n’est au fond qu’une interminable suite de révoltes contre l’ordre établi, d’arrivée souvent brutale d’hommes nouveaux remplaçant ceux d’hier, de puissants mouvements de substitution par lesquels des familles ou des classes sociales en supplantent d’autres. Ainsi se succédèrent les dynasties et les régimes. Il n’y aurait rien de plus banal, donc, que le discrédit dont sont frappées aujourd’hui les élites et les institutions qu’elles représentent.

Et pourtant non. Ce que notre époque a de tout à fait inédit est qu’il ne s’agit pas de contester la personne des élites, mais l’idée même d’existence d’une élite. Si l’on écoute attentivement les discours critiquant les inégalités sociales et en particulier l’inégale répartition des pouvoirs de décision, on comprend que le scandale dénoncé est moins l’incompétence de tel ou tel auquel il s’agirait simplement de substituer une personne plus capable, mais de stigmatiser le pouvoir de décision lui-même.

Tout au long de l’histoire des peuples, leurs dirigeants n’ont eu de cesse de donner à leur pouvoir les solides fondations d’une légitimité incontestable (élection divine, tradition des anciens, ordre naturel, volonté populaire, etc.). Certes, il y avait des contestations parfois profondes qui pouvaient déboucher sur des révolutions, mais celles-ci ne remettaient pas en cause l’idée qu’il faille des élites. Elles changeaient, c’est tout. Les nouveaux régimes remplaçaient les classes dirigeantes, mais ne contestaient pas le fait qu’il existât une classe dirigeante.

« Les conventions citoyennes et autres gadgets citoyens sont des symptômes de ce refus de l ‘existence d’une classe dirigeante. » Olivier Babeau

Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Tout est désormais fait pour nous suggérer que ce ne sont pas les élites d’aujourd’hui qui sont mauvaises, mais les élites qu’il faudrait supprimer. L’incroyable nouveauté de notre époque, c’est qu’on ne croit plus qu’il faille un pilote au navire. La notion de mérite, comme je l’ai suggéré dans une précédente chronique, fait l’objet d’une contestation radicale: «oui, disent ses contempteurs, les élites travaillent énormément (plus que les autres d’ailleurs), oui elles ont acquis des compétences supérieures, mais la nécessité même de ces compétences fait partie de la ruse par laquelle les élites barrent la route du pouvoir aux autres.»

Le problème du mérite n’est pas, si on lit bien les critiques qui sont adressées à cette valeur, qu’il ne recouvre pas un effort et des compétences réelles, mais qu’en soi il constitue un mécanisme mettant à distance ceux dont l’environnement ne favorise ni l’effort ni l’acquisition précoce des compétences. La conclusion, inattendue, n’est pas qu’il faudrait améliorer l’environnement des gens les moins favorisés, mais qu’il faudrait abandonner le culte des compétences !

Les conventions citoyennes et autres gadgets citoyens sont des symptômes de ce refus de l’existence d’une classe dirigeante. Il ne s’agit pas seulement de renforcer la décision des dirigeants et des experts, mais plus fondamentalement de la remplacer. Pourquoi faudrait-il des élites si les meilleures décisions peuvent être prises par n’importe qui tiré au sort? Pourquoi faudrait-il des experts si le bon sens suffit? On a pu voir que le mouvement des Gilets jaunes n’est pas parvenu à être représenté car l’idée de représentant était jugée inacceptable. Selon cette conception, la démocratie représentative laisserait place à une sorte d’ochlocratie, un pouvoir de la foule justifié par l’idée qu’elle est «le peuple».

La vraie crise du politique que nous vivons n’est pas une montée classique de nouvelles élites contestant celles d’hier et souhaitant les remplacer, mais l’illusion toxique, encouragée par la démagogie des discours égalitaristes et relativistes, que n’importe qui peut diriger.



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