
DOSSIER : VOIR EN FIN D’ARTICLE LES PROPOSITIONS DE METAHODOS, ET NOS PUBLICATIONS RELATIVES À LA PROPORTIONNELLE
ARTICLE
La proportionnelle, possible remède à la crise
Raphaël Roger CONTREPOINTS 26 juillet 2022
Sans causer de blocages institutionnels tout en permettant une meilleure vitalité de la démocratie, le scrutin proportionnel doit de nouveau être mis en place.
Les récents résultats des élections législatives de 2022 ont montré la grande fragmentation de l’opinion publique, avec 11 groupes à l’Assemblée nationale, sans donner de majorité absolue à la majorité présidentielle, mais une faible majorité relative de près de 250 députés.
Ces résultats montrent trois choses, tant de point de vue du système électoral que de la vie de la Cinquième République.
Premièrement, cette élection illustre à merveille le fait le scrutin majoritaire, ici uninominal à deux tours, n’est qu’un scrutin à effetmajoritaire et non à finalité majoritaire.
Deuxièmement, cette majorité relative permettra d’illustrer que sous la Cinquième République, le président n’a pas besoin d’une majorité absolue, mais simplement besoin de ne pas avoir de majorité contre lui. Disposant d’une « boîte à outils » du parlementarisme rationalisé, il peut gouverner suffisamment longtemps sans majorité claire, sans être excessivement gêné.
Enfin, ce scrutin, dont le résultat est assez proche de ce qu’il pourrait être sous un scrutin proportionnel, va permettre, du moins espérons-le, de développer la culture du consensus et du compromis, permettant d’apaiser la vie démocratique.
Mais supposons que nous sommes sous un scrutin proportionnel, cela permettrait t-il d’améliorer la santé de la démocratie ou au contraire, cela entraînerait-il des blocages institutionnels ?
Pour y répondre, on verra dans un premier temps ce que signifie le scrutin proportionnel, ses caractéristiques et sa diversité. Puis dans un second temps, on verra en quoi un scrutin proportionnel sous la Cinquième République ne poserait aucun problème majeur.
La proportionnelle, un principe métajuridique seul compatible avec la démocratie
Le scrutin proportionnel est le résultat d’un long processus politique ayant pour objet l’idée d’une meilleure adéquation entre la composition des assemblées et les votes des électeurs au travers du mode de scrutin. Pour rappel, le mode de scrutin est la règle juridique qui permet de transposer en sièges le nombre de voix obtenues. Progressivement, le scrutin proportionnel s’est développé. Instauré une première fois, bien que de manière imparfaite, au Danemark en 1855, il a ensuite été étendu en Belgique (1898), en Finlande (1906), en Suède (1907), en France en 1945, puis 1986.
Les scrutins proportionnels ont pour objet la proportionnalité entre les sièges obtenus et les suffrages recueillis. Comme dit plus haut, la finalité est ici proportionnelle. Souvent scrutin de liste, le scrutin proportionnel peut aussi être uninominal, bien que plus rare.
Plusieurs types de scrutins proportionnels existent, reposant sur des méthodes spécifiques. Pour des raisons de clarté, tous les modèles ne seront pas expliqués.
Il y a deux grandes méthodes, par quotient et par diviseurs :
Méthode par quotient
Le but est simple : on calcule un quotient (nombre de voix pour avoir un siège) puis on divise le nombre de voix par le quotient. Le nombre entier obtenu correspond au nombre de sièges auquel la liste a droit au quotient. Exemple : Quotient (Q) = suffrages exprimés (V) / nombre de sièges à pourvoir (S). Se pose évidemment la question des restes.
Plusieurs méthodes ici :
- la méthode du vote transférable (système de Hare) ;
- méthode des plus forts restes (méthode Hamilton) ;
- méthode de la plus forte moyenne (méthode Jefferson).
Méthode par diviseur
On divise le nombre de voix obtenues par chaque liste par une suite de nombre (diviseurs). On attribue les sièges aux listes suivant les nombres les plus élevés obtenus lors de cette opération.
Un autre aspect et sûrement celui posant le plus de problème, est celui du seuil, c’est-à-dire le pourcentage à obtenir pour participer à la répartition des sièges. Ce seuil va lui-même impacter l’aspect démocratique du scrutin proportionnel.
Se pose ensuite la désignation des élus, ici spécifiques au scrutin de liste.
Deux types de listes :
- une liste pré-ordonnée bloquée (où les électeurs ne peuvent pas la modifier)
- une liste pré-ordonnée non-bloquée ou panachage (l’électeur peut modifier l’ordre des candidats).
Enfin, concernant l’impact du scrutin proportionnel sur la vie politique, il convient de ne pas surestimer l’importance d’un mode de scrutin sur le système politique. Tout d’abord, tout système proportionnel est in finedéfavorable aux partis les plus faibles. Maurice Duverger notait que le scrutin proportionnel conduit à un système de partis multiples, rigides, indépendants et stables. Cependant, la proportionnelle ne fait pas augmenter le nombre de partis. Elle peut même en faire disparaître, voire conduire à un système bipartisan.
Instauration de la proportionnelle sous la Cinquième République : peu de risque d’instabilité
Comme le rappellent Frédéric Rouvillois et Christophe Boutin dans leur dernier livre, le scrutin majoritaire a fourni un « miroir brisé » de la vie politique française, devenant pour reprendre les mots d’André Tardieu, « une loi de non représentation du peuple par les personnes élues », car, seule une minorité « représente » la France, notamment au vu de la très forte abstention.
Le scrutin majoritaire a donc prolongé la crise de représentation de la Cinquième République, notamment à cause du cercle vicieux de l’abstention.
Le scrutin proportionnel permettrait alors d’y répondre.
En effet, par une transposition mathématique entre le nombre de voix et les sièges, ce scrutin est le plus juste car il ne laisse aucun électeur sur le côté de la représentation. En permettant de représenter la diversité politique (et non sociale) de l’Assemblée, il permet aussi d’améliorer la confection de la norme au travers du consensus et du compromis. Ce scrutin permettrait aussi d’apaiser les tensions entre les citoyens car il redonnerait de l’importance au processus délibératif. Il permettrait aussi de contenir les partis les plus extrêmes en leur donnant la juste mesure et en les canalisant dans la légalité.
Concernant l’instabilité qu’elle peut générer, la représentation proportionnelle n’a d’effet négatif que si le pouvoir émane du Parlement. Du fait des mécanismes du parlementarisme rationalisé, il n’y a aucun risque que cela se produise sous la Cinquième République. De Gaulle comme Pompidou considéraient que le scrutin proportionnel devait être le pendant de l’élection au suffrage direct du Président. La proportionnelle ne peut se faire que dans une démocratie organisée, ce qui aurait comme avantage de faire revivre les partis et d’effacer les personnalités.
Contrairement à ce que disent bon nombre de commentateurs politiques, sous la Cinqhième République, le Président n’a pas besoin de s’appuyer sur une majorité claire. Il suffit qu’il n’y ait pas de majorité qui s’oppose à lui (cohabitation). Le scrutin proportionnel même intégral n’entraînerait aucun risque de blocage. De plus, contrairement à l’argument du président de la République, aucune révision constitutionnelle est nécessaire. Une simple loi ordinaire suffit pour changer le mode de désignation des députés. De Gaulle avait refusé face à Debré que l’on constitutionnalise le scrutin majoritaire, laissant la liberté aux législateurs. Il était favorable au scrutin proportionnel.
Dans tous les cas, sans causer de blocages institutionnels tout en permettant une meilleure vitalité de la démocratie, redonnant confiance aux électeurs, le scrutin proportionnel doit de nouveau être mis en place.
VOIR NOS PROPOSITIONS
Réforme institutionnelle: Propositions de l’Institut Rousseau – ET rappel des pistes de Metahodos. https://metahodos.fr/2021/09/13/institutions-10-propositions-pour-un-programme-commun/
Benjamin MOREL: Renouveler nos institutions (Partie 1: constats/objectifs/méthode)
Renouveler nos institutions (Suite) – Objectif 2 – Desserrer l’étau du parlementarisme rationalisé
https://metahodos.fr/2020/12/09/les-pistes-de-metahodos-les-entretiens-de-la-methode-pour-reequilibrer-nos-institutions/ Dernier article qui clôt la série relatif à l’Objectif 5, à la Conclusion et au Bilan
VOIR ÉGALEMENT :
FINANCES PUBLIQUES : https://metahodos.fr/2021/04/05/relancer-la-reforme-des-finances-publiques-condition-dune-nouvelle-efficience-de-laction-publique/
Le Vote par Correspondance: Dépasser les peurs et développer une nouvelle participation https://metahodos.fr/2020/12/03/le-vote-par-correspondance-depasser-les-peurs-et-donner-une-nouvelle-chance-a-un-retour-de-la-participation/
Transformer l’action publique avec METHODE: le « comment élaborer » contre le « quoi décréter » https://metahodos.fr/2020/10/01/transformer-laction-publique-le-comment-elaborer-plutot-que-le-quoi-decreter/
Comment restaurer une Fonction politique au service de la Démocratie et du Citoyen https://metahodos.fr/2020/11/20/comment-restaurer-une-fonction-politique-au-service-de-la-democratie-et-du-citoyen/
RAPPEL DU PROJET FONDATEUR DE METAHODOS LES ENTRETIENS DE LA METHODE :
Pour les pistes proposées PAR METAHODOS, voici un rappel non exhaustif :
- reprendre la réforme de l’administration,
- ouvrir la fonction publique au monde économique, en organisant l’accès aux fonctions publiques de non titulaires issus des entreprises,
- reformer le Conseil d’Etat et la Cour des Comptes,
- revoir le statut des élus, incompatibilités, non cumuls…, plafonnement des indemnités, retraites… publiques ( politiques, administratives),
- revoir le financement des partis politiques,
- redéfinir les conditions du pluralisme médiatique,
- mettre en place une nouvelle régulation des sondages,
- veiller à la définition des droits fondamentaux et à leur respect,
- donner leur part dans l’action publique et la démocratie aux parties prenantes et corps intermédiaires,
- reformer les modalités de vote pour favoriser la participation, par un véritable accès à la citoyenneté, et garantir la légitimité et la représentativité des élus,
- reformer les procédures budgétaires et donner un rôle de pilotage au parlement dans la mise en œuvre des recherches d’efficience,
- accélérer la simplification des normes et procédures en établissant pour chacune de ces actions un programme pluriannuel défini par le gouvernement et le parlement avec l’appui du Conseil d’Etat et de la Cour des Compte,
- inventer une proximité avec les citoyens et les collectivités pour les politiques et actions européennes, par exemple avec des comités de citoyens et d’élus,
- réhabiliter pour l’Etat une fonction majeure: celle d’élaborer des politiques nationales stratégiques dans les grands domaines,
- définir, au niveau du gouvernement, une charte de gouvernance établissant les modalités de collaboration entre l’exécutif et l’administration,
- instaurer l’élaboration par le gouvernement et le Parlement, en début de législature ou en cas de nouveau gouvernement, d’un programme – feuille de route – de gouvernement et d’une METHODE de mise en œuvre ( gouvernance, parties prenantes, consultations… ),
- poursuivre la décentralisation, principalement en supprimant les chevauchements de compétences,
- clarifier les compétences respectives entre Communes et Interco, Départements et Régions en articulant fonctionnellement leurs actions deux à deux,
- limiter certains pouvoirs spécifiques de l’exécutif ( président de la République et premier ministre ) par exemple pour les nominations individuelles,
- instaurer une transparence sur les actions et décisions de la présidence de la République, par exemple avec la publication préalable des ordres du jour du conseil des ministres – établis par le président sur proposition du 1° ministre – et la publication d’un compte rendu public comportant les décisions et les modalités de mise en œuvre par le gouvernement,
- rétablir les prérogatives du Gouvernement, par rapport au président de la République et dans sa relation avec le Parlement, dans son autorité sur les ministres,
- établir un Contrat Social,
- établir un plan pluriannuel contrôlé par le Parlement pour réduire les inégalités et traiter les territoires en rupture ( les clivages sociaux, économiques et culturels entrainent un autre déclassement, démocratique),
- faire de l’éducation une priorité véritable, avec une loi de programmation fixant des moyens et résultats à atteindre,
- réformer les finances publiques;
- …
VOIR CERTAINES PUBLICATIONS RELATIVES À LA PROPORTIONNELLE
LA PROPORTIONNELLE AURAIT RETIRÉ 77 SIÈGES À LREM/ENSEMBLE https://metahodos.fr/2022/06/24/la-proportionnelle-aurait-retire-77-sieges-a-lrem-ensemble/
L’ASSEMBLÉE NATIONALE AVEC LA PROPORTIONNELLE INTÉGRALE – SIMULATION https://metahodos.fr/2022/06/15/legislatives-a-quoi-ressemblerait-lassemblee-si-on-avait-vote-a-la-proportionnelle-integrale/
LA PROPORTIONNELLE POUR SAUVER LA DÉMOCRATIE ? https://metahodos.fr/2022/06/07/sans-la-proportionnelle-la-democratie-representative-est-en-danger/
QUEL MODE DE SCRUTIN ? QUELLE DEMOCRATIE ? https://metahodos.fr/2022/04/09/37375/
PLUS DE PARLEMENT, DE POUVOIR LOCAL, DE CONTROLE, D’INITIATIVE, ET LA PROPORTIONNELLE https://metahodos.fr/2021/11/02/enlisement-du-regime-parlementaire/
Proportionnelle – Dernière ligne « courbe » – Suite 6: Quel risque à retirer la promesse? https://metahodos.fr/2021/03/10/proportionnelle-derniere-ligne-courbe-suite-6-quel-risque-a-retirer-la-promesse/
Proportionnelle – Dernière ligne « courbe » – Suite 1: «Pas trop tard».
Proportionnelle – Dernière ligne «courbe» – Suite 2: «Remédier à la crise démocratique».
Proportionnelle – Dernière ligne « courbe » – Suite 3: Les modes de scrutin alternatifs utilisés à l’étranger.
Proportionnelle – Dernière ligne « courbe » – Suite 4: A quoi ressemblerait l’Assemblée nationale?
Proportionnelle – Dernière ligne « courbe » – Suite 5: Serait-elle néfaste pour la République? https://metahodos.fr/2021/03/09/proportionnelle-derniere-ligne-courbe-suite-5-serait-elle-nefaste-pour-la-republique/
VOIR NOTRE SERIE DE PUBLICATIONS RELATIVES AUX INSTITUTIONS DANS L’ENTRE DEUX TOURS DE LA PRESIDENTIELLE :
INSTITUTIONS (7) La réforme des institutions, thème de querelle au 2’ tour. A quand le débat de fond ? https://metahodos.fr/2022/04/16/institutions-8-la-reforme-des-institutions-theme-de-querelle-au-2-tour/
INSTITUTIONS, ÇA BOUBE : E. Macron comme M. Le Pen, « plutôt favorable au septennat » – M.A.J. https://metahodos.fr/2022/04/12/institutions-ca-boube-e-macron-comme-m-le-pen-plutot-favorable-au-septennat/
INSTITUTIONS (2) REFORMER LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, si l’on veut consolider l’Etat de droit et permettre des innovations démocratiques https://metahodos.fr/2022/04/13/reformer-le-conseil-constitutionnel-si-lon-veut-consolider-letat-de-droit-et-permettre-des-innovations-institutionnelles/
INSTITUTIONS (3) Le retour au septennat proposé par Le Pen suivie par Macron. https://metahodos.fr/2022/04/13/le-retour-au-septennat-propose-par-le-pen-suivi-par-macron/
INSTITUTIONS (4) Marcel GAUCHET: « UNE CRISE MORALE DES INSTITUTIONS » https://metahodos.fr/2022/04/14/marcel-gauchet-il-y-a-une-crise-morale-des-institutions/
INSTITUTIONS (5) « Macron tente un rattrapage sur les institutions »https://metahodos.fr/2022/04/14/referendum-proportionnelle-macron-tente-un-rattrapage-sur-les-institutions/
INSTITUTIONS (6) Septennat, proportionnelle : Jean-Philippe DEROSIER analyse. https://metahodos.fr/2022/04/14/septennat-proportionnelle-le-constitutionnaliste-jean-philippe-derosier-analyse/