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BILLET
Comment influencer les foules et fabriquer le consentement ?
À travers la figure d’Edward Bernays (1891-1995) – dont la lecture nous été proposée par Jean-Roch COUSINIER – l’un des inventeurs du marketing et l’auteur de « Propaganda », on peut décrypter des méthodes de la « fabrique du consentement ».
Les techniques de persuasion des masses apparaissent en Europe à la fin du XIXe siècle pour lutter contre les révoltes ouvrières, elles sont développées aux États-Unis pour convaincre les Américains de s’engager dans la Première Guerre mondiale.
Marketing et fabrique du consentement
Peu connu du grand public, neveu de Sigmund Freud, Edward Bernays est l’un des inventeurs du marketing, en fut l’un des principaux théoriciens. Inspirées des codes de la publicité et du divertissement, ces méthodes de « fabrique du consentement » des foules s’adressent aux désirs inconscients de celles-ci. Les industriels s’en emparent pour lutter contre les grèves avec l’objectif de faire adhérer la classe ouvrière au capitalisme et de transformer ainsi le citoyen en consommateur.
En 2001, le magazine Life classait Edward Bernays parmi les cent personnalités américaines les plus influentes du XXe siècle. Ce documentaire riche en archives retrace, à la lumière d’une analyse critique – dont celle du célèbre linguiste Noam Chomsky -, le parcours de celui qui, entre autres, fit fumer les femmes, inspira le régime nazi, accompagna le New Deal et fut l’artisan du renversement du gouvernement du Guatemala en 1954.
Brexit ou l’élection de Donald Trump mais aussi celle d’Emmanuel Macron
« Aujourd’hui, les techniques de propagande en démocratie d’Edward Bernays sont utilisées par tous les partis politiques dans le monde. Le Brexit ou l’élection de Donald Trump mais aussi celle d’Emmanuel Macron en sont les héritiers et c’est l’une des phrase forte du spectacle. en bien ou en mal si on parle de nous, c’est toujours bon pour les affaires ». Julie Timmerman
Le terme « Propagande » trop péjoratif, remplacé par « relations publiques », une technique de la …propagande
« Sa femme et partenaire, Doris Fleischman, lui a vivement suggéré de ne pas utiliser le terme trop marqué de propagande pour leur commerce. Elle inventa, pour le remplacer, celui de relation publiques qui fait encore flores aujourd’hui partout dans le monde ». Julie Timmerman
Un protocole précis: Sondages d’opinion, mises en scènes, mensonges
« Bernays a révolutionné la pratique publicitaire en instaurant un protocole précis fait de sondages d’opinion, de mises en scènes, de mensonges aussi parfois pour faire croire au consommateur qu’il désire un produit, que c’est un choix personnel. Ce genre de processus est encore largement utilisé aujourd’hui, il n’y a qu’à regarder les femmes dénudées partout dans les publicités pour les voitures. » Julie Timmerman
Propaganda : La fabrique du consentement Documentaire de Jimmy Leipold (France, 2017, 54min)
VIDEO:
Voir quelques publications de METAHODOS relatives à la communication, la propagande, la vérité ou la sincérité… :
https://metahodos.fr/2021/01/09/gerald-bronner-le-vrai-est-une-pierre-angulaire-de-la-democratie/
https://metahodos.fr/2020/12/31/covid-quand-le-choix-des-mots-ajoute-a-la-confusion-de-laction/
https://metahodos.fr/2020/12/14/la-communication-doit-plus-que-jamais-creer-du-bien-commun/
https://metahodos.fr/2020/11/27/un-univers-parallele-ou-mensonge-ignorance-deviennent-des-normes/
https://metahodos.fr/2020/09/30/la-communication-condescendante-poison-pour-la-democratie/
https://metahodos.fr/2020/09/16/la-depreciation-du-vrai-ruine-notre-monde-commun/
https://metahodos.fr/2020/07/29/lage-de-la-fabrique-du-consentement-propagande/
Nous vous proposons une émission de France Culture
EMISSION
A l’origine des fausses nouvelles, l’influence méconnue d’Edward Bernays
19/06/2018 Cécile de Kervasdoué France Culture
Edward Bernays est un personnage presque oublié par l’histoire. Double neveu de Sigmund Freud, il a pourtant été l’un des théoriciens de la propagande politique qui aujourd’hui, à l’ère de l’hyper-communication, anime entreprises et partis politiques. Julie Timmerman en a fait une pièce de théâtre.

Edward Bernays était le double neveu de Sigmund Freud. Né à Vienne en 1891, il est mort aux Etats-Unis, 103 ans plus tard, presque oublié du grand public alors qu’il a inventé l’un des grands maux du XXe siècle : la manipulation de masse. Pour Julie Timmerman, dramaturge auteur d’Un démocrate, qui raconte sur scène la vie de ce publicitaire :
C’est peut être le plus grand échec d’Edward Bernays, il aura passé toute sa vie à faire sa propre promotion mais il est mort dans l’oubli de l’opinion publique ! Son livre Propaganda, comment manipuler l’opinion en démocratie n’a été traduit en France que récemment, même s’il est aujourd’hui largement étudié dans les universités américaines, notamment en marketing.
ÉcouterRéécouter De l’urgence de faire connaitre Edward Bernays au plus grand nombre. Julie Timmerman9 MINDe l’urgence de faire connaitre Edward Bernays au plus grand nombre. Julie Timmerman

L’inconscient des citoyens au service du marché
Tout le mérite d’Edward Bernays est d’avoir su trouver des applications pratiques aux découvertes sur l’inconscient de son époque. Les théories de Gustave Le Bon sur la psychologie des foules, de Wilfred Trotter sur la psychologie sociale, et bien sûr celles de son oncle sur la psychanalyse lui ont permis aux côtés par exemple de Walter Lippmann, l’auteur de la Fabrique du consentement, d’industrialiser la manipulation de l’opinion publique à des fins économiques et politiques.
La révolution industrielle ouvre l’ère des masses. A la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis, les « barons voleurs » n’hésitent pas à tirer sur la foule qui demande par exemple des jours de travail moins longs. Ils décident aussi de trouver des moyens de contrôle social en amont. A l’époque, plusieurs penseurs comme Gustave Le Bon, Wilfred Trotter et bien sûr Sigmund Freud travaillent sur la psychologie sociale. Le mérite de Bernays est d’avoir mis en pratique ces théories pour faire passer des « messages ciblés ».
Julie Timmerman
Après avoir été l’attaché de presse du ténor Caruso ou des ballets russes, le New-Yorkais a participé, aux côtés du président Wilson, à la Commission Creel qui permit de retourner l’opinion publique américaine en faveur de l’entrée dans la Première Guerre mondiale. Il retourne ensuite régulièrement en Europe, où il passe des vacances avec son oncle Freud dont les théories sur l’inconscient le fascinent. De retour aux Etats Unis il décide donc de monter sa propre entreprise de propagande au service de l’industrie.
Sa femme et partenaire, Doris Fleischman, lui a vivement suggéré de ne pas utiliser le terme trop marqué de propagande pour leur commerce. Elle inventa, pour le remplacer, celui de relation publiques qui fait encore flores aujourd’hui partout dans le monde. Julie Timmerman

Pour les profits de l’industrie agroalimentaire, Edward Bernays contribue à instaurer le célèbre petit déjeuner à l’américaine fait d’œufs et de bacon, n’hésitant pas pour cela à mettre en scène des conseils de médecins sur le sujet.
Edward Bernays est également celui qui rendra incontournable la présence d’un piano dans les appartements américains en poussant les architectes d’intérieur de l’époque à créer des alcôves afin de les accueillir dans les nouvelles constructions.
Bernays a révolutionné la pratique publicitaire en instaurant un protocole précis fait de sondages d’opinion, de mises en scènes, de mensonges aussi parfois pour faire croire au consommateur qu’il désire un produit, que c’est un choix personnel. Ce genre de processus est encore largement utilisé aujourd’hui, il n’y a qu’à regarder les femmes dénudées partout dans les publicités pour les voitures. Julie Timmerman
L’affaire des cigarettes : un cas d’école étudié dans toutes les universités américaines
Dans les années 1920, Edward Bernays travaille pour l’entreprise Lucky Strike dont les ventes de cigarettes sont en baisse. Selon son mantra, il va « souffler aux gens les rêves avant qu’ils les aient rêvés« . A l’époque, il est très mal vu pour les femmes de fumer dans les lieux publics. Le publicitaire va donc commencer par mettre la couleur verte du paquet de cigarettes Lucky Strike à la mode dans le prêt-à-porter féminin ou dans les fêtes du show-biz, avant d’aborder les suffragettes pour leur faire croire que la cigarette est un symbole d’émancipation.
Selon la dramaturge :
S’inspirant de son oncle Sigmund Freud, il leur dit que la cigarette est un symbole phallique et qu’il n’y a aucune raison pour que les femmes n’aient pas le droit de fumer en public. Il imagine et organise aussi en 1928 un défilé de fumeuses sur la 5e avenue à New York, où les femmes, toutes féministes, avaient dans une main une cigarette et dans l’autre une pancarte « torches de la liberté ». L’idée est lancée devant la presse du monde entier : les femmes modernes doivent fumer et donc acheter des cigarettes.
Dans cette vidéo, le philosophe canadien Normand Baillargeon, raconte comment Edward Bernays a fait fumer les femmes : https://www.youtube.com/embed/lfifGrBmeRg?feature=oembed
En 1929, à ceux qui lui objecteront que la cigarette est mortelle, Edward Bernays répondra en envoyant aux journaux des expertises contraires, souvent financées par l’industrie de la cigarette. Les fausses informations, « messages ciblés » dans le langage de l’époque, sont nées.
Quand la propagande politique devient « relations publiques »
S’il a permis l’élection du président Calvin Coolidge, en changeant l’image de l’homme taciturne comme il a changé l’image des cigarettes, Edward Bernays n’a pas toujours mesuré l’impact politique de ses méthodes de propagande.
Aujourd’hui, tous les partis politiques et toutes les entreprises font des relations publiques, sans même connaître les théories d’Edward Bernays. Moi, avec cette pièce, j’ai voulu dénoncer la propagande, qui est omniprésente à notre époque d’hyper communication. Le théâtre est sans doute la meilleure façon de donner à penser et de faire éclore l’esprit critique des citoyens d’aujourd’hui.
Julie Timmerman
Edward Bernays considérait que le peuple était incapable de penser et qu’il devait être guidé par une élite. Juste avant la deuxième Guerre mondiale, un journaliste américain a raconté que l’un de ses livres se trouvait dans la bibliothèque du nazi Joseph Goebbels. Un comble, pour cet Américain qui n’a cessé de défendre l’idée que ses pratiques protégeaient la démocratie.
Peu de médias racontent l’influence de l’Américain, notamment dans nos démocraties d’aujourd’hui. Sur Arte, un documentaire de Jimmy Leipold analyse son héritage :
Autre grande zone d’ombre du personnage, en 1954, Edward Bernays renverse avec la CIA le pouvoir démocratiquement élu au Guatemala pour satisfaire son employeur, une compagnie bananière qui prend le pouvoir dans le pays. Pour provoquer ce coup d’Etat, l’Américain va savamment utiliser tous les ressorts géopolitiques de l’époque et notamment l’anticommunisme, qui alimentera une vaste campagne de presse faite de fausses nouvelles et de vrais mensonges.
Aujourd’hui, les techniques de propagande en démocratie d’Edward Bernays sont utilisées par tous les partis politiques dans le monde. Le Brexit ou l’élection de Donald Trump mais aussi celle d’Emmanuel Macron en sont les héritiers et c’est l’une des phrase forte du spectacle. en bien ou en mal si on parle de nous, c’est toujours bon pour les affaires. Julie Timmerman
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