
En réponse à la « crise démocratique » traversée pendant le mandat d’Emmanuel Macron
« Nous allons vite, nous n’arrivons pas à travailler au fond et le tout dans des oppositions stériles… Je comprends qu’il y ait presque un désaveu du Parlement de la part de nos concitoyens. C’est justement parce que trop de gens ont cette vision de nos assemblées qu’il est à mon sens urgent et fondamental de changer les choses. » Mme Braun-Pivet, présidente ENMARCHE de la commission des lois de l’Assemblée nationale.
« Des airs de MEA culpa » , (SELON Le Monde)
Ce constat est partagé depuis longtemps par les parlementaires, Mais est surprenant – après un quinquennat jupiterien – de la part de la présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Dans le rapport rendu public le 1er décembre, Mme Braun-Pivet établit « 25 propositions concrètes pour rééquilibrer les pouvoirs » qui font office de « plaidoyer pour un Parlement renforcé ». Ce rapport est présenté sous le timbre de la Fondation Jean Jaurès qui parle dans l’introduction à son rapport : d' »un carcan de règles l’empêche pourtant de jouer pleinement son rôle«
« On vient de vivre un mandat où le rôle du Parlement, de la démocratie représentative a été très questionné en France »,
dit-elle en évoquant l’exemple du mouvement des « gilets jaunes », du grand débat national et de la convention citoyenne pour le climat, qui ont été les réponses apportées à «cette crise démocratique».
priorité à l’organisation des travaux parlementaires
La présidente de la commission des lois annonce vouloir s’attaquer d’abord à l’organisation des travaux parlementaires avant une réforme globale des institutions. « Pour changer les choses, il ne suffit pas seulement de dire qu’on va remettre en place le septennat ou introduire la proportionnelle. Il faut rendre sa place au Parlement puisque les Français nous ont dit pendant la crise des “gilets jaunes” qu’ils n’y étaient pas représentés, que le Parlement était une chambre d’enregistrement, que nous n’exercions pas notre mission de contrôle sur le gouvernement », explique Mme Braun-Pivet.
Ses trois priorités :
- le renforcement des initiatives parlementaires,
- l’amélioration de la qualité des débats,
- le contrôle accru de l’action du gouvernement.
LES NON PRIORITES : Proportionnelle, retour au septennat, réduction du nombre de parlementaires
Pour la députée de La République en marche (LRM) les « propositions flamboyantes « , (proportionnelle, retour au septennat, réduction du nombre de parlementaires ) ne sont pas prioritaires, même si elle ne les rejette pas.
« Il s’agit de créer du consensus, d’obtenir des propositions transpartisanes et un débat apaisé, constructif, dans l’intérêt général » dit-elle.
La grande révision constitutionnelle – avortée – du quinquennat
Est ce une critique en creux du Président de l’Assemblée Nationale qui a accepté le joug de l’exécutif sur le législatif et prend à son compte les propositions de la fondation Jean Jaurès qui sont pourtant celles présentées par Mme Braun-Pivet ?
Il est vrai que Richard Ferrand a réformé le règlement de la maison, dont le fonctionnement devait être au cœur de la grande révision constitutionnelle – avortée – du quinquennat.
Elle propose des choses finalement assez banales et surtout très mécaniques :
que les parlementaires puissent inscrire à l’ordre du jour leurs propositions de loi dès lors qu’elles font l’objet d’un consensus transpartisan sur la base d’une majorité qualifiée.
Autre proposition dont on s’étonne qu’elle n’ait pas été faite durant ce quinquennat qui s’éteint:
que le Parlement puisse choisir le rythme d’examen de ses propres textes « sans avoir à demander l’autorisation du gouvernement ou sans en attendre son bon vouloir ».
Autre mesure originale mise en avant :
la possibilité pour des députés d’inscrire l’examen d’une proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée , comme c’est le cas aujourd’hui. On retiendra enfin l’idée d’une évaluation systématique, trois ans après leur vote, de toutes les lois passées par le Parlement.
Même si l’ensemble est intéressant sans être une réforme bien profonde – faute de traiter des éléments fondamentaux – selon nous – , comme :
- la gouvernance personnifiée de l’exécutif, l’équilibre institutionnel des pouvoirs,
- la décentralisation, le statut des élus,
- le programme gouvernemental recueillant la confiance,
- le role du Conseil d’Etat et de la Cour des Comptes,
- les modalités de désignation des parlementaires,
- le statut des élus et le non cumul des fonctions et retributions, les incompatibilités entre fonctions administratives et fonctions élues,
- la responsabilité des élus, ministres, fonctionnaires,
- …(VOIR LES AUTRES PROPOSITIONS DE METAHODOS),
…il n’y a aucune garantie d’être suivi d’effets, à quelques semaines seulement de la fin des travaux de la législature et de la future élection présidentielle.
Par ailleurs, et c’est peut être l’une des critiques les plus sévères que l’on puisse faire : ce sont des procedures parfois très rigides qui sont proposées, au risque de ne pas créer de la confiance et et de la coopération entre une majorité et l’exécutif.
L’autre critique majeure : rien sur la mise en place de modalités participatives et citoyennes?
Metahodos, pour sa part, propose notamment de définir des bonnes pratiques et de les inscrire dans un guide gouvernance.
Les 25 propositions DE LA PRESIDENTE DE LA COMMISSION DES LOIS :
01_ Consécration d’une session ordinaire unique, du 15 septembre au 30 juillet de l’année suivante
02_ Adoption par l’Assemblée, au mois de juin, du calendrier de la session à venir
03_ Obligation pour les ministres de présenter leur feuille de route annuelle devant la commission compétente à l’ouverture de la session
04_ Création de trois procédures de « navette parlementaire » avec des délais d’examen des textes incompressibles 05_ Présentation de projets de lois circonscrits et concis
06_ Interdiction des amendements additionnels déposés par le gouvernement
07_ Alignement du délai de dépôt des amendements du gouvernement sur celui des parlementaires
08_ Recevabilité des amendements en séance publique conditionnée à un seuil minimum de co-signatures pour les textes à procédure renforcée (tels que les projets de loi constitutionnelle)
09_ Figer le périmètre du texte au stade de son examen en commission en première lecture en appliquant la règle de « l’entonnoir » avant l’examen en séance publique
10_ Facilitation du recours à la procédure de législation en commission par un durcissement des règles d’opposition
11_ Création d’une instance centralisée et pluraliste chargée de l’examen de la recevabilité des amendements
12_ Votes des textes regroupés sur un créneau dédié, avec quorum fixé à la moitié des membres de l’Assemblée (et possibilité d’ouverture du vote à distance) 13_ Création de règles de majorité qualifiée au sein de la Conférence des présidents pour la prise de certaines décisions (visées aux propositions 14 à 19)
14_ Attribution à la Conférence des présidents du pouvoir de saisine du Conseil d’État sur les propositions de loi
15_ Maîtrise par le Parlement du rythme de la procédure d’examen des propositions de loi
16_ Facilitation de la possibilité de convoquer une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
17_ Inscription de droit d’une proposition de loi cosignée par une majorité qualifiée de députés sur l’ordre du jour de la semaine de contrôle
18_ Établissement par la Conférence des présidents de chaque assemblée d’une liste de propositions de loi jugées prioritaires transmise à l’autre chambre
19_ Inscription, lors de la semaine de contrôle, de propositions de loi issues des travaux parlementaires d’évaluation
20_ Des journées réservées réparties plus équitablement en fonction de l’importance des groupes et des possibilités accrues de répartition des journées réservées dans le temps 21_ Ouverture d’un recours en nom collectif devant le Conseil d’État, pour remédier à la carence du gouvernement à appliquer la loi ou contrôler la conformité d’un acte réglementaire à cette dernière
22_ Élaboration d’un programme commun d’évaluation des lois par les présidents des commissions permanentes de chaque assemblée
23_ Création d’un pôle parlementaire d’évaluation
24_ Suivi de la mise en oeuvre des habilitations à légiférer par ordonnance par les commissions permanentes, avec possibilité pour la Conférence des présidents d’organiser un débat en séance publique ou d’inscrire un texte de ratification à l’ordre du jour sur le temps gouvernemental
25_ Élargir la liste des fonctions et emplois dont la nomination est soumise à l’avis des commissions parlementaires en vertu de l’article 13 de la Constitution et soumettre ces nominations à un vote positif des trois cinquièmes des suffrages exprimés
Comment les Français perçoivent–ils leurs députés ?
L’Assemblée nationale a missionné la Fondation Jean-Jaurès et la Fondapol pour réaliser une enquête sur la perception du mandat et du travail des députés. Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, livre son analyse des résultats de cette enquête.
Metahodos a publié récemment à ce sujet :
« Le regard désastreux que les Français portent sur leurs députés ». Point de vue https://metahodos.fr/2021/11/27/le-regard-desastreux-que-les-francais-portent-sur-leurs-deputes-point-de-vue/
Voici les éléments qui peuvent etre sélectionnés parmis les résultats afin de donner la mesure de la gravité du sujet :
- 13% des Français comprennent le mécontentement contre les députés – qu’il se manifeste sur les réseaux sociaux ou jusqu’à leurs permanences et domiciles ;
- 34% des Français estiment qu’il faudrait que l’Assemblée nationale dispose de davantage de pouvoirs – quand 16% défendent l’opinion opposée ;
- 44% des Français ont confiance dans l’Assemblée nationale ;
- 50% des Français connaissent, ou disent connaître, le nom de leurs députés ;
- 50% des Français également sont satisfaits du travail de leurs députés ;
- 59% des Français estiment que l’Assemblée nationale joue un rôle utile ;
- 61% des Français ont le sentiment de ne pas être bien informés des travaux de l’Assemblée nationale ;
- 70% des Français attendent des députés qu’ils se consacrent prioritairement au local ;
- 73% des Français considèrent que le non-cumul des mandats est une bonne chose.
Rappel des pistes proposées par Metahodos, en voici un rappel non exhaustif :
Revisiter le « comment », la « méthode » du réfléchir, décider, agir ensemble dans une démocratie renouvelée.
Le « quoi » est tout aussi légitime, il recouvre des choix parfois opposés, mais le plus urgent est de réhabiliter les règles et mécanismes républicains et démocratiques que des reformes ou des mauvaises pratiques ont dévoyé.
Le « comment » doit en majeure partie se situer hors des partis ou des idéologies, il doit etre, transcourant ou transpartisan.
- reprendre la réforme de l’administration,
- ouvrir la fonction publique au monde économique, en organisant l’accès aux fonctions publiques de non titulaires issus des entreprises,
- reformer le Conseil d’Etat et la Cour des Comptes,
- revoir le statut des élus, incompatibilités, non cumuls…, plafonnement des indemnités, retraites… publiques ( politiques, administratives),
- revoir le financement des partis politiques,
- redéfinir les conditions du pluralisme médiatique,
- mettre en place une nouvelle régulation des sondages,
- veiller à la définition des droits fondamentaux et à leur respect,
- donner leur part dans l’action publique et la démocratie aux parties prenantes et corps intermédiaires,
- reformer les modalités de vote pour favoriser la participation, par un véritable accès à la citoyenneté, et garantir la légitimité et la représentativité des élus,
- redonner leur force (responsabilité et légitimité) aux lieux majeurs de la citoyenneté : travail, école, associations, politique, médias,
- reformer les procédures budgétaires et donner un rôle de pilotage au parlement dans la mise en œuvre des recherches d’efficience,
- accélérer la simplification des normes et procédures en établissant pour chacune de ces actions un programme pluriannuel défini par le gouvernement et le parlement avec l’appui du Conseil d’Etat et de la Cour des Compte,
- inventer une proximité avec les citoyens et les collectivités pour les politiques et actions européennes, par exemple avec des comités de citoyens et d’élus,
- réhabiliter pour l’Etat une fonction majeure: celle d’élaborer des politiques nationales stratégiques dans les grands domaines,
- définir, au niveau du gouvernement, une charte de gouvernance établissant les modalités de collaboration entre l’exécutif et l’administration, et avec le législatif également,
- instaurer l’élaboration par le gouvernement et le Parlement, en début de législature ou en cas de nouveau gouvernement, d’un programme – feuille de route – de gouvernement et d’une METHODE de mise en œuvre ( gouvernance, parties prenantes, consultations… ),
- poursuivre la décentralisation, principalement en supprimant les chevauchements de compétences,
- clarifier les compétences respectives entre Communes et Interco, Départements et Régions en articulant fonctionnellement leurs actions deux à deux,
- limiter certains pouvoirs spécifiques de l’exécutif ( président de la République et premier ministre ) par exemple pour les nominations individuelles,
- instaurer une transparence sur les actions et décisions de la présidence de la République, par exemple avec la publication préalable des ordres du jour du conseil des ministres – établis par le président sur proposition du 1° ministre – et la publication d’un compte rendu public comportant les décisions et les modalités de mise en œuvre par le gouvernement,
- rétablir les prérogatives du Gouvernement, par rapport au président de la République et dans sa relation avec le Parlement, dans son autorité sur les ministres,
- établir un Contrat Social,
- établir un plan pluriannuel contrôlé par le Parlement pour réduire les inégalités et traiter les territoires en rupture ( les clivages sociaux, économiques et culturels entrainent un autre déclassement, démocratique),
- faire de l’éducation – avec la reduction des inégalités et exclusions diverses – une priorité véritable, avec une loi de programmation fixant des moyens et résultats à atteindre,
- …
Dans le domaine institutionnel, il y a consensus pour reformer les institutions et, principalement, rétablir un rôle de fabrication de la loi et de contrôle et d’évaluation au Parlement et la proportionnelle ( dosée ou non) est une des premières mesures, qui en attendant les autres, permettrait un premier changement.
LIENS VERS CERTAINES DE NOS PUBLICATIONS RELATIVES AUX PISTES DE REFORME
Les pistes de METAHODOS/ENTRETIENS DE LA METHODE, pour rééquilibrer nos institutions – « En finir avec la « monarchie républicaine »? https://metahodos.fr/2020/12/09/les-pistes-de-metahodos-les-entretiens-de-la-methode-pour-reequilibrer-nos-institutions/
Renouveler nos institutions (Suite) – Objectif 1 – Refaire du Parlement un organe légitime et représentatif https://metahodos.fr/2020/12/05/renouveler-nos-institutions-suite-objectif-1/
Renouveler nos institutions (Suite) – Objectif 2 – Desserrer l’étau du parlementarisme rationalisé https://metahodos.fr/2020/12/06/renouveler-nos-institutions-suite-objectif-2-desserrer-letau-du-parlementarisme-rationalise/
Renouveler nos institutions (Suite) – Objectif 3 – Redonner du sens à la Fonction Présidentielle – Désigner le PR par le « Jugement Majoritaire » de Balinski et Laraki https://metahodos.fr/2020/12/07/renouveler-nos-institutions-suite-objectif-3-designer-le-president-au-jugement-majoritaire-de-michel-balinski-et-rida-laraki/
Renouveler nos institutions (Suite) – Objectif 4 – Redonner la parole au Peuple au sein des institutions https://metahodos.fr/2020/12/08/renouveler-nos-institutions-suite-objectif-4-redonner-la-parole-au-peuple-au-sein-des-institutions/
Renouveler nos institutions (Suite) – Objectif 5: Redonner de la force au contrôle de constitutionnalité – Conclusion – Bilan https://metahodos.fr/2020/12/09/renouveler-nos-institutions-suite-objectif-5-redonner-de-la-force-au-controle-de-constitutionnalite-conclusion-bilan/
Le Vote par Correspondance: Dépasser les peurs et développer une nouvelle participation https://metahodos.fr/2020/12/03/le-vote-par-correspondance-depasser-les-peurs-et-donner-une-nouvelle-chance-a-un-retour-de-la-participation/
Transformer l’action publique avec METHODE: le « comment élaborer » contre le « quoi décréter » https://metahodos.fr/2020/10/01/transformer-laction-publique-le-comment-elaborer-plutot-que-le-quoi-decreter/
Comment restaurer une Fonction politique au service de la Démocratie et du Citoyen https://metahodos.fr/2020/11/20/comment-restaurer-une-fonction-politique-au-service-de-la-democratie-et-du-citoyen/
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